Nexus · PLK

Chapitre 5

Mathieu

Peu importe celui que j'essaie, je ressemble à r dedans. On dirait une brique, un dico, je sais pas, mais ça donne pas comme je me l'étais imaginé avant de venir.

- Celui-là a une coupe différente, le tailleur me tourne autour, avant de poser les yeux sur Ormaz et Enzo, installés dans le canapé en face de nous. C'est plus dans ce que vous imaginiez ?

J'ai pas envie de jouer au bâtard avec lui, mais nan, toujours pas. Il répond à mes demandes depuis tout à l'heure, il est calme, poli, et bienveillant, mais y a toujours un truc qui va pas, j'arrive pas à me sentir beau quand je me regarde dans le miroir. La dernière fois, c'était la forme de la veste, là, c'est plus ma dégaine dans la chemise, y a rien qui va.

- Moi j'aime bien, Enzo me sourit, ma doudoune sur ses genoux.

- D'accord avec le tipeu Mat', mon meilleur ami m'observe, je vois pas ce qu'il te manque là.

Je sais pas non plus, sinon j'aurais dit, et on l'aurait changé. Mais y a bien un truc qui va pas, je le sens quand je pose mes yeux sur mon reflet dans le miroir. Et je peux pas me permettre de pas kiffer mon costume, je veux que Lili me trouve beau dedans en arrivant à la mairie, vraiment beau.

Je veux qu'elle soit fière de ce qu'elle sera sur le point de dire au maire.

- Je suis désolé, je lance le meilleur sourire dont je suis capable au tailleur, j'y arrive pas.

D'un visage neutre, il passe à un sourire, avant de glisser sa main dans mon dos.

- Il n'y a pas d'excuses à fournir, il se détourne avant de jeter un œil aux échantillons de tissus alignés au mur, j'ai eu bien plus coriace que vous. Et le jour où j'ai choisi le costume pour mon mariage, il rigole, j'ai embêté le tailleur pendant plus de 3h. C'est naturel d'être aussi exigeant pour une occasion pareille.

Même en étant ici, debout devant Orm et Enzo, à essayer des costumes, j'ai toujours du mal à réaliser ce que Lili et moi, on s'apprête à faire. Ou plutôt, je réalise parfaitement, je commence juste à douter. Est-ce que je suis vraiment ce qu'elle mérite ? Moi ? J'ai jamais rencontré de personne aussi douce que ma rousse, et aussi forte à la fois. À côté, j'ai l'impression de faire pâle figure. Je sais que peu importe la robe qu'elle aura, je la trouverai magnifique. Moi, plus les costumes défilent, plus je me trouve ridicule.

- J'peux vous l'emprunter deux secondes ? Mon meilleur ami se redresse du canapé avant de poser sa main sur mon épaule. Promis, on salit pas le costume ou quoi.

- Allez-y, il nous sourit, je vais essayer de trouver quelque chose de différent. Tu veux m'aider ? Il se tourne vers Enzo. Peut-être que tu sais mieux que ton père ce qui lui irait.

Ça bloque Enzo dans sa position, autant que ça coupe ma propre respiration.

- Vas-y En', je tourne la tête vers lui, j'te fais confiance.

Et j'ai pas la force de rester pour voir sa réaction, je m'étais déjà promis des milliards de fois de jamais craquer sur ce point-là : j'aurai jamais le droit à ce surnom. J'ai juste pas l'envie de me battre contre ça aujourd'hui. Donc ça me prend que quelques secondes pour devancer Orm en poussant la porte de derrière de la boutique pour tomber dans l'arrière-cour. Ça l'empêche pas pour autant de s'assoir sur le banc en face de moi, de la même manière que sur le canapé tout à l'heure.

- Quoi ? Je souffle quand il se met à m'observer.

- Elle s'en fichera du costume frère, il lâche sans me quitter des yeux. Elle est amoureuse de toi, elle s'en fichera de la forme de ta cravate ou de ton nœud, ou de la couleur de tes pompes.