Chapitre 36 - Laely

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En ce samedi après-midi, à la bibliothèque, je rêvasse au lieu de bosser.
J'ai décidé de faire mariner Kane et M Ronchon. Enfin, Jojo a proposé, et j'ai adhéré à sa proposition.

Elle dit que "tant qu'on ne sait pas à quoi ressemble M Ronchon, ça sert à rien de s'ambiancer!"

Parce que s'il ne me plait pas physiquement je serais bien embêtée d'avoir un type sur les bras, aussi doué avec les mots puisse-t-il être. Quant à Kane, elle a aussi raison de dire qu'il faut que je le fasse encore un peu plus chier.

Ce type n'est pas stable, il passe du gros relou de base à l'agneau, puis au séducteur en un claquement de doigts. Il faut que je le pousse dans ses retranchements pour savoir exactement à quoi m'attendre avec lui.

On s'est mis d'accord, elle et moi, pour dire que de toute façon, compte tenu de son statut de chargé de cours, une relation avec lui ne pourrait pas durer, et ça serait nécessairement qu'une histoire de sexe juste pour faire baisser la pression.
ÇA NE PEUT PAS ÊTRE PLUS QUE ÇA!

Pour un peu que ça arrive aux oreilles du Major... Laisse tomber!
J'ai pas envie de cramer mes chances d'intégrer la phase 2 puis 3 du programme.
Donc, je joue avec lui et c'est tout.

Si en revanche, il s'avère que M Ronchon est craquant, là par contre...
— A quoi tu penses?
Le con de capitaine m'a fait sursauter!
— Je te dérange on dirait...
"oh toi mon coco, enlève tout de suite ce petit sourire de séducteur de ton visage! C'est moi qui mène la danse ici, et tu vas vite déchanter "mon beau"...
— Pas du tout...
Je me redresse pour reprendre un peu de contenance, alors que sans demander la permission, Kane prend place face à moi sur la grande table éclairée par le soleil qui inonde les baies vitrées.
— Je t'en prie...
Il pousse un peu les livres que j'ai étalé devant moi et s'installe comme un prince.
— La botanique, hein? C'est ton truc ça...
— ouais... et?

Je le défie du regard, calée dans mon siège, les bras croisés sur le torse pour lui faire comprendre que je n'ai pas franchement envie de sa présence dans mon espace là, maintenant...
— c'est cool.
— ouais.

Et je reprends ma lecture. Ou j'essaye de faire comme si je reprenais ma lecture, car en fait je sens bien qu'il me scrute. Et ça m'agace autant que ça m'amuse.
— Tu voulais quelque chose?
— Non, rien.. je te regarde...
— je vois bien oui... et?
— rien...
— ok
Je le vois prendre nonchalamment un des bouquins sur la spiruline et le feuilleter.
— Camilla Hernandez, l'assistante de la professeur Butteridge est hospitalisée.
Je lève la tête et hausse un sourcil en sa direction.
— Elle a choppé le covid dans les marais lors de la première manche des Moon Games, précise-t-il.
— Je sais.

A mon tour je le dévisage, m'attardant sur la teinte dorée que prennent ses iris sous ce rayon de soleil, sur les reflets dans ses cheveux et surtout sur le mouvement de ses lèvres alors qu'il me parle.
— La professeure est très embêtée de ne plus avoir son assistante.
— Sophie Guardian a pris la suite de Camilla. Madame Butteridge n'est pas seule pour assurer les cours et le travail au labo, je réponds.
— Guardian se frotte les mains de l'absence de Camilla. Elle convoitait le poste d'assistante depuis le début, il complète.
— Le malheur des uns, fait le bonheur des autres comme on dit.

Et je re-penche la tête vers ma "lecture" qui n'en est pas puisque j'ai perdu ma ligne depuis un bail. Ça fait trois fois que je lis le même paragraphe.
— et tu est venu me faire chier pour me parler de ta gonzesse ?
— hein?
— ben ouais, Camilla et toi ...?
Il se marre ce con!
— bah quoi?
— Elle est lesbienne !
— ah...
Merde, j'me sens conne tout à coup. Alors je replonge dans ma lecture et mon mutisme.

— Laely?...
— quoi?
Je ne daigne pas le regarder, sous peine de faire à nouveau une fixette sur ses lèvres. Et ça c'est pas bon! pas bon du tout!
— Pourquoi tu me détestes?
Cette fois je ne peux pas me retenir de le dévisager.
— hein?
— Bah ouais, on est comme chien et chat toi et moi...
— Mais tu te fous de moi ma parole?
Il a un petit mouvement de recul.
— Mais c'est plutôt à moi de te demander pourquoi tu me déteste Kane!
— heu..
— Je veux bien qu'il y ait cette histoire entre nos ancêtres sur Apollo 11... mais c'était y'a presque deux-cents ans putain! Viens pas me faire croire que c'est la seule raison pour laquelle t'es imbuvable avec moi!
Je hausse les épaules et les sourcils d'un air qui veut dire "bah ouais mon pote"
— Depuis le premier jour t'as décidé que j'étais ton ennemie. Mais j'ai rien demandé moi!
— je suis pas imbuvable...
J'ai un petit rire amer.
— allez c'est bon va...
Je me lève et je commence à ramasser les bouquins sur la table avant de partir.
— c'est plutôt toi qu'est pénible!
j'ouvre de grands yeux ébahis:
— moi qui suis pénible? dites-moi que je rêve!

Les quelques étudiants autour font "chuut" pour nous faire comprendre qu'on les gène.
Je me hâte de réunir les bouquins pour les disposer sur le robot de rangement en bout de rangée. Kane vient se coller à moi, genre à quelques centimètres seulement, et murmure:
— ouais t'es pénible, t'es même pire que ça à souffler le chaud et le froid sans arrêt...

A chaque fois, ça ne manque jamais!

A chaque fois qu'il est tout près de moi comme ça, je perds irrémédiablement le fil de ce que je dis et ce que je pense. Il le fait exprès c'est évident, car il a ce sourire de lover qui me rend marteau. Il sait parfaitement ce qu'il fait!
— et toi t'es qu'un emmerdeur qui est incapable d'être constant dans son comportement...

Soudain il prend une de mes mèches de cheveux sur mon épaule et l'enroule autour de son doigt avant d'ajouter:
— comment veux-tu que je le sois?... Je ne sais jamais sur quel pied danser avec toi...
Son regard brillant planté dans le mien, je me retrouve une fois de plus avec une espèce de tachycardie ingérable. Il sait comment y faire pour me faire prendre mes moyens, mais je n'ai pas dit mon dernier mot.

D'un geste sec, je tape sa main pour qu'il lâche mes cheveux et j'ajoute:
— Tu sais ce qu'on dit dans les Everglades: quand tu te fais courser par un alligator, si tu zigzagues, t'es mort!
mic drop!
Comme une reine je tourne les talons et je m'éloigne le laissant là, comme un idiot qui n'a rien vu venir. Je le laisse cogiter au sens caché de ma phrase qui l'enjoint à venir droit au but avec moi. Une bonne fois pour toutes.

— Au fait... Tu viens à la soirée sur la plage ce soir?
Il reprend vite pied le bougre!
Je passe la porte de sortie, avec mon tourment. Il m'a rejointe et semble attendre une réponse. il me semble avoir entendu parler d'un soirée effectivement, mais ça va encore finir en beuvrie et en coucherie...
— On verra...
— ok
Et à son tour il tourne les talons et s'éloigne dans la direction opposée.
Je le vois fouiller dans sa poche, sortir quelque chose qu'il porte à sa bouche et se retourne pour m'envoyer un clin d'œil.

"merde on dirait les mêmes barres de céréales que les miennes".

Fly me to the Moon - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant