ㅤ📃 CHAPITRE 65

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La lassitude avait pris le cœur et le corps de l'équipe. Du Bataillon entier, en réalité. Il n'y avait plus aucune volonté dans quoi que ce soit, si ce n'est continuer à marcher, et l'énergie avait totalement disparu.

D'habitude, quand on approchait d'une expédition, il y avait un frémissement dans l'air, une vibration telle que l'on se sentait galvanisé, qu'on avait l'impression que tout allait bien se passer. Mais cette fois-ci, l'excitation avait été remplacée par une torpeur molle, un tremblement, un souffle épuisé.

Les soldats n'en pouvaient plus de cette situation, savaient depuis longtemps qu'ils n'allaient pas rentrer. Qu'ils ne devaient pas. On les envoyait là-bas non pas pour faire croire à la population qu'il y avait un espoir de vivre en dehors des murs mais plutôt pour faire comprendre qu'il n'y avait pas d'au-delà cette protection, qu'elle était d'ailleurs amoindrie, qu'il fallait désormais faire des sacrifices.

Et plus la date fatidique approchait, plus on sentait l'épuisement des soldats qui avaient pourtant consacré leur vie à cette fin. Il restait pourtant deux mois avant l'événement mais on se doutait bien que tout arriverait trop vite, qu'on n'aurait pas le temps de profiter...

Dans les couloirs vides du quartier général, Céleste traçait les murs du bout des doigts. Elle aurait pu se diriger tout droit vers sa chambre ou le réfectoire mais, comme d'habitude, ses pas la conduisirent jusqu'au toit. À cette heure-là, elle le savait, elle aurait le droit de voir le coucher de soleil. Et elle avait besoin de cette chaleur-là.

C'est pour cette raison que le soulagement prit le cœur de la soldate quand elle vit que Levi était déjà là.

« Et dire qu'il y a un an, on allait à un festival pour danser. »

Pourquoi avait-elle dit ça ? Elle regretta directement ses paroles quand elle vit l'ombre passer sur le visage du caporal. La jeune femme hésita alors ; devait-elle s'excuser pour cette déclaration mal placée ? Ses questionnements disparurent quand le noiraud se tourna vers elle, plissa ses lèvres dans une expression presque désolée.

« C'est vrai.

— Ça me manque un peu, j'avoue.

— Tu ne préfères pas la situation actuelle ? Étonnant. »

Céleste ne put retenir son rire jaune. Pas à pas, elle se rapprocha de son ami, se mit à ses côtés vers les remparts du toit. De là où ils étaient, le crépuscule s'étendait devant eux, couvrait le petit bois de sa lumière dorée.

« Tout va bien, de ton côté ?

— Ça peut aller. Becca est angoissée, je la comprends, mais les autres s'en sortent bon gré mal gré. Et toi ?

— Mieux que ce que j'espérais. J'aurai juste préféré ne pas être dans cette merde.

— Je sais. »

Sous le coucher du soleil, les yeux de Levi brillaient. Le bleu de ses iris prenait presque la couleur du ciel et Céleste avait l'impression d'être dans son bureau, là où son visage était seulement illuminé d'une bougie. Là où elle avait la sensation d'être seule au monde avec lui.

« J'aurai aimé retourner danser... Si j'avais su, à l'époque, que tout aurait fini comme ça...

— Cette sortie n'a pas signé ce qu'il nous arrive aujourd'hui. Et il y en aura très certainement d'autres.

— Peut-être. Mais j'aurai dû oser plus de choses à ce moment-là.

— Tu regrettes quelque chose ?

— Seulement maintenant. Quand je sais que dans peu de temps, on va être envoyé en pâture aux titans pour désépaissir la population... Je me dis juste que j'aurai dû parler pour ne pas mourir avec ce secret sur le cœur. »

DANSE À TROIS TEMPS ET MOTS EFFACÉS | levi x oc - T1 & T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant