Chapitre 73

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Maëlle

Une première goutte me tombe sur la joue. Puis une deuxième sur le nez.

- Vraiment ? Je soupire en jetant un oeil aux kilomètres que j'ai déjà parcourus.

Mais je pense pas avoir le choix plus longtemps entre continuer ou m'arrêter quand ma brassière passe de bleu clair à bleu foncé en moins de quelques secondes.

- Y a même pas quatre jours de beau temps consécutifs, je lâche en me réfugiant sous le seul petit arbre qui borde le chemin.

J'ai pris la confiance. Il a fait beau avant-avant-hier, avant-hier, hier, je me suis même pas posé la question ce matin avant d'enfiler mes baskets, j'ai pas regardé la météo.

- C'est pas grave, je souffle en m'asseyant le dos contre le tronc.

J'ai espéré que ce soit pas une habitude que j'allais avoir à prendre, mais après presque deux mois, et malgré ce que Mathieu me répète, je pense qu'il est temps de se rendre à l'évidence : maintenant, quand je parlerai seule, je parlerai vraiment seule. Pas d'Alex, pas de Ben, rien à part Louis en fait.

C'est presque ce que j'ai voulu toute ma vie. Ne plus être malade. Rien entendre dans ma tête quand y a rien à entendre, rien voir dans mon champ de vision quand y a rien à voir. Être comme les autres. J'avais juste pas compris ce que j'avais à perdre.

- Je pense que t'as gardé le meilleur, Louis s'appuie contre le tronc à côté de moi. Épuration qualitative, t'as viré de ta tête le seul gars plus taré que toi sur Terre, et le premier gars assez fou pour tomber amoureux de toi.

- Franchement, tu me fatigues. Ferme ta gueule, je soupire, je sais pas, écoute la pluie.

J'ai cru pendant un petit instant, quand il s'est laissé glisser comme moi jusqu'au sol, qu'il allait accepter ma proposition.

- T'as pris la confiance, ça y est ? Il brise mon petit espoir en reprenant la parole. Tu prends le temps de lui raconter ta journée le soir comme si c'était ta meilleure amie de CP, et t'as cru que ça allait changer quelque chose ?

- Ça change peut-être pas quelque chose pour toi et moi, j'appuie l'arrière de ma tête contre le bois, mais ça change quelque chose pour lui. Je m'en fiche de ta gueule, et quand j'arrive pas à me battre pour la mienne, je me bats pour la sienne Louis.

Et il a tort. Ça a définitivement changé quelque chose. J'étais sceptique, parler comme ça de moi, c'est pas mon truc. C'est pas non plus comme si Mathieu m'avait laissé le choix. Le soir de son premier festival, quand on s'est enfin posés sur le lit après sa scène, il a posé des questions. J'ai répondu. Puis il a fait la même chose le second soir, puis le troisième, et j'ai continué. Rien que le calme et la confiance qui remplit la pièce quand on parle comme ça le soir, ça suffit à augmenter à nouveau mon rythme cardiaque malgré le fait que j'ai arrêté de courir.

Ou plutôt le regard que Mathieu pose sur moi quand je lui raconte des choses qu'il n'a jamais entendues avant.

- Tu veux te voiler la face sur ce sujet-là ? Il souffle. Vas-y. On a qu'à passer à un autre, y a une liste longue comme celle de tes familles d'accueil. Romy ? Adeline ? Enzo ? Michka ? Tu veux quoi ?

- Tu sais quoi ? Je soupire. Choisis, ça changera rien.

C'est flagrant depuis le premier soir de festival. Je suis devenue sereine quand Louis me parle. Ou en tout cas, plus qu'avant.

- Viens on parle de Lukas, mon coeur rate un battement la seconde suivante, et Louis le manque pas, son sourire revient. Touchée Maëlle.

Nexus · PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant