Chapitre 30

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L'endroit grouille de monde, encore plus les week-ends. Il nous faut marcher de nombreuses minutes sous un soleil irradiant, avant de trouver un endroit potable où poser les trois énormes parasols et la glacière que les gars et moi nous trimballons avec misère. Nous nous installons à quelques enjambées de l'eau claire, entre une famille qui semble sortir de la série Good Luck Charlie, et un groupe de touristes, dont les traits fins et clairs me laissent supposer qu'ils débarquent sûrement d'un coin d'Europe du Nord.

Matthew s'étend sur la nappe dépliée en pestant à tout va, sa marche jusqu'ici l'a déjà lessivé. Je capte le coup d'œil de Hyerin à son encontre pendant que j'ouvre l'un des parasols avec l'aide de Jade.

Après une hésitation infime, je la vois aller s'assoir à côté de lui et commencer à lui parler. Aussitôt, Matthew se redresse. Si proche d'eux, j'attrape des morceaux de leur conversation, des dialogues bateau que se disent des potes, sauf que là, ça n'a pas grand-chose de naturel.

Blanca et Haru placent le reste des affaires et Ioane ouvre la glacière pour aller tendre une canette de limonade à Matthew. Il demande à Hyerin ce qu'elle veut boire, mais je n'entends pas sa réponse car Jade m'interpelle en fouillant dans son sac.

— Tu peux me mettre de la crème solaire sur le dos ?

Son accent a l'air d'attirer l'attention du groupe d'à côté, entièrement composé de mecs, maintenant que je m'y attarde. Haru et Ioane le remarquent aussi, nos voisins ont arrêté de parler pour écouter Jade quelques secondes.

Je crois que plus que l'intonation française, le fait que nos copines soient de très jolies filles « typées » semble aussi contribuer à leur soudain intérêt, car leurs yeux passent ensuite de Blanca à Hyerin. Est-ce qu'ils ont vu qu'on était là nous aussi ?

Exotique, la brochette.

Merde, ils sont Suédois.

En plus d'avoir connu Elias pendant des années, je suis finlandais, et la Finlande a pour deuxième langue officielle le suédois : je la comprends même si je n'ai pas souvent eu l'occasion de la pratiquer. Et je peux jurer que là, ils ne parlent pas d'une salade de fruits.

Ioane baisse les yeux sur moi et je secoue négativement la tête.

Ça commence fort, on vient à peine de se poser.

Les filles n'ont pas remarqué ce qui se trame. Blanca se lève et époussète son paréo. Elle nous annonce de manière joviale qu'elle part se baigner. Pour éviter un malaise inutile, on convient de d'abord laisser couler. Dans le meilleur des cas, ils n'oseront pas plus que quelques œillades de côté.

Mauvaise pioche, à peine Blanca s'est-t-elle éloignée de nous de quelques mètres qu'un des mecs bondit pour la rattraper. C'est le signal, elle s'arrête lorsqu'il la hèle et mon poil se hérisse. Elle pivote, et son expression surprise passe bien vite à une mine agacée.

— J'suis pas intéressée, déclare-t-elle, le coupant alors qu'il n'a même pas entamé son discours de joli cœur.

Ça se voit que sur le coup, ça le déstabilise qu'elle le remballe avant d'avoir dit bonjour.

— T'emballes pas ma p'tite dame, je voulais juste savoir ton nom, tente-t-il de se rattraper.

Je me prépare à intervenir, mais Haru est plus rapide. En deux, trois mouvements il la rejoint et passe son bras autour de ses épaules.

— Tu le connais, bébé ?

Ce qui est triste, c'est qu'elle est tellement habituée à ce genre de situation qu'elle joue le jeu automatiquement.

— Non, pas la moindre idée de qui c'est.

Souvent, c'est moi qui passe pour le faux petit ami avec elle, et généralement ça calme la drague. Comme une pièce de théâtre improvisée, Ioane se rapproche de Jade et Matthew de Hyerin. Elles ont finalement compris que des regards lubriques se posaient sur elles. Elles ont l'air tout autant mal à l'aise.

L'évidence que chacune d'entre elles soit « prise » leur fait faire une grimace. Deux minutes plus tard, ils ont plié bagages. Comment faire bouder des gamins.

Blanca revient avec Haru, furibonde.

— C'est quand même dingue, je peux leur sortir que j'ai quatorze ans, ça les retiendrait pas autant que de dire que j'ai un mec.

Après quelques tirades de lamentation sur la stupidité du sexe masculin, elles reprennent du poil de la bête et décident de toutes les trois foncer dans la mer. Nous ne sommes que des dommages collatéraux dans leur univers.

— T'as été super réactif Haru, lui fait savoir Ioane.

— Malheureusement c'est pas un problème typique d'ici, en Californie aussi je devais faire ça avec mes potes filles.

— Ça prolifère comme des asticots, ce genre de gars, ajoute Matthew. Ça traverse même les continents.

Au fond, ça nous peine de voir à quel point c'est commun.

Je hoche la tête de mon côté, ne sachant pas quoi ajouter comme argument.

— Je vais acheter des glaces pour les filles, ça va sûrement leur faire plaisir, dis-je en me levant.

— Tu veux que je t'accompagne ? s'enquiert Haru.

Je me surprends à considérer la chose, mais n'ayant pas été d'une grande aide pendant toute la précédente altercation, je décline poliment.

— C'est bon, je reviens vite.

Je tourne les talons, profitant des légers courants d'air qui s'infiltrent dans mon débardeur à rayures. J'avance jusqu'à une autre portion de la plage, où les stands marchands crée des explosions de couleurs parmi le sable blanc et les gens.

Je passe commande, à moitié dans mes pensées. Au moment de sortir mon porte-monnaie, une ombre s'érige à côté de moi.

— Je paye pour lui.

Le temps que l'information ne monte à mon cerveau, de la monnaie s'échange entre deux mains. Je sursaute alors et lorsqu'on me tend mon plastique de glaces, mon corps fait volteface si vite que je manque d'éborgner le garçon mystère avec le sachet.

Je reconnais l'un des mecs du groupe de tout à l'heure. Il a un air pour le coup très gêné. Je ne crois pas l'avoir vu reluquer mes camarades ou participer aux commérages qu'il y a eu, mais il me semble bien avoir croisé son regard à un moment donné.

— C'est pour les filles je suppose, se justifie-t-il. Je les paye, ça vaut pas grand-chose mais je tenais à nous excuser mes potes et moi.

Je reste planté devant lui, et à son expression deux fois plus confuse, je suis persuadé que ma grimace n'est pas ce qu'il attendait. Aussitôt, je plonge la main dans mon portefeuille.

— C'est gentil, mais je te connais pas et je veux pas être redevable.

Il a un rire, comme si je venais de faire la blague la plus drôle qu'il ait jamais entendue. Oh, je ne le sens pas.

— Alors donne-moi ton numéro, à la place.

Je me fige.

Je dois avoir un souci avec les Suédois.

Oops, my badOù les histoires vivent. Découvrez maintenant