Chapitre 13

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J'ai du mal à savoir ce que je fais.

Téléphone à l'oreille, j'entends à peine mes propres mots et je me mets à marcher dans le salon. Je ne sais pas si mon ton se hausse, ou s'il reste mortellement calme. En fait, je crois que pendant quelques secondes, c'est le néant.

Ce qui se grave dans mon esprit, c'est l'inquiétude dans la voix de Matthew. Je tente d'assimiler ses mots, énoncés dans les rafales telle une cacophonie qui me rend dingue. Je crois que mes parents remarquent le soudain changement d'ambiance, la silhouette de ma mère apparaît dans mon sillage et bloque mes pas.

— Il se passe quoi Rei ?

Je lève les yeux vers elle et la réalité me frappe. Pourtant, comme un mécanisme de défense, je lui mens :

— Y'a un arbre qui a décroché l'antenne télé de chez Matthew, il peut plus suivre les infos et ça le gonfle.

Mon bras retombe mollement le long de mon corps, serrant mon téléphone alors qu'il parle encore à l'autre bout. Ma mère m'observe, fouillant dans mon regard et ne voit que le même orage qui gronde dehors. Je prétexte avoir besoin de m'éclipser et remonte les escaliers pour m'enfermer dans ma chambre.

La sœur d'Haru s'est disputée avec leurs parents, hier dans la soirée. Elle a quitté la maison à l'aurore pour se rendre en cours avant que tout le monde ne se réveille et a prévenu qu'elle ne comptait pas rentrer ce soir. Matthew soupçonne Haru d'avoir voulu aller la chercher. Ses parents disent que la voiture n'est pas dans le garage.

C'est sûrement pour ça, qu'il avait l'air tracassé.

— Rei putain !

Quand Matthew hurle, j'ai l'impression qu'on m'agrippe la gorge.

— Tu vas faire quoi ? balbutié-je.

— Tu m'as pas écouté ou quoi ?

Une pause, il respire fort :

— Je vais à leur recherche !

Je n'ai même pas le temps de réagir, mais si j'avais pu, je lui aurais sûrement crié qu'il est cinglé.

— Je te demande pas de venir avec moi, et j'suis désolé de t'impliquer en te mettant au courant de ce que je vais faire ma-

— Viens me chercher. Fais gaffe sur la route.

Je raccroche sans lui donner le droit d'en dire plus. Une info de trop, une parole à côté, et je me terre dans ma peur et lui ordonne de ne pas s'approcher de ma maison.

Lui demander de faire le détour pour moi pourrait davantage être dangereux, mais je ne sais pas ce qui est le pire entre ça et les imaginer tous exposés à la tempête.

Il me faut faire diversion. Car ce qui est sûr, c'est que jamais mes parents ne me donneront la permission de faire quelque chose d'aussi idiot.

Je me place en catastrophe devant ma fenêtre, mais l'adhésif qui recouvre tout le verre me dissuade de passer par-là. Le vent et la pluie auraient raison de moi, je ne peux pas compter sur cette sortie. Je commence à ouvrir mes tiroirs, ne sachant même pas ce que j'y cherche, mais avec le maigre espoir qu'une réponse s'expose entre mes caleçons et mes vieilles chaussettes. Rien. Ou peut-être que pour une fois les bâtons d'encens au Palo Santo de Blanca me débloqueront la connaissance absolue ?

Je décide de faire demi-tour.

Je me positionne en haut des marches de l'escalier et m'accroupis. J'observe mes parents dans le canapé du salon, discutant de tout et de rien. Je me sens coupable car je vais certainement briser le bref instant de paix qu'ils s'autorisent enfin.

J'ai deux objectifs majeurs. Le premier est de pouvoir m'éclipser sans qu'ils ne me coursent comme des dératés dans les secondes qui suivront mon escapade. Je connais mon père, il a beau se faire vieux, je suis persuadé qu'il a encore la capacité de m'attraper par la peau du cou pour me ramener ici.

Le second sera de leur ôter toute possibilité de partir à ma recherche lorsqu'ils auront compris que je ne suis plus là. Je sais d'ores et déjà que je pars en territoire hostile, ce n'est pas pour qu'ils le fassent aussi.

Mon père se lève en inspirant fortement, son angoisse le rend bien plus sensible et il retire sa montre. Il nous avait une fois confié qu'en période de stress intense, il prenait bien plus conscience de la sensation du métal contre son poignet. Il la repose dans le bol de bois artisanal sur la table basse, comportant un tas de babioles, dont les clés de la voiture.

Mon portable vibre dans ma poche. Je n'ai pas de mal à deviner que Matthew est là.

Je retiens finalement mon souffle. Une idée me traverse.

Peut-être que ça peut marcher.

Je tourne les talons vers la chambre de mes parents à l'autre bout du couloir. Je pense pouvoir gratter au moins une minute.





— Reino, nous avons déjà diné.

Je n'ai pas faim, je n'ai d'ailleurs pas eu d'appétit de toute la journée. Mais j'ai la tête plongée dans les étagères du réfrigérateur depuis sûrement trop longtemps.

Pourquoi ça prend autant de temps, merde !

— Reino ?

— Hein ?

Je recule le haut du corps pour rendre un regard lumineux à mon père, ce qui au lieu de le rassurer, le rend encore plus perplexe.

— Qu'est-ce qu'il y a mon gra-

Un bruit strident le fait sursauter, encore plus sourd que la tempête. Comme un cri de souris en continu, juste mille fois plus aigu, mille fois plus crissant. Ma mère bondit.

— C'est l'alarme incendie !

Je les vois s'emmêler dans leurs mots quand ils se précipitent à l'étage.

Alors, à mon tour je m'élance. J'empoigne les clés de leur voiture pour qu'ils ne puissent pas me suivre.

Je prends la porte.

Et Matthew m'attend dans une 4x4 noire dévorée par l'orage.

Oops, my badOù les histoires vivent. Découvrez maintenant