Chapitre 69

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Adeline

Sans un mot, la mâchoire serrée, Mathieu lui lance un dernier regard, puis quand il réalise qu'elle ne changera pas d'avis, il se détourne, et c'est tout seul qu'il remonte dans sa voiture. La laissant debout sur le parking d'Enna, dos à moi, les mains serrées autour de son pull, et elle n'a pas besoin de se retourner pour que je sache qu'elle pleure.

- Qu'est-ce que tu fais Lili ? Je lâche, quand elle finit par sortir son téléphone de sa poche.

- J'appelle Dao, elle reste dos à moi, en plaçant le téléphone à son oreille.

- Très bien, je hoche la tête. On va se réfugier dans les bras du grand-frère.

Il ne lui a jamais fallu grand-chose pour s'énerver, et la remarque que je viens de lancer ne fait pas exception. De serré autour de son pull, son poing finit serré, contre sa jambe cette fois.

- Va-t-en, sa voix tremble, et même si j'ai entendu ces trois mots des milliers de fois de sa bouche, ils piquent toujours autant.

- Pour que tu puisses pleurer sans qu'il y ait personne pour te regarder ? Je la regarde redescendre le téléphone jusqu'à sa poche, en remerciant silencieusement Dao de ne pas avoir répondu. Il m'a promis qu'il te ramènerait, Mathieu. Et tu es là, à Paris, juste devant moi, il n'a pas menti. Mais c'est parce qu'il m'a promis à moi Lili, que je sais qu'il y a deux autres personnes à qui il a fait la même promesse, promesse qu'il va briser en passant seul la porte d'entrée de votre maison. Sûrement pas Lili, je claque quand elle commence à prendre le chemin de l'entrée du label.

Cette fois, elle se retourne, je sais quels mots elle a envie de sortir, elle a toujours sorti les mêmes.

"Pourquoi j'écouterais ? T'es pas ma mère."

- Tu vas revenir sur ce que tu m'as dit tout à l'heure aussi ? Je la détaille. Blesser Mathieu, ce n'est pas suffisant ?

Mes derniers mots finissent de pâlir son visage.

- Parce que tu voulais que je fasse quoi exactement ? Elle lâche, le regard dans le vide derrière moi. Que je rentre avec lui ? Adeline, sa voix se brise quand elle pose ses yeux sur moi, pendant tout le trajet il a été là, assis sur la banquette arrière, à même pas deux mètres de Mathieu. Pendant une heure et demie, j'ai vu son regard dans le rétroviseur, son sourire, et maintenant quoi ? Tu veux que je rentre avec lui à la maison ? Que je le laisse dans la même pièce que Mimi ? Qu'Enzo ?

- Tu l'as dit à Mathieu ? Je la détaille, et elle détourne le regard. Voilà. Ça, Lili, c'est ton combat, avoir confiance en toi, en lui, on te demande pas de réussir à faire disparaître Louis en claquant des doigts. Tu te rends compte ? Je souffle, et elle relève les yeux vers moi. Que tu viens de laisser ton mari rentrer seul, sans toi, sans qu'il sache pourquoi ? Tu sais ce que ça fait de se faire des films, tu crois qu'il se joue lesquels dans sa tête ?

Elle ferme les yeux.

- Laisse-moi t'en dessiner un, de film, Lili, je soupire. Celui où tu aurais lâché un peu de ta fierté. Y a pas un jour où Mathieu ne s'est pas battu pour toi depuis que tu sors avec lui, j'ai eu du mal à reconnaître le portrait que tu m'avais dessiné de lui la première fois que je lui ai parlé. Dans mon film alors, j'ai réussi à récupérer son attention, dans mon film, tu n'as aucune raison de ne pas avoir attrapé sa main sur l'autoroute, pour la serrer dans la tienne, histoire que toi tu aies du soutien, et que lui il comprenne que tu en avais besoin. Comme la femme forte que tu prétends être, tu lui aurais donné ta confiance en lui avouant qu'effectivement, Louis était assis à l'arrière. Tu crois qu'il aurait réagit comment ? Je la détaille, et entre ses joues mouillées, ses grands yeux gris, et la manière dont elle se cramponne à son pull, j'ai vraiment l'impression d'avoir ma Lili à 7 ans, assise au bout de son lit à attendre la fin de l'histoire.

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