Chapitre 7

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Matthew doit avoir une sorte de super-pouvoir. Une espèce de don des cieux qui lui permet de mener à bien le moindre de ses objectifs. Même quand ledit objectif nous pousse tous les deux à nous suspendre au cadre de ma fenêtre, à pas loin de deux heures du matin.

— J'ai accepté de te laisser dormir chez moi, éructé-je, accroché au peu d'appuis des cloisons extérieures. Pourquoi maintenant je dois t'aider à faire le mur ?

Il réprime son rire, un mètre derrière moi. Nous sommes un soir qui avoisine la pleine lune de septembre, coup de chance pour mon « invité » qui ne progresse pas totalement à l'aveuglette. Je me tourne vers lui et le gronde du regard.

— Matthew Bellingham, t'es une mauvaise fréquentation.

Il ne se défait pas de son sourire, comme si j'essayais de le berner pour me donner bonne conscience. Le rayon lunaire scintille sur son visage et lui donne un air presque mystique.

— Oh mais monsieur n'est pas tout lisse hein, me contre-t-il, tu vas pas me faire croire que t'es à ton coup d'essai, t'as l'air de connaître ton mur plus que tes parents.

Eh merde, grillé.

Je le guide de pas en pas jusqu'à la clôture qui marque l'angle droit de la maison, nous nous y raccrochons en prenant garde à ne pas nous emmêler les pieds dans la vigne vierge, cette dernière y grimpe et commence même à envahir le dessous des fenêtres.

Quand je saute à pieds joints dans ma cour, l'air de Matthew démontre que pour le coup je ne peux pas le tromper, l'automatisme de mes gestes parle de lui-même. Il me rejoint à son tour et nous nous observons avec le même amusement coupable.

— J'suis assez surpris, me partage-t-il en retraçant notre chemin des yeux. Je t'imaginais pas comme un habitué des sorties en douce.

— « Habitué », tout de suite les grands mots.

Je lève les yeux au ciel sans approfondir sa réflexion. Nous nous dirigeons à pas feutrés vers le portillon, mais avant de franchir cette dernière barrière, je m'arrête. Matthew pivote le haut du torse, pour me regarder.

— Un problème ?

— Attends.

Je reviens sur mes pas et remonte silencieusement sur le porche de la maison. J'empoigne mon skateboard, laissé seul en compagnie du rocking-chair de ma mère, et retrouve Matthew en quelques mouvements sûrement trop précis pour ne pas trahir une routine déjà bien huilée.

Pourtant, il ne me demande rien et nous nous engageons dans l'allée principale tels deux criminels en cavale. Notre pas presse pour nous éloigner alors que nous retenons un rire de concert.

A une distance raisonnable, je laisse les roues de mon skate fouler l'asphalte et saute dessus pour me donner de la vitesse.

— Hé !

Matthew court alors à mes côtés, à même la chaussée déserte. La lune et les lampadaires du quartier nous guident vers l'air marin, quand le peu de pins et de chêne laissent bientôt place aux palmiers de Miami sous les étoiles. La route se dégage vers le sable. Je vis près de la plage, comme beaucoup d'autres habitants d'ici. Mais également, je vis près du skate-park où j'ai sûrement passé de nombreuses heures seul avec moi-même.

Les dunes de béton s'érigent finalement plus loin, les couleurs des graffitis semblent ternies par la nuit, mais cet endroit garde dans sa manche les secrets de nombreux noctambules. Je rattrape mon skate pour parcourir à pied les quelques mètres de sable blanc qui nous séparent du repaire. Déjà, un air de musique accueille mes oreilles, et trois silhouettes déambulent le long du périmètre.

— Riri !

J'entends la voix de Blanca et plus j'approche, plus son visage se détaille pour laisser briller son grand sourire. Elle me fait des signes de sa main, imitée par Ioane assis en haut d'une rampe. Lorsque je ne suis plus qu'à une distance moindre, c'est alors Haru qui apparaît dans le tableau, en tailleur au sol, mains sur les genoux et regard porté vers nous.

Je me rappelle alors : Matthew est avec moi.

Le même Matthew qui fuyait un repas avec la famille d'Haru sans que ce dernier n'en sache la véritable raison.

Un soudain inconfort prend possession de moi et je me surprends à ralentir le pas.

— Hey.

J'attrape la manche de Matthew avant que nos voix ne puissent leur parvenir. Il m'interroge des yeux, comme si cette bulle où il se réfugie n'était pas à deux doigts de voler en éclats.

— Tu lui as dit quoi, concernant ton absence de ce soir ?

Il bat des cils et se penche à mon oreille.

— T'inquiète, accessoirement, les dîners en famille nombreuse me soûlent depuis toujours et il le sait. C'est pas la première fois que je fais ça.

Mon pas n'en va pas plus vite pour autant. Il perçoit mon regard, plus lourd. J'ai envie de dire quelque chose, mais je me retiens, car au fond, je ne connais pas assez Matthew pour voir à travers ses motivations.

Mais j'aimerais le mettre en garde contre les mensonges. Il suffit d'un pour attirer tous les autres, et le fil qui se tisse mute une vie tranquille en mascarade sans fin.

Oops, my badOù les histoires vivent. Découvrez maintenant