Chapitre 48

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Lili (30 décembre 2023)

Au moins, maintenant, je sais qu'on peut à la fois se sentir à sa place, et en même temps un peu à l'ouest. Parce que c'est ce que je ressens actuellement.

Enzo ne m'a pas lâchée de l'après-midi, j'ai passé une petite journée tranquille à la maison avec lui et Michka, histoire de laisser Mathieu passer du temps avec le Panama. Et maintenant que Mimi dort depuis une heure et demie, En' et moi, on traîne que tous les deux. La moitié du temps, il promène son regard sur l'écran de son téléphone, l'autre moitié du temps, il me regarde me maquiller.

- Tu peux me passer le petit tube doré dans la trousse bleue ? Je lui souris dans le reflet du miroir.

C'est pas qu'il se précipite pour le récupérer, mais un peu. Peut-être que ça aurait fait sourire quelqu'un d'autre, moi ça me donne envie de grimacer. Que ce soit avec moi, ou avec Mathieu, et même s'il est courageux et pas trop timide, ça se voit quand même qu'il hésite et qu'il stresse à chaque fois qu'il sait pas exactement comment agir près de nous. Combien de fois il a fait déborder son chocolat chaud le matin parce que je suis venue l'aider à tout ramener jusqu'à la table, mais qu'il s'y attendait pas ? Combien de fois il a attiré Michka à lui quand on était tous les quatre sur le canapé parce qu'il n'avait aucune idée de comment venir vers moi ou Mathieu ?

Je suis pas aveugle, c'est le genre de choses que je voie parce que je les ai ressenties aussi avant lui.

Et j'ai vraiment envie qu'on ait cette relation lui et moi, vraiment. Depuis le jour où je l'ai chopé dans l'épicerie à voler des bonbons, en passant par toutes les fois où je l'ai recroisé après — même quand j'avais encore envie de jeter Mathieu dans un ravin —, ça a toujours été si apaisant et agréable de jouer avec lui aux jeux vidéos, ou de l'aider à faire ses devoirs, ou de le pousser à aller vers sa copine. Je sais pertinemment quelle place il aimerait que j'aie près de lui, je suis pas débile, il me l'a même déjà dit. Et dieu sait combien de fois j'ai engueulé Mathieu parce que lui-même, il n'avait pas agi assez après qu'Enzo lui ait dit qu'il avait besoin de son papa.

Maintenant, je comprends un peu mieux Mathieu, parce que c'est pas que je veux pas agir, c'est que je sais pas exactement comment faire, et je sais pas non plus si je suis la personne dont Enzo a besoin pour jouer ce rôle. J'ai 22 ans, il en a 13, on a neuf petites années d'écart, c'est compliqué de dessiner la frontière entre être sa grande soeur, et être sa maman. Je sais pas. Je me sens à la fois parfaitement à ma place, ça fait presque un an qu'on vit tous les quatre, et en même temps, j'ai toujours l'impression d'être à l'ouest.

- Merci, j'attrape le petit tube qu'il me tend après avoir vidé presque la moitié de ma trousse sur le rebord du lavabo. Désolée, je souris, je suis pas la plus ordonnée, ça casse les pieds à Inès à chaque fois qu'elle veut m'emprunter un truc.

- Y en a beaucoup aussi, il remet tout à l'intérieur, c'est difficile de tout ranger, c'est comme dans une trousse pour les crayons.

Et puis de temps en temps, par vague, c'est super furtif, y a ces moments où je me dis que je suis débile, parce que je suis tellement bien là avec lui, plutôt que toute seule à me préparer. S'il n'avait pas été là, je connais l'issue à laquelle ça aurait mené par coeur : Alex et Ben. Basiquement moi, à parler toute seule avec Alex et Ben. J'ai rien contre ça, j'ai plus que l'habitude, et Alex et Ben n'ont rien de négatif, mais passer du temps avec Enzo, ça sonne quand même différemment.

- Lili ? Je finis d'appliquer les quelques paillettes dorées que je voulais sur ma paupière, avant de tourner la tête vers lui. Est-ce que t'as revu Adeline et tout depuis Noël ?

Nexus · PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant