Chapitre 16

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Je veux juste rentrer chez moi.

Nous n'avons pas de portable opérationnel et nous vagabondons comme des vieux squelettes sur les routes spectrales de Miami. Pas une voiture pour croiser la nôtre, et même en passant finalement sur les sentiers principaux en espérant tomber sur un fourgon de police, c'est désert.

Je demande à Matthew de me ramener chez moi, c'est une phrase parmi d'autres, mais il l'a retenue elle.

Hyerin est à ses côtés à l'avant, et discrètement, je vois leurs mains entrelacées, tentant de se calmer mutuellement. Je suis derrière, et Haru, à ma gauche, n'a toujours pas prononcé le moindre mot. Je me surprends même à vérifier toutes les deux minutes qu'il respire encore, alors qu'il a les yeux bien ouverts, mais figés sur rien.

Mon corps, inconsciemment, se rapproche du sien.

— Dis quelque chose.

Il tourne la tête, avec une lenteur qui me provoque un frisson. Je lui demande s'il a froid.

— Je sens rien.

Ça ne me rassure pas du tout. Ça me rassure encore moins que ce soient ça, ses premiers mots.

— C'est... le choc, je m'empresse de dire en me redressant pour tendre la main vers l'arrière de la voiture. Tu sens pas le froid, mais faut que tu te réchauffes un peu...

J'ai la bouche pâteuse, moi-même transi. Je n'ose pas l'imaginer lui, qui est resté je ne sais combien de temps dans cette cage à brasser du vide.

Mes doigts se referment sur quelque chose, je tire dessus par automatisme.

Que serait un bon citadin de Miami sans une serviette cachée quelque part dans sa voiture ?

Je regarde Haru, qui bouge à peine. Il n'y a que ses yeux qui m'observent, courant sur mon visage, sur mes habits trempés, sur mes mains froides.

— Tu... devrais au moins retirer ton t-shirt, balbutié-je.

Ces mêmes yeux qui, quand je parle, dégringolent automatiquement sur mes lèvres.

L'adrénaline partie, je me sens drainé et fragile. Tout ce qui a fulminé en moi pendant la précédente heure vient de s'écrouler, effritant ma carapace. Après avoir rugi dans l'orage, m'être traîné dans la boue pour les sauver, après avoir inventé un stratagème absurde pour échapper à mes parents, là, revenu à qui je suis tout simplement, je me sens nu.

Il remue une épaule et une grimace le prend. Ses doigts, que je suppose engourdis, s'accrochent au bas de son t-shirt sale et mouillé. Il entame un mouvement pour le relever, mais à hauteur des côtes, je prends conscience de l'effort que ça lui demande car il laisse tomber. Je déglutis.

— Attends, je vais t'aider.

J'attends qu'il hoche la tête, n'ayant pas eu le réflexe de former ma phrase en question. Il marmonne un « Ok » brouillon et je me positionne bien en face de lui. Mes mains frôlent la peau de son ventre, et il a un sursaut.

— Désolé, je chuchote, la gorge serrée.

— C'est rien.

J'ai l'impression que je vais le briser.

Il m'a l'air si vulnérable, à cet instant. Et j'ai peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir panser ce genre de plaie à vif. Il a un grognement sourd lorsque sa tête passe dans l'ourlet. Aussitôt, j'enroule la serviette autour de son corps, frictionnant ses épaules.

— T'en as une autre Matthew ?

Il m'explique en quelques mots comment me frayer un passage dans le bordel de son coffre. Une deuxième serviette s'y cache et je la tends à Hyerin. Son « merci » est plus tendre que les sifflements primitifs qu'elle crachait quand on essayait de sauver Haru. Je crois qu'elle aussi, elle s'expose différemment dans le chaos.

— Rei.

Mes gestes se figent, mon regard se lève et se plante dans le sien. Je ne crois pas qu'il allait me dire quoi que ce soit. Je crois qu'il voulait juste prononcer mon nom, pour que je l'entende de sa voix. Pour que, lui comme moi, on comprenne qu'il est encore là.

Un éclat nouveau dans ses yeux me montre qu'il revient à lui.

— Refais plus jamais ça, je murmure.

Je prends enfin conscience d'à quel point j'ai eu peur, moi aussi.






Ayant certainement surveillé l'entrée depuis mon départ, je ne suis pas du tout étonné de voir mes parents débouler dans le jardin orageux quand la voiture se gare sur le bas-côté. Précipitamment, je m'éjecte du véhicule pour que mes amis ne se prennent pas leurs foudres. Nous nous rencontrons en plein milieu de la cour et je sais que ça va exploser.

Et ça explose.

Ils m'engueulent comme ils ne l'ont jamais fait. J'entends des paroles criantes de vérité, mais aussi des phrases qui, noyées dans la colère, sont bien plus glaçantes. Mon père tonne et sa main m'agrippe l'épaule, et j'entends mon nom, encore et encore.

Et oui, ça me fait mal.

Ça me fait mal de les avoir inquiétés comme ça.

Ma mère me dit que je suis ingrat et inconscient, se retenant de fondre en larmes. Mon père grogne quand je m'excuse. C'est tout ce que je peux faire, mais je sais que ça ne suffit pas.

— Ils étaient perdus dehors.

Je n'avais pas prévu de leur dire la vérité.

Leurs expressions se glacent. Il y a un moment de latence, nous n'avons pas l'air bien malins, comme ça, à nous crêper le chignon dans notre jardin.

Ma mère ouvre la bouche et tout à coup, elle tremble.

Mais avant qu'elle n'ait pu dire quoi que ce soit, j'entends des portes qui claquent.

Je me tourne, et j'ai à peine le temps de prendre conscience de ce qu'il se passe qu'ils sont tous là, à mes côtés. Matthew, Haru et Hyerin. Ils ont accouru, sans demander leur reste. Ils font subitement bouclier.

Et ils me défendent.

Ils rétorquent sans aucun filtre, tels des gamins ne voulant rien entendre. Bourrade verbale contre bourrade verbale, et en vrai, aucun d'eux ne fait vraiment sens. Dans tout ce bordel de paroles, leur présence a quelque chose de réconfortant. Je me surprends même à réprimer le plus maigre des sourires devant leur culot.

Si moi, j'ai l'air d'être un cauchemar aux yeux de mes parents, personne n'est prêt face au bordel qu'ils sont, eux.

Hyerin parle en mon nom alors que je ne la connais pas, elle nous invente un lien, une raison, et je l'apprécie déjà. Elle et Haru ont ce quelque chose qui vibre dans les esprits : volatil, délicat, et pourtant écorché vif.

Alors le silence revient.

— Rentrez tous à l'intérieur, abdique ma mère. Il faut prévenir vos parents que vous êtes sains et saufs.

Oops, my badOù les histoires vivent. Découvrez maintenant