Chapitre 8

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8.

/!\ Mention de consommation d'alcool /!\

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/!\ Mention de consommation d'alcool /!\






J'avais déjà vu Haru se montrer plutôt imprévisible dans sa façon d'être. Par exemple, quand il chuchote trop fort pendant les cours, au point où on est tous au courant de comment il a fini en mangeant trop de poulet épicé. Quand il présente l'œuvre de La Lettre écarlate alors que le sujet était Orgueil et Préjugés. Ou encore quand il continue de lancer ses vannes sorties de nulle part. Malgré son côté très divertissant, je l'ai toujours trouvé difficile à cerner. J'avais l'impression qu'il était mille visages différents qui se battaient dans le même corps.

Et ce soir, je fais face à une énième facette de cet homme qui d'ordinaire, perd tous ses moyens quand il se trouve à moins de deux mètres de moi.

J'ai devant moi un Haru bourré.

— Oh Reino, la lueur des étoiles est bien fade à côté de ce qui brille dans tes yeux.

Haru s'adosse à quelque chose qu'il croyait être un mur, mais c'était une rampe, alors il fait un plat.

Et même avec lui fesses à terre, j'intercepte ce qui ressemble à un clin d'œil de travers.

— T'es déchiré ou déchiré déchiré ? tenté-je de m'assurer en lui tirant les mains pour le redresser.

— Mon cœur se déchire pour toi.

— Mattheeeeew !

Je me tourne et cherche ce dernier des yeux, espérant qu'il me décode le personnage de Haru Yoon.

D'accord, j'admets que je l'avais remarqué : il a un petit béguin pour moi. Si je n'en étais pas sûr à cent pour cent avant aujourd'hui, je dois dire que sa troisième déclaration de la soirée me met la puce à l'oreille.

Haru tient debout quelques secondes avec un sourire d'imbécile heureux, puis son expression se décompose, il marmonne : « Ça tourne », et repart au sol comme un ballon de baudruche qui vient de se dégonfler.

Je m'assois en tailleur devant ses genoux, en effet miroir, ne sachant pas quoi faire de lui. Il lève la tête et plante son regard dans le mien, j'y lis une détermination presque transcendante.

— Tu veux sortir avec moi ?

— T'es rapide toi.

J'avoue, sous mes airs confiants, je dois légèrement rougir. J'avais commencé à m'habituer au Haru maladroit et gaffeur, et être en tête à tête avec son alter-égo plus franc du collier me trouble pas mal.

— Je sortirai pas avec toi Haru, je te connais à peine.

Ma voix n'a aucun reproche, elle est même étonnamment douce.

Mon but n'est pas de le blesser, il se penche vers moi en plissant les yeux, comme pour analyser chaque trait de mon visage. Nous sommes plutôt proches, mais pas d'une proximité qui me mettrait mal à l'aise.

— Tu sais, t'es encore plus beau de près.

J'ouvre la bouche, prêt à rétorquer quelque chose, mais au final, je ne sais pas quoi dire.

— T'es ce genre de bourré, celui qui flirte à tort et à travers ?

Ma question est certes sincère, elle cherche surtout à détourner la conversation. Je n'aurais pas vraiment de mal à imaginer Haru comme ça, il est tellement vivant et ouvert aux autres.

Je le vois se lever sans me répondre. Je ne suis même pas sûr qu'il ait réussi à assimiler mes paroles. Il titube vers mon skate laissé à l'abandon et mes yeux s'écarquillent quand je lui cours après.

— Hey, non ! je lui barre la route. Mon portable servira pas à appeler une ambulance à trois heures du mat'.

Blanca, Ioane et Matthew sont assis les uns face aux autres au milieu du skate-park, comme dans un rituel de pleine-lune. La vérité n'est pas totalement discordante, je peux deviner qu'elle a sorti de jeu de tarot et qu'elle leur lit les cartes, avec la bouteille de Jack qui tourne de mains en mains.

Haru profite de mon attention vers eux pour me semer.

— J'sais faire du skate moi aussi, déclare-t-il d'une voix un peu floue.

Je fais volteface vers lui comme s'il avait crié : « Au feu ! ».

— J'te crois, dis-je sur la retenue. Tu me montreras quand tu seras sobre, ok ?

Ma main se pose sur mon skateboard dans l'optique de l'éloigner de lui. Son air devient alors triste et je tords ma bouche.

— Je te fais une petite démonstration, tu me diras ce que t'en penses.

Il considère ma proposition, comme un lot de consolation. Je le vois lentement hocher la tête et prendre place en haut d'une des rampes – je l'ai observé galérer pour y monter en croisant les doigts pour ne pas qu'il se ramasse.

Je monte sur mon skate et file une première fois dans le vent, sans demander mon reste. J'entame quelques échauffements superficiels, surface contre surface, en inclinaison, puis à plat.

Puis je laisse aller.

J'ai d'abord veillé à garder un regard alerte sur Haru, anticipant un quelconque roulé-boulé de sa part qui pourrait m'obliger à corriger ma trajectoire à tout moment. Mais à partir d'un instant, il y a eu un shift, et je me suis perdu dans ma bulle. Cette bulle qui m'enveloppe quand je viens ici, seul, et que mes pensées regagnent les étoiles pour me laisser avec la tête vide.

Là où la gravité change à chaque nouvel angle d'attaque, quand les roues cognent le béton lisse et me font traverser une mer de graffitis. Je ne sais pas quelle expression se grave sur mon visage, quand je suis dans cette transe particulière. Je ne sais rien, je voyage juste.

Je ne sais pas combien de minutes se sont écoulées, avant que je ne ralentisse et les vois tous les quatre côte à côte, à m'observer en souriant après avoir rejoint Haru. Ils semblent sur leur trône, à moins que je ne sois moi, sur le mien.

Je prends de l'élan pour me hisser à leurs côtés, terminant mon numéro en attrapant mon skate dans les airs. Mon corps retrouve la terre ferme et je me tiens face à eux. Je crois que ça m'amuse.

Haru est le plus proche de moi. Son regard, je ne suis pas sûr de savoir ce qui y est écrit.

— Alors ? je le taquine.

Et même son sourire, je ne sais pas ce qu'il me partage, ce qu'il me chuchote, quelle prière il murmure à la lune et aux étoiles.

— Tu me plais vraiment, Reino Laine.

Mon cœur rate un battement.

Ce n'est pas drôle, je propose qu'il ne boive plus jamais !

Oops, my badOù les histoires vivent. Découvrez maintenant