Chapitre 20

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— Décidément, vous me faites faire n'importe quoi Matthew et toi.

Arrivé au skate-park, les étoiles et les lampadaires incandescents éclairent la silhouette d'Haru, assis en haut des rampes pleines de graffitis. Il a le menton dans la paume de sa main et je sais qu'il m'a observé approcher depuis plusieurs minutes.

Je me suis douté qu'il viendrait seul. Mais j'en ai maintenant la certitude.

— Y'a jamais personne ici, ça doit pas être super branché comme coin, fait-il entre la raillerie et quelque chose d'un peu plus amusé.

Il est vrai que c'est souvent désert, mais nous sommes un soir de semaine. La plupart de ceux qui viennent dans les environs seraient des étudiants, ou des gens pas très nets. Sur la plage de l'autre côté des barrières, l'océan naît. J'entends le son des vagues en continu et si je tends le cou depuis les sommets bétonnés du skate-park, je peux même voir l'écume s'échouer sur la rive.

Je me hisse aux côtés d'Haru. Il me regarde de haut en bas avec un sourcil haussé.

— T'as pas pris ton skate ?

— J'avais bien trop peur de te voler la vedette.

Je vois qu'il en a un, lui, qu'il garde sous le bras en tentant de ne pas rire de ma plaisanterie.

— C'est quoi l'excuse cette fois pour échapper à la punition de tes parents ? poursuis-je quand il se met debout.

— Que j'avais envie de te voir.

Je mords ma joue à sa réponse, les mains dans mes poches. Parfois je me demande si ce n'est pas tout simplement la nuit qui le rend aussi franc, et moins l'alcool. D'un coup, il entame une première descente et marque un arrêt de côté sur la partie plane du circuit. Joli.

Je m'assois à l'endroit où il était.

Parfois, il a cet air limite cliché des garçons de L.A., ces gens de la ville et de la plage, comme ici, mais avec plus de cote.

Je balance mes jambes dans le vide en l'observant. Je me demande si comme moi, ses pensées s'apaisent quand il se laisse emporter dans le vent. Je me demande si sous cette soif d'adrénaline, ce manque de sérieux face à la vie, lui et Matthew ont aussi des orages qui rugissent au fond d'eux.

Il prend son élan et s'abaisse quand il traverse la courbe sur toute sa longueur, cheveux dans le vent, sa main vient prendre appui à ses pieds pour minimiser la résistance du vent. Il n'en est pas à son coup d'essai, il n'a pas menti, il sait rider. Je le vois me sourire dans ses acrobaties encore simples et fluides. Et honnêtement, je n'ai pas l'impression qu'il tente de sortir le grand jeu, de juste vouloir m'impressionner. Ce soir, j'ai davantage l'impression qu'il skate pour lui. Et je trouve ça beau.

Je ne veux pas chambouler son univers. Qu'importe ce qu'il ressent pour moi, je ne veux pas qu'il s'épuise à être un autre. Alors, je trouve ça beau, qu'au lieu de se modeler à une convenance absurde, il me fasse une place dans les fissures de sa singularité. Même si je ne comprends pas encore, même si la somme de toutes ses facettes me paraît encore difficile à décrypter, j'ai envie de les accueillir une à une.

— Ouais, pas mal.

Il lève un sourcil à mon commentaire, à croire que je lui ai dit qu'il était à gerber. C'est évidemment faux. Il a une grâce indescriptible dans chacune des valses qu'il mène avec la nuit. C'est différent de moi, d'une façon qui ne se compare pas.

— À ton tour alors, Miami boy.

Je saute pour le rejoindre et je sens mon cœur battre à un rythme qui m'est, ce soir, moins familier. Plus je m'approche, plus la brise prend des nuances différentes. Tantôt chaudes, tantôt plus fraîches. J'en ai des frissons.

Il éclate de rire quand je calcule mal mon élan et détale sur le côté à peine le pied posé sur sa planche. Je me rattrape en trottinant dans la distance. Je prends son skate et reviens vers lui avec un air plus grognon.

— J'suis pas habitué quand c'est pas ma planche, je me justifie.

— C'est ça, à d'autres.

Je procède à quelques essais infructueux, sous son regard qui malgré les quelques boutades, n'a rien de moqueur.

Je parviens finalement à faire quelques tours dans les courbes, juste un peu plus sur mes gardes que d'habitude.

Je ne sais pas si nous parlons, peut-être un peu, comme pour nous situer l'un par rapport à l'autre. Je me mets à faire des cercles autour de lui en le narguant. Il rétorque et ça nous fait rire.

— Hé, attention ! s'exclame-t-il.

Je dérape en passant près de lui, mon corps bascule. Mes pieds regagnent un peu durement le sol de ciment et je sens les mains de Haru me retenir par la taille pour m'empêcher de tomber. Son rire s'estompe alors que le mien redouble, m'empêchant de parler clairement. Je prends appui sur ses épaules et tends le cou pour regarder où la planche s'est enfuie.

Je tourne alors la tête pour lui faire face, tombant sur son sourire.

Il y a une douceur innommable, dans ses yeux. Son toucher persiste dans mon dos et contre ma hanche, en prendre conscience me rend tout à coup fébrile.

— Te casse pas en deux, ça serait idiot, il me taquine.

Je déglutis et hoche la tête lorsqu'il me lâche pour aller lui-même chercher son skate-board. Il propose ensuite que nous rentrions, je lui réponds d'une voix qui me paraît plus lointaine.

Il insiste pour au moins me raccompagner à l'entrée de mon quartier. Nous parlons encore un peu, de tout et de rien, il me remercie d'être venu, et je n'ose pas même prétendre que ça m'a ennuyé.

C'est quand il s'en va que je me rends à l'évidence.

Je craque pour Haru.

Oops, my badOù les histoires vivent. Découvrez maintenant