1.
Je mentirais en disant que je n'ai jamais appréhendé la rentrée des classes.Qu'importe son déroulement, même si c'est souvent la même rengaine, j'ai toujours les mains jointes devant le tableau d'affichage comme si aujourd'hui, spécifiquement, un ouragan allait balayer tout le bahut.
Sauf que rien n'arrive en cette matinée où le soleil crépite sur le béton des couloirs, il fait encore chaud, et il le fera tout au long de l'année, c'est inévitable quand on vit en plein milieu de la Cité Magique.
— Pourquoi t'es planté ici ?
Je tourne la tête en préparant déjà mon sourire, interceptant le poing de Ioane dans mon dos quand il approche. Ioane est un Polynésien débarqué de la soi-disant paradisiaque île de Tahiti, bien qu'il ait passé le plus clair de sa vie ici, aux États-Unis. Il y a encore des professeurs qui l'appellent Yohan, même après des années dans cette enceinte. Je crois que c'est en partie comme ça que nous nous sommes mis à sympathiser, par compassion envers notre nom sans cesse écorché dans la bouche des autres. Certains n'arrivent qu'à m'appeler Reynold, une version américanisée de mon vrai prénom. On trouve ça un peu ironique d'avoir cette condition au sein d'un lycée censé prôner l'identité et la culture de tous, mais on a fini par s'y faire.
Mais moi, j'ai toujours préféré qu'on m'appelle Reino. Reino Laine, un héritage des plus parlants de mes racines finlandaises.
La Allison Academy n'est pas un établissement international à proprement parler, il se trouve juste qu'il nourrit la réputation de recueillir le nombre le plus diversifié d'immigrés de la Floride, et peut-être même du continent tout entier. Nous sommes pour la plupart de la seconde génération, ayant grandi sur le territoire et présentant un passeport de bon patriote ricain – quand la double nationalité n'est pas une option. Ce sont nos parents, qui ont dû prendre leurs marques ici en premier.
Parmi les règles propres à Allison, nous comptons celles-ci :
● Tolérance zéro envers tout acte discriminatoire relié à la culture d'autrui.
● Participation aux événements interculturels obligatoire (sauf si justification d'absence auprès d'un représentant légal)
● Passation d'un examen d'entrée en lien avec la compréhension et l'expression anglaise si la durée de résidence de l'étudiant est inférieure à 3 ans (exception pour les pays anglophones hors États-Unis)
● En contrepartie, interdiction de parler notre langue maternelle dans les salles de cours.
Je regarde Ioane et lui souris.
— Je priais en espérant ne partager aucun module avec toi cette année.
Ma plaisanterie ne fait jamais mouche avec lui, aucune plaisanterie ne fait jamais mouche j'ai l'impression. Il est tellement conciliant que parfois, on se sent coupable pour la moindre petite boutade. Voyant qu'il me regarde juste, je soupire et pointe du doigt les deux noms qui me sont inconnus. Une autre particularité de cette académie, est que les nouveaux élèves ont un encart qui leur est dédié sur le panneau d'affichage du hall. Je n'irai pas jusqu'à dire que mon école marque leurs origines sur leur front comme des bêtes de foire, mais il nous arrive d'essayer de les deviner à la sonorité de leur nom.
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Oops, my bad
Teen FictionÀ la Allison Academy, un établissement scolaire de North Miami Beach où se mêlent les cultures des quatre coins du monde, Reino se prépare à vivre sa dernière année comme toutes les précédentes. Mais ça, c'était sans compter l'arrivée d'un nouveau d...