22.
Je suis sorti avec Elias l'année dernière.
Ça n'a même pas duré deux mois.
Mais c'est vrai qu'avant de nous mettre ensemble, nous avons été des amis proches. Il m'a avoué qu'il en pinçait pour moi, un jour, et je crois qu'une partie de moi confondait mon affection pour lui avec une réelle attirance, du coup, j'ai accepté de sortir avec lui. Ça a été ma première et unique histoire.
Et trop vite, j'ai compris que je n'avais pas ce genre de sentiments. Je l'appréciais beaucoup, en tant qu'ami.
J'ai porté ce poids pendant plusieurs jours, puis plusieurs semaines. Je me suis persuadé qu'irrémédiablement, passer du temps avec lui provoquerait quelque chose en moi, quelque chose de plus fort. Mais au lieu de ça, ça me confortait dans l'idée que je n'arrivais pas à le voir autrement. Ça m'a pris la tête, car j'avais envie d'être un bon petit ami. Néanmoins, ce n'était ni le lieu, ni le bon moment pour ça.
Et avant tout, ce n'était pas la bonne personne.
Pour beaucoup, deux mois ce n'est rien. Le pire dans tout ça, c'est que techniquement, nous n'étions déjà plus un couple durant les dernières semaines. Je passais mon temps à essayer de provoquer une discussion, la discussion de rupture, ce qui était laborieux car je ne savais pas comment m'y prendre et qu'Elias faisait tout pour l'éviter.
Le confronter a été dur, lui dire honnêtement ce que j'avais sur le cœur l'a été d'autant plus. Mais le pire, c'était de savoir qu'après tout ça, nous ne pourrions jamais revenir à notre relation d'avant.
Je pensais pourtant que cette histoire était enfin derrière nous.
Alors pourquoi ?
— D'où vous sortez ça ?
Ma gorge semble anesthésiée, et mes pensées en vrac le deviennent encore plus. Ils pensent que je sors de nouveau avec Elias ? Avant ce matin j'avais limite oublié que j'avais été en couple !
— Il l'aurait dit à la soirée de Yuji, le week-end dernier, me répond Blanca.
— Il était bourré ?
Elle guette chacune de mes expressions sans me répondre, car peut-être qu'elle n'a pas cette donnée. Et je peux voir Haru légèrement pivoter vers moi. Mais pour le coup, impossible de regarder qui que ce soit. Mon ton doit être différent.
— T'es un peu pâle Rei, me murmure Matthew.
Je suis à la ramasse depuis le réveil à cause de mes insomnies cumulées, et de bon matin, on m'annonce que madame Guildman, la psychologue de l'école va faire une intervention surprise pour sûrement nous rappeler la catastrophe de l'année passée, que mon ex a balancé des rumeurs infondées sur ma situation amoureuse, et que ça a fini aux oreilles de mon groupe de potes – comptant d'ailleurs le mec pour qui je me suis découvert un béguin il y a quelques jours à peine.
J'ai l'air pâle ? Qu'ils soient contents que je ne leur ai pas encore dégueulé dessus.
Il y a à peine deux semaines, DEUX semaines, j'aidais Matthew à sillonner la ville à la recherche d'Haru dans l'ouragan. Ce même Haru qui, à une minute près, se noyait dans un véritable cratère de gadoue et qui semble aujourd'hui n'en avoir plus rien à cirer.
— C'est vrai du coup ? persiste Ioane.
— C'est des conneries ! je m'emporte.
Ils sursautent, même Haru. Son regard s'agrandit et j'ai l'impression que j'ai pris cette histoire avec Elias trop à cœur, alors qu'en vrai, même si ça m'agace profondément, c'est le cadet de mes soucis.
J'ai besoin de prendre l'air.
Mais alors que je recule ma chaise, la porte de la classe s'ouvre sur madame Jefferson, accompagnée, fatalement, de madame Guildman. Notre professeur a le visage fermé, je lui donnerais dix ans de plus.
Je peux le voir, d'autres élèves se tendent en la voyant. Des regards se croisent avec la même appréhension. Nous ne réagissons pas tous de la même façon, à sa venue. Certains sont neutres, comme s'ils le savaient et l'avaient totalement accepté. Ioane, par exemple, se contente d'un signe respectueux du menton pour les saluer.
Je ne sais pas dans quelle catégorie me placer. Je ressens une gêne. Une gêne dans la gorge et sur le bout des doigts.
« Tu sais ce que tu veux faire après le lycée ? »
Une gêne sur la langue, puis dans la poitrine.
Mais parmi toute cette palette de réactions, il y a Haru et Matthew. Ça se voit qu'ils ne comprennent rien.
Puis tombent des nues, quand devant moi, ils entendent Blanca renifler. Elle se penche vers moi pour se cacher, je suis le seul à la voir pleurer.
— Il se passe quoi merde ? elle râle, sûrement pour camoufler sa réaction à chaud.
Madame Guildman fait taire les rouages de mon cerveau, elle sait que nous avons trop ruminé pour s'en tenir à l'éternel discours sur l'acceptation de soi, sur le deuil et toutes ces conneries qu'on nous rabâche depuis des mois.
— Mme Jefferson et moi avons longuement discuté au vu des récents événements, commence-t-elle d'une voix très douce. Il semblerait qu'au cours des dernières semaines, certains élèves de cette classe aient manifesté quelques signes de détresse, qui pourraient être en lien avec un incident que je n'évoquerai pas dans l'immédiat, mais après un entretien avec chacun de vous.
Alors la vérité m'éclate en pleine figure.
L'attitude de Blanca vis-à-vis de notre sortie dans l'ouragan.
Le moment où Jade a éclaté en sanglots parce qu'elle n'arrivait pas à lacer ses chaussures.
L'épisode de manie qui nous a pris, à toute la classe, quand nous nous sommes revus après la tempête. Un contraste avec notre léthargie précédente, comme si nous avions survécu à l'apocalypse.
Nous avons encore des séquelles.
— Reino ?
Je me rends compte que Matthew m'a appelé plus d'une fois. Ce n'est que par son contact que j'émerge, lorsque sa main, peu sûre, se pose sur la mienne. Je lève les yeux et encore et encore, il me demande la signification de tout ce bordel.
— L'année dernière il y a eu une tempête.
J'entends ma voix, mais elle parle en automate.
— Une de nos camarades a été retrouvée dans un lac, le lendemain matin.
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Oops, my bad
Teen FictionÀ la Allison Academy, un établissement scolaire de North Miami Beach où se mêlent les cultures des quatre coins du monde, Reino se prépare à vivre sa dernière année comme toutes les précédentes. Mais ça, c'était sans compter l'arrivée d'un nouveau d...