Chapitre 78

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Enzo

Pour au moins la cinquième fois depuis 20 minutes, je rebrousse mon chemin, je passe à nouveau devant la salle à manger, devant le salon, sans rien dire, avant de refermer la porte de ma chambre derrière moi.

Je sais pas à quel moment j'ai cru que je pourrais.

Le papier, toujours pas signé, est resté avec la convocation sur mon bureau depuis un mois. Je savais qu'il allait arriver par la poste, alors tous les jours j'ai proposé à Lili d'aller vider la boîte aux lettres. Puis il est vraiment arrivé, je l'ai récupéré, et au final j'ai rien fait.

- Ça me saoule, je souffle à voix basse, avant de m'étendre sur mon lit, le regard au plafond.

Je crois qu'en fait, y a jamais rien qui changera. À chaque fois, je fais comme si c'était la faute de Mathieu si ça avance pas entre lui et moi, mais au final, ça avance pas parce que je flippe comme si j'avais toujours 5 ans. Sauf qu'au moins, quand j'avais 5 ans, j'avais pas peur d'aller lui sauter dans les bras, et mieux que ça, j'avais pas besoin de le faire, parce que c'est lui qui venait me voir dès qu'il sortait du garage.

C'est facile de fou quand je m'imagine le truc dans ma tête à chaque fois, j'ai même hâte. Après, quand il faut vraiment le faire, ça marche jamais, parce que je suis déjà pas le fils de Mathieu, mais alors je suis encore moins celui de Lili, j'aurais jamais son courage, je fais demi-tour à la moindre difficulté.

Suffit que je pense à elle pour avoir juste envie d'un câlin. Elle est pas là ce soir. Et c'est en partie pour ça que je me suis dit que c'était le bon moment pour donner les papiers à Mathieu, il est tout seul au studio. Mais je fais demi-tour à chaque fois que j'arrive à la cuisine.

C'est demain. J'ai tellement traîné que c'est déjà demain. Et il sait même pas. Si ça se trouve il a une séance studio. Ou un rendez-vous important avec Antoine. Ça va le saouler que je dise ça au dernier moment. Ou au pire je le dis pas. Mais si je le dis pas, et que plus tard dans l'année il vient à une réunion, on risque de lui demander pourquoi j'ai raté une opportunité comme ça.

J'ai même pas envie de la rater.

En soufflant, je me tourne sur le côté, et c'est tout ce qu'il faut pour que je tombe nez à nez avec la photo qu'on a pris tous les quatre au mariage, posée sur mon chevet. Si tu regardes la photo et que tu connais pas toute l'histoire, tu pourrais croire que je suis vraiment à ma place. Et juste à côté du grand cadre, y en a un plus petit, que Lili m'a donné la semaine dernière. Je savais même pas que la photo existait.

Juste elle et moi, sur le canapé, chez Adeline. Elle a passé toute la soirée à me caresser les cheveux devant Narnia, et elle sait même pas à quel point j'avais passé une journée pourrie avant ça.

- Y a pas à être un gamin comme ça, je me redresse pour attraper mon téléphone, et chercher son contact.

J'ai déjà envie de raccrocher quand les sonneries s'enchaînent, je sais même pas ce que je vais lui dire.

- Allô ? Elle répond au bout de quatre sonneries. En', ça va ?

Elle est super courageuse, elle est super forte, mais elle arrive à être douce aussi.

- Non, pas trop, je souffle en m'asseyant dos contre le mur. On peut parler un peu ?

- Tu sais que tu es pas seul à la maison, Mathieu dort ? Je l'entends fermer une porte derrière elle.

Je sais que je suis pas seul à la maison. Mimi dort, je veux pas le réveiller juste parce que je stresse. Et Mathieu dort pas, il travaille.

- Non, je joue du bout des doigts avec mes draps, il est au studio.

Nexus · PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant