Chapitre 5 - Joannie

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Mon rythme cardiaque vient de faire une envolée magistrale à cause de ce gros naze d'Aldrin.

— Merde, crache Lyly qui réalise qu'un truc cloche.

Consciente de ce qui se passe en moi à cet instant, ma meilleure amie me saisit par le bras, passe la main dans mon dos et nous conduit vers deux sièges non loin de là, attrapant au passage des verres alors qu'un robot de service propose à proximité.

— Jojo, regarde moi ...

Je l'entends de loin, sa voix est comme étouffée.

Elle prend mon visage entre ses mains et me force à tourner la tête vers elle, fixe mon regard au sien. Laely est l'une des rares personnes à savoir anticiper mes crises d'épilepsie et à savoir comment me faire reprendre pied.

Puis, elle me fait avaler la boisson pétillante en ne me lâchant pas des yeux . J'ai besoin d'un ancrage rapide au réel .

— Ça va aller?

J'expire un petit "oui", pour lui montrer que je l'ai entendue .

Mon amie me serre dans ses bras, dans une accolade rassurante. Mes sens retrouvent leur calme progressivement .

— Merci, je souffle avec difficulté.

— De rien ma belle, je suis là pour toi.

On reste quelques minutes comme ça, dans les bras l'une de l'autre pendant que mon cœur se calme et que mes esprits se remettent à l'endroit. J'ai besoin de sentir un corps au contact du mien pour rester ancrée au "ici et maintenant", sans quoi je suis emportée malgré moi dans un "ailleurs et n'importe quand" qui n'est aucunement maîtrisable .

— Quel abruti ce type ! marmonne Laely, Il te pousse à bout comme ça souvent?

— Humhum...

Je sirote le fond de mon verre en relevant la tête. Il faut que mes yeux s'accrochent à un repère fixe, je choisis le palmier devant nous.

— Et il sait dans quel état ça te met quand tu as une crise?

— Mumhum...

Les yeux attirés par les végétaux, je suis subjuguée par les ombres qui glissent sur les palmes, le tronc et le sol, et mon regard va se fixer sur le scintillement des perles de pluie que l'arrosage automatique a laissé sur les feuilles des fougères aux pieds des grands arbres durant la nuit. S'ancrer au réel.

Le ton outré de Lyly me fait sourire, et elle le perçoit. C'est un signe que je me reconnecte à mon entourage, que je l'entends et que je la comprends. Elle en profite pour s'engouffrer avec humour :

— C'est bien dommage qu'il soit si con, ça gâche tout, parce-que dis donc ... canon !

Elle sait que me parler de beaux gosses, y'a rien de tel pour retenir mon attention.

— Et encore, c'est pas lui le plus hot!

Ma Lyly se tourne vers moi avec le sourire conquérant de celle qui sait qu'elle vient de gagner une bataille.

— T'as juste pas encore croisé Gagarine, c'est pour ça.

Elle rigole franchement:

— Et ben voilà, tu vas beaucoup mieux d'un coup !

Mes crises de nerfs et d'angoisse qui finissent en épilepsie, elle a l'habitude. Laely m'a toujours soutenue comme elle le fait à présent. Je sais que j'ai besoin de stimuler mes sens pour que mes crises se passent le plus discrètement possible. Avec le toucher surtout. Mais parfois, je ne peux pas reprendre pied assez rapidement, et je suis emportée dans les méandres de ce brouillard.

Fly me to the Moon - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant