Chapitre 6

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Lili

Aligner les petites cases des plannings à l'écran, c'est plus simple, je préfère. Suffit de prendre un des rendez-vous dans la liste des évènements sans date, et de le glisser sur l'emploi du temps d'un des gars. À la fin, ça fait un joli patchwork coloré, ça me distrait, ça m'évite de penser à autre chose.

Puis je sais pas si un jour j'ai vu meilleur environnement de travail : j'ai mon bureau à moi, probablement dans la plus jolie pièce des locaux d'Enna, avec un canapé sur lequel mon copain tape ses meilleures siestes, et surtout, surtout, le petit lit de Michka juste à côté de moi. Ça fait déjà au moins 2h30 voire 3h que je m'affaire à finaliser les plannings pour cet été, et mon bébé n'a pas ouvert les yeux depuis, étalé en étoile sur son petit matelas.

- Lili, je sens le regard de Ben sur moi quand je me penche au-dessus du berceau pour glisser mes doigts le long des joues de Michka, je sais que même si tu fais comme si tout allait bien, tu y penses. Tu veux pas en parler ? Même juste un tout petit peu ?

C'est le même cinéma depuis ce week-end : que ce soit lui ou Alex, y a pas une seule occasion qu'ils ratent pour essayer de me bassiner avec la convocation à Nanterre. Dès que Mathieu va à la douche le matin, dès que les gars passent en studio et que je me retrouve seule dans le bureau, dès que je vais faire les courses, ou sur le trajet pour aller chercher Enzo au collège.

- Tu réponds pas aussi, Ben se lève du canapé pour me rejoindre près du berceau de Mimi. On veut juste que tu évites de tout garder pour toi.

- Je garde rien pour moi, je souffle. Vous vous faites des films, comme à chaque fois.

Toujours assis sur le canapé, je vois Alex secouer la tête en silence. Ils s'imaginent que si Mathieu et moi, on a à peine reparlé de la convocation au tribunal, c'est parce que j'évite le sujet. Mais j'évite pas le sujet.

- Tu m'as jamais autant menti, les yeux d'Alex finissent par se poser sur moi. Arrête deux secondes Lili, tu sais bien que tu refuses d'en parler, tu refuses même d'y penser juste.

- Et vous, je lève les yeux du visage de mon fils pour les poser sur lui, vous abusez Alex. Je vais bien.

Mais il n'a pas l'air convaincu, car la seconde d'après, il secoue la tête en fermant les yeux.

- Ça te coûterait quelque chose d'essayer ? Ben me sourit doucement. Au moins d'en parler avec nous ? On n'a pas forcément demandé à ce que tu en parles à Mathieu, juste que tu acceptes d'en parler avec nous déjà.

Je peux pas. Je peux pas. Dès que je vois son visage, son sourire doux, ce sont ses parents qui me reviennent en tête. La mère et le père de Ben ont toujours été présents pour lui, contrairement à Alex, tout simplement parce qu'il n'ont jamais réussi à en avoir d'autres, et que Ben, derrière sa maladie, relevait du pur génie. C'est sûrement pour ça qu'ils ne se sont jamais remis de sa mort, même après 3 ans.

Mais jamais ça ne justifiera à mes yeux de s'en prendre à la seule personne qui nous a réellement élevés, jamais. Du premier jour jusqu'au dernier, Adeline a donné toutes ses journées pour qu'Alex, Ben, et moi, ont ait les meilleures journées possibles malgré toute la merde qu'on pouvait vivre. Elle prenait à peine des pauses, dormait dans son bureau au lieu de rentrer chez elle, piochait dans sa paie pour nous offrir les cadeaux qu'on voulait.

On peut pas s'en prendre à Adeline, c'est juste inimaginable. Pourtant, c'est ce que la mère de Ben a fait en portant plainte.

- Lili ? Je cligne des yeux quand la voix d'Orm arrive jusqu'à mes oreilles.

Nexus · PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant