Chapitre 21

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Le lundi qui suit, j'ai les idées en vrac.

Mon sommeil est bancal depuis plus d'une semaine, et ça commence à se faire sentir. Le fait d'ajouter à ça la prise de conscience sur mes sentiments naissants pour Haru n'arrange pas la chose. Dimanche soir, dormir m'a presque été impossible.

— T'es matinal.

J'ouvre les yeux et je crois que mon expression de mort-vivant fait peur à la personne qui s'adresse à moi. Je vois un corps longiligne à l'envers, regard posé sur moi, qui suis étalé tête en bas sur l'un des fauteuils de la salle de repos de l'académie.

Elias Eriksson.

Un dernière année suédois qui fait quinze centimètres de plus que moi. Il est dans une classe différente, mais il fut un temps où je lui parlais presque tous les jours. Maintenant, j'avoue que lui adresser la parole est devenu rare. Très rare.

Je me redresse en prenant garde à ne pas me manger le sol.

— Salut Elias, qu'est-ce qui t'amène ?

Il passe sa main dans ses boucles blondes, et regarde vers la porte comme si une guerre des nations venait de prendre place dans la cour.

— Je dois te parler d'un truc, commence-t-il avant de secouer la tête. Enfin, à la base c'était un truc, mais j'ai surpris une conversation et je pense que j'ai plutôt deux trucs à te dire.

Je suis dans les vapes ce matin, s'il formule toutes ses phrases de cette façon je vais vite être paumé.

— Y'a un problème ?

Il semble réfléchir à quoi aborder en premier.

— J'ai vu la psy de l'école et madame Jefferson, elles ont parlé super longtemps et... je crois que le sujet c'était ta classe.

— Ma classe ? Pourquoi ?

Si je ne sais pas sur le moment à quoi m'attendre, je sens mon cœur se serrer comme si au fond, lui se doutait de la raison.

— Je peux pas sauter aux conclusions, il reprend d'un air retenu. Mais est-ce que t'aurais remarqué des comportements bizarres avec les autres après l'ouragan ?

La pression dans ma poitrine devient soudainement plus lourde.

— J'ai pas fait gaffe.

Parce que c'est vrai. Je n'ai pas regardé, j'ai eu peur de regarder. J'ai survolé certains regards vagues et des discussions floues.

Et je m'empêche de penser au savon que Blanca m'a passé la dernière fois. Elias secoue la tête, dans ses yeux, je peux voir une certaine culpabilité.

— Juste, je voulais te prévenir pour que ça te prenne pas trop au dépourvu. Mais peut-être qu'elles viendront vous voir ce matin.

— Ok, je lui dis. C'est sympa, t'as prévenu d'autres personnes ?

— T'es le premier qui m'est venu à l'esprit, Rei.

La façon dont il le dit me met un autre poids sur l'estomac.

— Et, poursuit-il d'une voix encore plus faible, ça a rien à voir mais y'a aussi autre chose, et je te promets d'arranger ça avant que ça te mette dans l'embarras mai-

— Ah te voilà !

Nous sommes interrompus par un trio qui se manifeste à la porte restée ouverte sur les couloirs. Je reconnais ses amis.

— On te cherchait mec, paraît que Lindsay a soudoyé la cantinière pour qu'on ait plus de brownies à midi !

Leurs yeux tombent ensuite sur moi, et leur air de gentil idiot se métamorphose quand leur bouche s'ouvre dans un « O » muet.

— Hé, salut Reynold !

Stillinson ne m'appelle pas par mon nom finlandais, c'est l'une des rares personnes de mon âge à user de cette alternative de convenance, « Reynold Laine ». J'essaye de croire que le fait qu'il soit parmi les 15% d'Américains caucasiens du lycée n'a pas de lien avec cette habitude, mais parfois il n'aide pas. Il est l'un des plus grands clichés étasuniens.

Je leur rends leur accueil en ayant de plus en plus l'impression de patauger dans une grande incompréhension. En quoi c'est devenu si surprenant de me voir dans mon propre bahut ?

Elias bondit avant qu'ils n'aient pu dire quoi que ce soit d'autre, il me couine un truc genre : « À plus ! » avant de détaler. Une certaine détresse pouvait se voir dans sa pupille. Il a toujours été très expressif, et ça, j'ai eu l'occasion de le voir de près.

C'est donc l'esprit assez embrumé que je regagne ma classe quelques minutes plus tard. Blanca, fidèle à elle-même, est encore assise sur ma table. Pas à ma table, mais sur ma table. La première chose qui me fait tiquer, c'est le manque de dynamisme que je trouve au groupe pourtant déjà au complet – sauf Faisal qui ne suit pas ce cours. Est-ce que la psychologue est déjà passée faire son discours ?

Matthew, comme à son habitude, m'accueille d'un sourire, mais ce dernier semble plus contrit.

Et Haru, aucune idée, car il ne s'est même pas retourné après mon arrivée. Il garde les yeux droit devant lui, sur le tableau vide et m'a l'air un peu tendu. Ok, je suis totalement largué.

— Hey Riri.

Je pivote vers Blanca qui semble gênée, pas d'une manière négative, pas comme si elle ne voulait pas m'approcher. J'ai juste l'impression qu'un gros point d'interrogation plane au-dessus du groupe.

— C'est vrai ce qu'on dit ?

Encore une fois, je m'imagine qu'elle parle de la psy. Mais je n'ai même pas le temps de répondre quoi que ce soit qu'elle poursuit :

— Il paraît qu'Elias et toi vous vous êtes remis ensemble.

Oops, my badOù les histoires vivent. Découvrez maintenant