Fly me to the Moon - Tome 1

Chapitre 66 - Laely

Kane vient de s'en aller. Il est sorti de mon champ de vision depuis quelques secondes et déjà je suis en manque!

— Il est parti, ça y est...
Plongée dans ma peine je n'avais pas remarqué que sa mère s'était glissée près de moi.
Et je dois dire que la présence de cette femme me fait froid dans le dos.

Elle ne m'inspire aucune sympathie, je la trouve même franchement détestable. Sans doute cela vient-il du fait qu'elle ne semble jamais manifester aucune émotion. Ou alors, est-ce parce qu'elle a fait une belle crasse à mon père quand ils étaient jeunes. Une vraie connasse quoi!
— Oui, je réponds malgré tout.

Je n'ai aucune envie de discuter avec elle, alors sans plus de détail, je commence à m'éloigner quand elle ajoute, en haussant un peu le ton:
— Il faudra que je félicite le Major Griffith pour son coup de maître.

Je pourrais ne pas me retourner, mais je sais que c'est à moi qu'elle parle.
— Il aura au moins réussi à faire se réunir les deux meilleurs poulains de l'écurie. C'était pourtant pas gagné d'avance n'est-ce pas? ajoute-t-elle avec un air de mystère dans la voix.
mais de quoi elle parle?
— Pardon?
Son sourire ne me dit rien qui vaille.
— Laely Armstrong et Kane Aldrin... Les deux représentants des familles qui se détestent le plus dans le pays...
Ah ouais, se détester? carrément?
— Je ne sais pas de quoi vous parlez, veuillez m'excuser.
Allez c'est bon j'me casse...
— Vous pensez quand même pas que c'est le destin qui vous a fait une faveur Mademoiselle Armstrong?
Mais c'est qu'elle commence à me saouler là...
— Écoutez, je ne vois pas de quoi vous voulez parler, mais visiblement il y a des choses que vous brûlez de m'apprendre... alors je vous écoute...

Elle relève la tête d'un air de défi. Je l'ai piquée au vif et elle n'aime pas ça! oulalala, attention elle a pas l'air contente.
— Les Aldrin et les Armstong se détestent depuis près de deux-cents ans, vous n'êtes pas sans l'ignorer.
— J'en ai vaguement entendu parler...
D'un mouvement du menton dédaigneux elle me fait comprendre que je ne suis qu'une merde.
C'est adorable!
— Je hais les Armstrong par principe.
— Vous m'en voyez désolé. Ceci étant ...
Je fais un pas de côté pour m'échapper de cet entretien qui n'a ni queue ni tête, mais elle me retient par le bras.
— Vous n'êtes pas naïve au point de penser que le fait que Kane se soit retrouvé capitaine de votre équipe est le pur fruit du hasard tout de même?
bah si... faut pas?
— Ahhh ma chère enfant....
à cet instant précis j'ai envie de lui foutre une baffe, mais on est d'accord, ça se fait pas, hein?!

— J'ignore de quoi vous parlez, je n'ai aucune idée de pourquoi vous me détestez, mais je vous avoue que je m'en fiche complètement. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser...
Allez, j'me casse!
Elle m'a saoulée!

Sa main glacée vient agripper mon bras avec force, et j'en frissonne.
— Vous pensez que vous savez tout sur Kane, sur ce qui vous attend et sur la profondeur de vos sentiments... Mais vous semblez ignorer que mon fils a une ambition bien plus grande que votre petite amourette.
hein?
— Kane a un brillant avenir devant lui, j'ai construit sa carrière depuis sa naissance et même avant. Il voit loin, très loin... Il a le même caractère que moi.
La vache ça craint!
— Tout ce débordement de sentimentalisme dont il fait preuve depuis quelques mois avec vous ne lui ressemble pas. Kane est un combattant, un guerrier, pas un joli cœur qui se satisfait de quelques "intermèdes". Son comportement de ces derniers temps c'est uniquement parce qu'il sait quel est votre héritage, rien de plus.
Nom de Dieu, mais de quoi elle parle?
— Retenez bien ça, mademoiselle Armstrong: Mon fils a les moyens de ses ambitions. La preuve: il est en train d'accomplir la première étape de sa destinée. Et vous? Vous n'êtes qu'un pion sur son échiquier.

Et sur ces paroles, elle me laisse en plan et se barre.

Son sac à main en peau de croco, ses bracelets qui tintent à ses poignets, ses talons qui résonnent dans le grand hall, sont autant de doigts d'honneur que je me prends métaphoriquement dans la face.
Et je suis à terre, elle m'a mise K-O.
Je n'ai rien compris à ce déferlement de méchanceté gratuite.
Je n'ai retenu qu'une chose, c'est que le Major Griffith nous a fait croire que le hasard nous avait réuni sauf que c'était lui. La belle affaire!
On s'en fout désormais de toute façon !

Mais c'est quoi son problème, à l'autre folle là?

De quoi est-ce qu'elle voulait me parler en fait?
C'est quoi ces rébus à la con?
Tu me détestes?
Devine quoi, moi aussi ma vieille!
Nan mais franchement, d'où on parle aux gens comme ça ?
C'est une cinglée celle-là !Pas étonnant que Kane ne m'ait jamais dit du bien d'elle... le pauvre, il a dû en baver avec une marâtre pareille!

Il me faut quelques secondes pour tenter de reprendre mes esprits, quand j'entends mon nom:
— Armstrong.. Hey Armstrong?
— Hein?
— Ça va pas? t'es toute pâle on dirait que t'as vu un fantôme...me sort Camilla
Je passe la main sur mon visage comme si je sortais d'un cauchemar et que je devais me frotter les yeux pour évacuer les démons logés derrière mes paupières.
— Viens, faut pas rester là! La mise à feu a lieu dans dix minutes et je me laisse entraîner par ma nouvelle coéquipière, telle un zombie.

Nous rejoignons un espace sécurisé pour l'observation du décollage, et sans un mot, je regarde le ciel rougeoyer avant que la fusée qui emporte Kane vers les étoiles ne prenne de la hauteur et finisse par disparaître.

Les mots de sa mère résonnent dans mon esprit pendant toute la durée du décollage, et je finis par oser poser la question qui me taraude:
— Camilla, Tu connais la mère de Kane?
— Bien sûr! Tout le monde connaît la grande Wilhelmina Aldrin!
Ben pas moi...
— C'est une sommité dans son domaine, elle est la boss... et Kane n'a pas une relation simple avec elle...
— J'ai cru comprendre. Mais quand tu dis que c'est une pointure, elle fait quoi exactement?

La consternation dans le regard de Camilla, fait écho au mépris que j'ai lu dans celui de la mère de Kane quelques dizaines de minutes plus tôt.
Et ça fait mal.

— Mais enfin Laely! C'est la généticienne la plus renommée qui soit! Elle a travaillé toute sa vie sur la détermination des facteurs génétiques qui permettent à l'Humain de s'adapter à son environnement.
— Comme sur New Start?
— Absolument! Elle veut mettre au point "l'humain extraterrestre", l'être parfait qui pourra vivre aussi bien ici, dans cet environnement dégradé, que sur cette planète, ou n'importe quelle autre ...

Alors que l'on rejoint notre campus, que l'homme de ma vie est en route vers plus ou moins l'inconnu, que les paroles de "ma belle-mère" tournent en rond dans ma tête, et que les informations que vient de me donner Camilla s'ajoutent à toute cette tambouille, je me hâte de retrouver mon seul repère encore en place: Joannie.

Ma meilleure amie, ma sœur même. Elle seule saura trouver les mots pour calmer ce maelström qui s'est formé dans mon cerveau et dans mon cœur et qui menace de me faire chavirer à chaque instant.

— Je suis rentrée ! j'annonce avec un pseudo sourire qui ne trompe personne.
Elle me tend les bras, installée sur le canapé avec un bol de glace, du chocolat et des tonnes de mouchoirs.
— Tu as tout prévu, je constate.

A cet instant je n'ai plus la force de retenir les flots de larmes qui se déversent sur mes joues. Toutes les émotions de la journée sortent en format liquide et je m'effondre dans les bras de mon amie de toujours.

La douleur est trop forte. J'ai perdu cette bataille.

Fin du premier tome.