Chapitre 55 - Laely

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Je suis au plus bas.
Mes parents sont partis pour la station lunaire depuis seulement trois semaines et je suis ravagée.

C'est vrai que quand ils étaient sur terre on ne se voyait pas forcément très souvent, mais on pouvait faire des visios autant qu'on voulait, et surtout je savais qu'en trois heures de train j'étais chez nous. Maintenant qu'ils sont partis là-haut, nous devons nous assurer d'avoir des créneaux d'utilisation des satellites pour des échanges personnels. Car il ne faut pas oublier que cette station est avant tout un lieu de travail, et les satellites y sont évidemment des outils pour ces travailleurs.

Mais par-dessus tout, depuis trois semaines, il n'y a plus de "chez nous". La maison a été vendue, ainsi que toutes leurs affaires. Je n'ai pu récupérer que les plantes et les fleurs en pots qui garnissaient la terrasse. Alors je les ai installées dans ma chambre. Mais maintenant je manque de place, et elles de lumière.

Résultats des courses : je suis entourée de plantes qui crèvent et je ne peux joindre mes parents qu'une fois par semaine. Je ne pensais pas que ce serait si compliqué pour moi d'être éloignée pour de bon comme ça.
— Ça va aller ma poulette....
Heureusement que Jojo est là pour me réconforter. Je viens de finir mon appel hebdomadaire, et je suis en larmes dans les bras de ma meilleure amie.

Comme encore et toujours c'est elle ma béquille, aujourd'hui plus que jamais. D'autant que je me dis que bientôt ce sera au tour de Kane de partir, et je serai alors seule face à moi même, pesant de tout mon poids mort sur ma pauvre Jojo.

Elle a déjà tant fait pour moi, mais moi je ne suis qu'un fardeau pour elle. Alors elle tente de me remonter le moral tant bien que mal pendant que je pleurniche dans ses bras en bafouillant des trucs incompréhensibles qu'elle seule peut décrypter.
— et je t'interdis de dire que t'es un poids pour moi Lyly, tu m'entends? Tu es ma meilleure amie, ma sœur, ok? sans toi je serais insipide, tu es ma joie de vivre, c'est clair?
— Ta joie de vivre, sérieux ?
Je la fixe en désignant d'un geste théâtral ma mine déconfite. J'ai les yeux larmoyants, le nez qui coule, un mouchoir dégueu dans la main.
— Je suis la déprime incarnée Jojo, putain ! Regarde-moi, je me dégoûte moi-même...

Je me tourne vers le miroir accroché sur le mur de ma chambre pour constater l'étendue des dégâts.
— comment tu peux être amie avec une telle loque?
Mes larmes redoublent, et mon désarroi reprend de plus belle.
— Poulette... arrête ça tout de suite!
Ma meilleure amie se jette sur moi, les yeux humides à son tour.
— je t'interdis de dire ça
— Mais c'est la vérité ! J'ai vingt ans mais je ne suis qu'un gros bébé! Il suffit que papa-maman s'éloignent et je suis perdue. Incapable de garder la tête hors de l'eau... Comment veux-tu que je sois capable de partir pour New Start ?

Elle me force à la regarder droit dans les yeux.
— C'est donc ça ton problème....?

J'ai la gorge nouée, et aucun mot correct ne peut en sortir. Je ne formule que des gargarismes de vieille momie. Enfin non, une momie serait sèche et ne pourrait pas pleurer un tel déluge de larmes.

— Tu prends la mesure de la douleur de la séparation....
— Mais si je pars sur l'Arche pour New Start, je les reverrai jamais! JAMAIS ! c'est inhumain !
Je pleure si fort que des spasmes et des hoquets me secouent et entrecoupent mes phrases.
— je... je... comment.... comment veux-tu que... que je vous abandonne?
— Mais enfin Lyly, tu es née pour ça, c'est ton destin et tu as toujours su que tu entrais dans ce centre pour ça, et rien que pour ça!
— j'ai changé d'avis!
— dis pas n'importe quoi !
— Je veux pas partir...
Je resserre mon étreinte autour de ma meilleure amie.
— Je n'ai plus que toi....
et les sanglots repartent pour un tour.
— non ma poulette....
Je la dévisage interloquée.
— bah si... il va partir ....
— non ... " vous allez partir"...

Fly me to the Moon - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant