Lili (sur-lendemain de l'appel de Dao)
J'écoute juste l'eau couler dans la salle de bain de l'autre côté du couloir. C'est pas un bruit régulier, mais justement, juste en l'écoutant, je peux m'imaginer les mouvements de Mathieu sous la douche. Et ça me rassure, je sais qu'il est dans la pièce d'à-côté.
Je sais pas pourquoi je m'infligeais de lire des romans d'amour quand j'étais au centre, c'était juste une forme élaborée d'auto-mutilation : je me plongeais dans un océan de scènes romantiques, de répliques qui font rougir, juste parce que c'était ce que je ne pouvais pas avoir. Alors oui, peut-être que pendant le cours laps de temps où j'étais assise entre les rayonnages de la bibliothèque, j'avais vraiment l'impression d'être ailleurs.
Ça s'arrêtait net quand je passais les portes.
J'avais l'amour d'Adeline, celui de Ben, et évidemment celui d'Alex, mais je sais pas, ça fait peut-être mal de me dire que c'était juste pas suffisant. J'en veux à aucun des trois, je sais même pas si c'est pas ma faute au final, si c'est pas moi qui, en lisant des histoires pleines de clichées, me suis remplie la tête de rêves qui n'étaient juste pas réalisables. Adeline passait son temps à diviser son amour et son énergie en autant d'enfants dont elle avait à s'occuper, Ben galérait déjà à sourire en se regardant dans le miroir, il avait autre chose à faire, et Alex avait autant d'intelligence émotionnelle que Mathieu le jour où je l'ai rencontré, en voyant le verre à moitié plein.
- T'es trash là, il ricane, appuyé contre la commode de Michka.
- Ose me dire que j'ai tort, je souris doucement.
Il tourne la tête vers la fenêtre sans rien dire.
- Je t'en veux pas, je l'observe, t'as eu une enfance aussi pourrie que la mienne, difficile de savoir gérer ses émotions.
C'est pour ça que je me bats pour que Michka, couché dans son berceau sous mes yeux, ne vive pas la même chose que nous.
- J'avais Mi au moins, son regard se perd dans le vide.
Il aurait mérité beaucoup plus que ça. De toute ma vie, j'ai rarement rencontré de personnes aussi talentueuses qu'Alex, ça n'a pas empêché ses parents de le considérer comme un objet un peu dérangeant du décor. Jusqu'à l'envoyer dans un centre psychiatrique à plus de 2h de route de chez eux, sans autoriser sa sœur à venir le voir.
- Heureusement qu'ils ont abandonné l'idée de me rencontrer, je rigole, mais c'est plus nerveux qu'autre chose. Je sais même pas ce que j'aurais dit. Si jamais je les rencontre un jour, m'en veux pas d'être un peu trash encore.
- Fais comme tu veux avec eux, il me détaille, n'en veux pas à Mi par contre, s'il te plaît.
Je sais bien que non. La seule chose que je sais d'elle, c'est son surnom. Et je crois vaguement avoir vu une photo à un moment, je sais juste qu'elle est blonde, très différente du grand brun qui m'observe. C'était pas le sujet de discussion préféré d'Alex, sûrement parce que trop douloureux.
- Je te laisse Lili, son visage s'étend d'un léger sourire quand Michka commence à bouger dans son berceau, y en a qu'ont besoin de toi.
Et quand il disparaît, me laissant seule dans la pièce avec mon fils qui se réveille doucement, ce que je savais déjà la minute d'avant est encore plus clair maintenant : ce que j'ai dans cette maison, ça dépasse tout ce que j'avais pu imaginer, assise sur le sol de la bibliothèque.
Mathieu, Michka, et Enzo, c'est ce qui me fait tenir debout. Et pas que. Je tenais déjà debout avant, maintenant c'est juste comme si je n'avais plus à me préoccuper de marcher droit. C'est juste facile. Et agréable.
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Nexus · PLK
FanfictionJ'ai pas trouvé mieux que la ficelle de cuisine, j'ai plus de laine. - Lili ? Je m'accroupis près d'elle. Lili, regarde. Doucement, je pose la bobine de fil blanc sur ses cuisses. Si ça marchait pour lui, pourquoi ça ne marcherait pas pour elle ? ...