Nexus · PLK

Chapitre 26

Mathieu

On m'a dit d'attendre là 3 minutes. Ça fait bien plus de 3 minutes que j'ai le cul posé sur ma chaise, et pourtant y a rien qui s'est passé depuis. Les gens passent devant moi comme si j'étais pas là, et je suis pas aveugle, j'ai bien remarqué que le gars au guichet de l'accueil fait bien belek à pas croiser mon regard.

- Vas-y c'est bon, leur organisation de mes couilles ça va deux secondes, je crache à voix basse en me levant.

Comme tout à l'heure, le visage du mec à l'accueil se tend quand je m'approche, sauf que va pas falloir croire que c'est ça qui va m'arrêter. J'ai arrêté de compter les secondes depuis que les boucles rousses de Lili ont disparues de l'autre côté de la porte là-bas, j'ai arrêté de respirer aussi.

- Mathieu Pruski, je lâche mon blase à nouveau en m'appuyant sur le comptoir, y a moyen que je rejoigne ma femme, ou ça se passe comment ?

Silencieusement, il me détaille, avant d'enfin jeter un oeil à l'écran de son ordinateur.

- Votre femme, c'est ? Je me retiens de lui en mettre une quand il se met à faire comme si c'était pas déjà lui qui nous avait accueillis y a 20 minutes.

- Maëlle, je sens le goût métallique du sang se répandre le long de ma gencive, mais c'est juste plus fort que moi, j'arrive plus à rester calme depuis qu'elle n'est plus dans mon champ de vision. Maëlle Pruski.

Toujours en jouant à l'ignorant, le gars cherche sur son écran, et mes sourcils se froncent d'eux-mêmes quand son visage blanchit.

- Y a quoi ? Je claque presque.

- C'est une audition qui ne vous concerne pas Monsieur Pruski, il lâche prudemment, je suis persuadé que votre femme se débrouillera très bien par elle-même.

Moi non, c'est bien ça mon blem. Je sais que j'ai la plus forte, je sais que j'ai la plus courageuse, mais elle fait aussi genre d'être la plus solide. Sauf que c'est pas le cas. Elle a qu'une seule faiblesse, et c'est de ça dont on l'oblige à parler aujourd'hui.

Alex, Ben, le centre, sa maladie.

Et moi je suis là comme un con à l'accueil, parce qu'on m'a putain de dit qu'on m'empruntait ma rousse le temps de faire deux-trois papiers, puis qu'on irait à l'audition ensemble. Je crois qu'on a pas la même définition d'ensemble.

- Vous m'aviez dit 3 minutes, je me mords la gencive juste un peu plus pour ne pas créer une énième scène en public avec un flic, ça fait largement plus de 3 minutes, je veux voir ma femme.

- C'est impossible Monsieur Pruski, le gars me lance un sourire qui me donne juste envie de le soulever, l'audition est en cours, je vous préviendrai quand elle sera terminée.

- Comment ça l'audition est en cours même ? Mes phalanges blanchissent quand je serre le comptoir entre mes doigts. Vous êtes cons ou quoi ? Je joue au dur, mais je sens très bien la façon dont mon cœur vient d'accélérer. Vous avez écouté même une seule seconde de ce que j'ai balancé en arrivant ? Faut que je sois près d'elle s'il se passe un bail, c'est pas vos collègues insensibles qui pourront la rassurer si elle a un blem. Donnez-moi la putain de salle, je lâche presque en suppliant.

Je flippe sûrement bien plus qu'elle. C'est sûr en fait, elle m'a laissée ici à l'accueil avec un sourire confiant au visage, sans la moindre trace de peur. Mais c'est aussi comme ça que je l'ai laissée l'autre jour au centre, pour aller lui chercher des chips à la machine avec Mimi, et il lui en a pas fallu plus pour finir en boule au sol dans un couloir.