Chapitre 60 - Laely

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Ça fait une semaine qu'on est revenus de notre voyage au Mexique, et c'était le pied. Bien sûr la nature était sublime, on a fait de magnifiques randos, on a profité à fond de ce coin de paradis qui nous rappelle à quel point notre planète était un lieu agréable autrefois. Moi, j'ai pu prendre des tas de photos pour ma collection des plus beaux végétaux qu'il m'ait été donné de voir dans leur milieu naturel. Et puis, bien sûr on n'a pas arrêté de faire l'amour. Évidemment.

Avec Kane, depuis qu'on s'est avoué nos sentiments profonds, c'est l'extase. Le nirvana. L'apothéose. Bref on devient fusionnels c'est la cata. Oui c'est terrible!

Non seulement il part très bientôt et je vais être en manque, ça sera l'enfer, mais en plus, il est en train de développer une sorte d'obsession possessive qui pourrait mal tourner.

Au début, je trouvais ça mignon qu'il soit jaloux du moindre regard qu'un autre homme pouvait poser sur moi. C'était drôle quand il essayait de me couvrir au Mexique! On était en maillot de bain pour ainsi dire toute la journée car la chaleur était intense. Comme en plus j'avais envie de lui sans arrêt, j'avais toutes les raisons du monde d'être très légèrement vêtue donc. Et heureusement qu'on était dans un coin isolé et qu'on n'a pas croisé tant de monde que ça, car Kane était prêt à retirer son t-shirt et à me le donner pour que je me couvre dès qu'on avait le malheur de croiser d'autres randonneurs.

Il n'arrêtait pas de dire que je suis beaucoup trop sexy, et qu'il ne supporte pas que d'autres yeux que les siens profitent du spectacle de mon corps. Tu parles! Il a surtout les chocottes lui aussi en réalisant qu'on sera loin de l'autre pendant si longtemps avant de pouvoir se retrouver, et qu'il peut se passer tant de choses.

Mais moi c'est pareil! Je ne suis pas du tout à l'aise à l'idée de le savoir si loin, avec d'autres nanas qui lui tourneront autour. Surtout si Kimbra est retenue dans la sélection qui part en juillet. Cette nana c'est une peste, et elle fera tout pour me faire chier, je le sais ... Surtout depuis qu'elle sait que l'on est au courant de son trafic !

— Ma puce?
Kane me tire de ma réflexion sentant que j'ai perdu ma concentration.
— Oui pardon... t'as raison!
Nous sommes motivés comme jamais pour obtenir les meilleures notes possibles et garantir nos chances d'être parmi les heureux sélectionnés qui partiront vers New Start.

Il faut dire qu'entre mes parents qui ont hâte que je les rejoigne sur la station lunaire, Jojo qui me répète chaque jour combien elle est fière de moi, Gloria qui nous a fait promettre de tout faire pour vivre cette aventure extraordinaire, et le Major qui n'hésite pas à en mettre une couche à chaque fois qu'il le peut pour nous motiver à donner le meilleur de nous même...

Bref Kane et moi avons toute la pression du monde sur le dos, et je dois dire que c'est un fardeau bien plus facile à porter à deux. Quand j'ai paniqué lors du départ de mes parents en début d'année, j'ai surtout eu peur de la solitude. Mais désormais, Kane m'a convaincue que l'on serait sûr d'être à bord de l'Arche à force de travail et de persévérance.
Alors on travaille. Pratiquement H24. On passe tellement de temps dans nos labos qu'on a fini par y aménager des petits espaces pour manger, dormir, et "relâcher la pression"...Car je sais pas pourquoi mais faire tourner mes neurones à plein régime, ça me rend nymphomane! Et c'est pas pour lui déplaire, le bougre! J'en viens même à me demander parfois s'il verse pas du gingembre dans mes boissons ou un truc comme ça!

Enfin! Quoi qu'il en soit, on continue à rendre visite à Gloria chaque weekend, on se réserve des moments entre potes le samedi soir aussi, et le dimanche on s'envoie en l'air à tout va!J'en rigole, mais en vrai, heureusement que la contraception est prise en charge par le SpaSa qui n'a pas du tout envie d'envoyer une femme enceinte dans l'espace, allez savoir pourquoi? Parce que là, à force, j'aurais pu mille fois tomber enceinte sans ça!

Le Major nous avait d'ailleurs informés que la moindre grossesse aurait été un motif raisonnable d'éviction du programme compte tenu des entraînements que l'on subit, mais aussi car il n'est pas possible d'élever un enfant correctement pour les étudiants du centre. Et je suis bien d'accord. Notre projet est bien plus grand que nous, il s'agit de ne pas laisser le moindre grain de sable gripper la machine. Non pas que je considère qu'un bébé soit un grain de sable, mais...
— Laely !
— Hein?
— T'as besoin d'une pause c'est ça? Je vois bien t'as encore décroché!
— Oui, pardon...
— Allez, viens, on va aller prendre l'air ça nous fera du bien, dit-il en me tendant la main.
— C'est pas plutôt que t'as ENCORE envie de moi ?
J'ai tellement insisté sur le mot "encore" qu'il rit.
— Tu sais bien que je ne suis jamais contre ma puce... JAMAIS !

Mais notre petite session sera reportée à plus tard, car dans le couloir, alors que l'on passe devant le bureau de la professeure Butteridge, mon oreille capte un bout de conversation qui s'échappe par la porte entre-ouverte:
— Mais enfin Jack, ce n'est pas possible !
— Si bien sûr! Le Bureau se réunit lundi et ma convocation me sera transmise à l'issue de la séance.

Je ralentis le pas, non pas que je sois curieuse, mais le ton de la voix du Major est anormal: je ne l'ai encore jamais entendu aussi abattu.
— Kane?
Je chuchote:
— Le major....
On tend l'oreille en essayant de rester discrets.
— Ce n'est qu'une convocation Jack, ça ne sert à rien de partir défaitiste...Et puis il savent que rien n'est de ta faute, ce n'était qu'un accident.
— Mais merde Beth! Tu ne comprends donc pas? Le programme va tomber à l'eau, putain!
— Calme toi!
— Toute ma vie j'ai bossé là dessus, on est si près du but... et il a fallu que tout parte en vrille à cause de cette saloperie d'avalanche!

Avec Kane on se regarde avec étonnement et incompréhension: On a entendu des bruits de couloirs concernant les blessés d'Alaska ces derniers temps et on sait que sur la quinzaine qui ont du rester sur place pour recevoir des soins, quatre ont été plongés dans le coma compte tenu de la gravité de leur blessures. Les autres ne sont pas tous revenus, la majorité a abandonné le programme. Et au final on ne sait pas quels sont ceux qui sont partis de leur plein gré, et ceux qui ont été trop lourdement touchés pour pouvoir poursuivre le programme. Ça c'est ce que dit la rumeur.
— Chuuuut... calme toi...reprend la professeure Butteridge
— Ces mômes sont morts par ma faute Beth....

J'ai un hoquet de surprise, et les yeux écarquillés.
Je fixe Kane qui a la mine presque aussi déconfite que moi.
Dans un souffle, il attrape ma main:
— Viens, ne restons pas là.

Fly me to the Moon - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant