ㅤ📃 CHAPITRE 11

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Le temps était passé étrangement vite, maintenant que la glace avait été brisée. La fratrie Fosten avait découvert en Levi ce qu'ils ne connaissaient pas ou peu ; la vie désillusionnée. Si Sandre avait froncé son nez de consternation en écoutant le jeune soldat parler vaguement de sa vie dans la ville souterraine, Céleste s'était montrée extrêmement intéressée et admirative. Loin d'elle l'idée d'aduler un homme qui volait pour manger et commettait sûrement d'autres crimes mais elle trouvait fantastique le fait d'avoir réussi à chaparder un équipement tridimensionnel et avoir appris à l'utiliser seul, sans personne pour le guider ou l'aider en cas de pépin. Il s'était débrouillé toutes ces années, sans jamais demander quoi que ce soit - en tout cas à sa connaissance - et elle trouvait ça remarquable.

Claude semblait soulagé de voir que sa sœur avait fini par réussir à s'entendre avec son ami ; lui qui craignait devoir subir une ambiance lourde toute l'après-midi était ravi. Et il se fit même la réflexion qu'il avait bien fait d'emmener le noiraud avec lui dans ces retrouvailles, bien qu'il pensât au départ que son ami irait passer tout son temps avec les chevaux dans leur enclos à l'abandon.

Et puis, elle avait arrêté de mal le regarder lui, bien qu'elle lui laissât toujours de temps en temps une pique salée et bien méritée.

Installés dans le jardin, entre les feuilles mortes et la terrasse envahie d'herbes, les quatre regardaient le soleil qui déclinait petit à petit. La température était d'ailleurs en train de chuter, commençait à faire frissonner Céleste. Cassandre le remarqua bien vite, enleva la veste qu'il avait pris pour l'occasion et la posa sur les épaules de sa sœur.

« Je pense qu'on va bientôt devoir rentrer, il commence à se faire tard.
- Au fait, où est votre chaperon ?
- C'est pas l'homme à l'étage qui nous regarde depuis tout à l'heure ?
- Putain, j'ai cru que c'était un fantôme ! »

Levi avait pointé du menton la silhouette qui se dessinait à travers la fenêtre sale, alors que Claude se rassurait à l'idée que cette ombre soit une véritable personne. Cela fit rire la noiraude qui déclara par la même occasion que son frère était un idiot.

Les quatre décidèrent alors de se séparer, les deux soldats voulant rentrer à leur quartier général avant que la nuit ne tombe. Ils se dirigèrent alors tous vers les écuries où leurs chevaux attendaient.

« Enfin, c'est vraiment chiant que vous ayez un couvre-feu. Enfin, j'imagine que vous n'appelez pas ça comme ça... Rassurez moi, vous envisagez de quitter un jour cette prison que vous appelez maison ou vous allez laisser père vous marcher dessus jusqu'à la fin de ses jours ? »

La remarque fit piler Céleste, alors que Cassandre donnait un coup dans l'épaule de son frère. Levi, qui se tenait en retrait du trio, s'arrêta au niveau de la jeune fille, regarda son visage figé et fronça ses sourcils. Il avait déjà entendu parler du fait que les deux Fosten ne coulaient pas des jours heureux chez eux, son camarade lui parlant souvent de sa correspondance avec son aîné, mais il voyait désormais à quel point leur quotidien les affectait.

« Claude, mesure tes propos.
- Comme si lui le faisait. »

Son regard s'était mis à brûler d'une colère qu'il ne connaissait pas. Malgré tout le temps qu'ils avaient déjà passé tous les deux, Levi découvrait pour la première fois cette part de sa personnalité qu'il semblait partager avec sa famille.

Il détailla un instant la mine renfrogné de Cassandre, ce visible dégoût sur son visage. Il avait l'air de regarder une immondice, alors qu'on n'avait fait que mentionner son père, et de refuser que ce dont on lui avait parlé puisse exister. Céleste, elle, avait cette figure dépitée, ce découragement fugace qui combattait une hargne folle. Il en avait vaguement fait la rencontre, quelques heures plus tôt, mais voyait ici l'abattement. Elle semblait soudainement avoir abandonné un combat perdu d'avance, alors que ses deux frères montraient l'envie de donner de grands coups de pied dans la fourmilière.

« Je n'aurai pas dû partir.
- Même si tu étais resté, rien n'aurait changé. Pire, tu serais à l'heure actuelle fiancé, sur le point de te marier, prêt à devenir père.
- Ça aurait pu vous aider, Céleste.
- Contrairement à nous, Claude, tu ne peux pas te plier à ces normes-là. La vie de soldat te permet au moins d'échapper au mariage. »

Comme un spectateur qui n'avait rien à faire là, le noiraud contemplait la discussion, comprenait douloureusement ce qui se tramait là. Si le sort auquel Claude avait visiblement échappé s'appliquait au reste de la famille ; Cassandre devait déjà être sur le point de se faire passer une bague au doigt et Céleste attendait le moment fatidique. Était-elle au courant ? Assurément, sinon elle n'aurait pas pris la parole de la sorte. Elle ne semblait pas s'en plaindre, sûrement car elle savait parfaitement ce qui l'attendait depuis sa naissance.

« Et alors ?! »

Brusquement, le brun avait repoussé son frère, lui criant dessus. Il ne supportait pas de voir les choses se dérouler ainsi, conscient qu'il ne pouvait rien faire pour aider. L'aîné lui attrapa les épaules, sourcils froncés. Alors que les choses se déroulaient si bien, il avait fallu qu'on ne mentionne qu'une seule fois leur père pour que les choses s'enveniment. Céleste soupira et se massa les tempes, pour cependant partir dans son coin. Perdu, le soldat se décida à suivre la noiraude, tandis que les deux plus âgés commençaient à vociférer.

Marchant derrière en silence, Levi attendait qu'un mot soit prononcé par la noble. Peut-être voulait-elle être seule ?

« Encore une fois, tu te retrouves au plein milieu d'une discussion « entre frères ». Quelle plaie, sérieusement.
- Ça arrivait souvent, avant ?
- Non. »

Les temps avaient changé et elle ne voulait pas vouloir en parler. Le visage fermé, elle serrait ses dents et ses poings, attendant que ses aînés daignent enfin d'arrêter de se disputer. Pourquoi se querellaient-ils, cette fois ? Était-ce qu'une question de mariage ? Le benjamin ne devait pas apprécier savoir ce qui se tramait maintenant qu'il était parti. Mais que pouvait-il y faire ?

« Est-ce que vous êtes ensemble ?
- Je te demande pardon ?
- Toi et Claude. »

Elle avait parlé si soudainement que Levi en fut bouche bée quelques secondes. Pourtant, quand il croisa son regard, il n'y vit aucune mauvaise pensée ou sous-entendu douteux. Elle se demandait simplement si son frère et cet homme entretenaient une relation autre qu'amicale, si c'était pour cela aussi qu'il était là aujourd'hui. Mais en voyant sa tête éberluée, elle finit par hocher la sienne de droite à gauche. Elle s'était visiblement trompée.

« Je sais qu'il n'est pas du genre à aimer les femmes mais non, nous ne sommes pas amants si tu veux savoir. Si je suis là, c'est parce qu'il m'a fait chier à dire que je faisais pitié tout seul dans mon coin, je te l'ai déjà dit.
- Je voulais simplement en être certaine. Il a tellement... changé. »

Le frère constamment enthousiaste qu'elle avait toujours connu semblait s'être volatilisé, remplacé par cet être borné et horriblement soucieux. Après tout, il les avait laissé pour l'armée, pour cacher son amour, il n'avait plus le droit de donner son avis. Et même s'il pouvait s'indigner de ce qu'il se passait, qu'est-ce qu'il pouvait y faire ? Il avait choisi sa vie, ils en avaient fait de même.

« Pourquoi est-ce que tu es partie ?
- Parce que je sais ce qu'ils vont se dire. Claude va reprocher à Sandre de trop se laisser marcher sur les pieds, de trop se laisser faire par père, de ne pas assez prendre en main son futur rôle de chef de famille. Et après, il lui sera reproché de nous avoir abandonné pour ses propres peurs, d'avoir été incapable de mettre ses envies de côté pour protéger sa famille, de ne jamais être là pour nous.
- Et tu le penses ?
- Je pense que Claude est un idiot mais je le comprends, au fond. Depuis qu'il est parti, il y a trois ans et demi, la vie chez nous est devenue un enfer. Notre père n'est pas un tendre et encore moins un patient. Il ne nous laisse rien passer, même respirer en dehors de notre travail nous est presque interdit. Aujourd'hui est la première fois que je suis sortie en dehors de chez moi depuis une année et il a fallu que nous mentions avec un servant pour complice. Ça, Claude ne peut pas le comprendre, même si Sandre le lui raconte dans ses lettres. J'ai détesté mon frère pour nous avoir abandonné à notre sort mais lui, au moins, a eu la chance de pouvoir fuir cette prison. Maintenant, c'est trop tard et nous devons assumer nos choix. Donc peut-être qu'il a eu raison d'être égoïste, tu ne crois pas ?
- Je ne sais pas, à vrai dire.
- Tout ce que je veux, c'est qu'il ne regrette pas sa décision. Il n'a pas le droit de revenir à la maison, je ne le lui autoriserai pas. Qu'il assume ses choix, merde à la fin ! »

Elle semblait si sûre d'elle, si confiante dans ce qu'elle disait. Derrière eux, la querelle se calmait et les deux frères ressurgirent bien vite. La tempête avait été de courte durée mais Levi se sentait bien trop bousculé pour faire le point correctement. Il avait puissamment envie de partir en courant et de ne plus jamais revoir cette famille mais, aussi dingue soit-elle, il avait aussi envie de retrouver ces trois personnes, en même temps.

« On va rentrer. »

Un blanc fit surface et le soldat suivit le mouvement, sans se plaindre ou émettre d'objections. Après tout, si son camarade voulait partir, c'était libre à lui non ? Ainsi, il suivit le mouvement, se dirigea avec la petite famille jusqu'à l'enclos où se trouvaient les chevaux.

Alors qu'ils préparaient leurs montures pour leur départ, il sentait dans son dos une paire d'yeux améthystes. Il tourna sa tête et aperçu l'adolescente qui l'observait avec attention. Bras croisés sur sa poitrine, elle semblait inspecter ses moindres faits et gestes, comme si elle voulait s'assurer qu'il sellait bien le cheval. Toute animosité avait désormais disparu de son visage, ce qui le « soulageait » presque, tant il avait craint devoir passer une journée entière avec une gamine incapable de contrôler sa frustration.

« La prochaine fois que tu viendras, raconte-moi encore un peu plus de ta vie dans les bas-fonds.
- Pourquoi je le ferai ? »

Elle haussa ses épaules. S'intéressait-elle à lui car il était l'ami de son frère ou est-ce qu'il l'intriguait vraiment ? Il réalisa un instant qu'il s'était réellement posé la question.

Cette noiraude là était cependant bien étrange ; quelques minutes plus tôt, elle s'enflammait à propos de son frère et maintenant, elle semblait s'être apaisée, parlait bien plus calmement. Et, au final, cette impulsivité lui allait bien.

« Bon... On y va Levi ? »

Claude tenait les rênes de son cheval, ferme. Il ne semblait même plus vouloir regarder son frère qui tapait nerveusement du bout des doigts sur ses avant-bras. Et alors que le noiraud se disait que c'était la dernière fois qu'il verrait cette famille étrange, qu'il finirait sûrement par n'entendre parler de la demoiselle qu'à travers de rares lettres, Cassandre se lança et attrapa son frère par le bras.

« Jamais, tu m'entends ?, jamais je ne le laisserai faire. Pars tranquille, je règlerai cette histoire. »

pour une première rencontre on est pas mal je trouve !

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pour une première rencontre on est pas mal je trouve !

j'ai hâte de publier les chapitres suivants, les choses vont commencer à s'accélérer maintenant

il me semble qu'on est déjà à la moitié de la partie I, ça me fait tout bizarre je l'avoue ahah

maintenant, est-ce que ça va avancer dans le bon sens ? rien n'est moins sûr ! je vous laisse deviner de quelle "histoire" parle cassandre même si on le découvrira bien assez vite

dans tous les cas n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à voter, ça fait toujours plaisir les petites notifs :)

DANSE À TROIS TEMPS ET MOTS EFFACÉS | levi x oc - T1 & T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant