Chapitre 50

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Lili (Vendredi 12 janvier 2024)

Orm a mis le doigt sur ce que je voulais juste ignorer encore beaucoup plus longtemps, si possible indéfiniment. Je sais pas si ça m'énerve, ou si ça me donne envie de m'enterrer. D'un côté, j'ai envie de nier, tout ne tourne pas autour de Romy, chaque choix que je fais n'a pas obligatoirement un lien avec elle, c'est justement parce que tout le monde m'en parle en permanence que ça me tend à la moindre allusion. Mais d'un autre côté, j'ai bien vu la façon dont Moctar m'a regardée quand il a tiré sa conclusion, j'ai vu ce regard des centaines de fois, je sais ce que ça veut dire sur le bout des doigts.

Lili, là tu sais que j'ai raison.

J'évite pas le centre, j'évite pas Adeline, enfin si, mais juste pour éviter Romy. J'ai beau n'avoir aucune envie de voir son visage d'ange, c'est quand même pas possible de nier qu'elle est intelligente, je pense qu'elle se doute quand même très fort que c'est ici qu'on a le plus de chances de se croiser. Et c'est aussi pour ça que je frôle limite les murs des couloirs, en remontant jusqu'au bureau d'Adeline.

J'ai savamment calculé mes affaires. On est vendredi, 9h50, elle est à l'école, pas au centre. La voie est officiellement libre.

Je m'arrête quand même presque nettement à l'angle du couloir, quand mes yeux se posent sur Adeline, en pleine discussion avec un des médecins. Peut-être que c'est le genre de trucs que je remarquais pas quand j'étais petite, parce que maintenant j'ai ce sentiment bizarre quand je la regarde. Elle sourit et je me sens à la maison, vraiment à la maison.

Je sais pas pourquoi, mais ces dernières semaines, je saurais même pas comment les décrire. Je dirais pas que j'allais mal, je dirais pas que j'allais bien non plus, mais chaque jour de plus, c'était juste un jour à ajouter à la liste de ceux où j'ai l'impression de rater quelque chose, et ça me met mal. Et là, il a suffi que le sourire d'Adeline apparaisse dans mon champ de vision, pour que j'aie des envies que j'avais pas eu aussi librement depuis longtemps.

J'aimerais que le vieux médecin se barre, et que je puisse avoir Adeline pour moi toute seule, avec en supplément un câlin. Je me reconnais pas moi-même. Est-ce que je demande des câlins d'habitude ? Non. C'est souvent Mathieu qui vient vers moi en premier, et c'est toujours avec plaisir quand il le fait, même si c'est juste sa main dans ma nuque, ou ses doigts dans mes cheveux, sa paume dans mon dos.

Là, j'ai juste envie qu'elle me fasse un câlin comme avant, et que les problèmes disparaissent, parce qu'ils disparaissent toujours quand elle est là.

La seconde suivante, le vieux médecin souffle sans s'en cacher, et semble abandonner je sais pas quelle discussion ils étaient en train d'avoir, parce qu'il fait juste demi-tour, la mâchoire serrée. Et ça donne un sourire en coin à Adeline, avant qu'elle ne se tourne vers la porte de son bureau. Sauf que je suis clairement sur le chemin de son regard.

- Qu'est-ce que tu fais ? Elle hausse les sourcils en rigolant, et je finis par passer l'angle du couloir pour la rejoindre. Coucou Lili, le même sentiment que tout à l'heure me caresse la peau quand elle m'attire à elle comme si c'était normal, ça va ? Mathieu et les garçons aussi ?

J'ai pas envie de répondre, je veux juste me perdre dans ce qu'elle me donne. J'ai tellement eu envie de vomir quand j'ai dit à Orm que Noël ça s'était pas passé comme je l'espérais avec elle, parce que la vérité, c'est qu'elle a été parfaite. Je me souviens parfaitement de ce que j'ai ressenti, quand j'étais emmitouflé dans mon pull Enna le 25 au matin, dans les bras de Mathieu sur le canapé, et qu'elle s'occupait de Michka sur le fauteuil en face de nous.

Nexus · PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant