Chapitre 66

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Mathieu

Paraît que c'est un fait national. Je suis pas une flèche. Les questions de logique, les bails scientifiques, l'orthographe, c'est pas mon truc. J'ai pas tous les diplômes précieux de Romy ou d'Alya, rien à apporter en termes d'intelligence quand on me demande quelles études j'ai fait.

La mécanique.

La musique.

Point.

C'est un truc que Lili capte, et ça me soulage de fou de voir qu'elle s'en tape. Le sourire qu'elle me lance en me voyant au studio, sur le tournage d'un clip, ou quand j'ai aidé le grand-père à redémarrer sa caisse l'autre jour sur l'aire d'autoroute, c'est grave un truc simple, mais à mes yeux ça vaut le monde. Je kiffe qu'elle soit fière, je me lève le matin pour. Se lever le matin pour taffer, c'est pas de l'intelligence, mais Babcia m'a appris que ça valait autant. Et Lili le voit.

Sauf que c'est dur à montrer quand y a besoin de le faire. Même après tous les succès qu'on m'attribue depuis quelques années, la vie de oim, y a des jours où je galère à pas stresser à l'idée qu'on me prenne juste pour un gars à qui il manque des neurones et qui fait de la musique en de-spi pour combler le vide.

Lili n'a pas de diplôme non plus. La différence entre elle et oim, c'est qu'elle, elle a la tête pour, c'est évident. J'le sais, y a r que je kiffe plus que de la regarder taffer à Enna, répondre au téléphone, ou trucs plus simples, comprendre le manuel des jouets de Michka, ou aider Enzo à résoudre les énigmes de ses jeux vidéo. Ça se voit à la manière dont elle aborde les bails, même les plus faciles.

Elle a juste pas eu l'opportunité de choper plus que le bac.

Puis merde, elle débarque dans une pièce, tu sens la clarté de son esprit remplir le que- tru en une demi-seconde. Suffit que Louis soit loin pour que y ait pas meilleure réflexion que la sienne, le mélange parfait entre logique pure et douceur brute, je fais pas le poids à côté, même pas je me fais d'illusions. Lili a pas besoin de diplôme pour prouver qu'elle est intelligente.

Moi si. Je vois bien le regard des gens sur moi quand Antoine me traîne à des réunions. Y en a aucun dans la pièce qui pense que j'aurais les épaules pour gérer le truc si Antoine n'était pas là à côté de moi. Comme un gosse.

- Enzo Pruski ? Je relève la tête du carnet que j'aie entre les mains quand une petite brune lâche les deux mots que je redoutais depuis tout à l'heure.

15h20. Réunion parents/profs du troisième trimestre. Mais y a que moi et Enzo.

Il me regarde, les sourcils froncés, debout devant moi qui suis toujours assis. Lili est pas venue. Je sais qu'elle a tendance à oublier, mais j'ai fait belek à lui rappeler ce matin. Et c'est pour Enzo.

- Mathieu ? Enzo pose sa main sur mon bras, et je sais que je suis déjà cramé fort, mon prénom dans sa bouche je supporte plus.

Le truc c'est qu'il l'utilise encore beaucoup trop, par réflexe, dès qu'à ses yeux je me comporte pas comme son daron. Mais je fais comment là wesh ? Je suis éclaté pour ça, c'est Lili qui gère les bails comme ça, qui sait quoi poser comme questions aux professeurs, sait quoi répondre, sait comment rassurer Enzo. Et sait comment pas passer pour une attardée.

Elle est pas là. Et je pense pas que ce soit ce qui me fasse le plus peur, ou le plus mal. Ce qui me tue intérieurement, c'est que je sais qu'elle est pas en retard ou une merde du genre, elle aurait envoyé un message. Ce qui me tue, c'est que d'une manière ou d'une autre, son absence est volontaire et assumée. Peut-être pas de sa propre volonté entièrement, mais volontaire et assumée dans tous les cas.

Nexus · PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant