18.
J'arrive en retard à l'académie le lundi qui suit.
Dans ma précipitation pour passer les portes d'entrée du bahut, j'arrive tout de même à contempler, le cœur serré, les ravages de l'ouragan Dorian même plusieurs jours après la catastrophe.
Nous avions toujours été fiers de notre cour intérieure et des longs espaces de verdure qui nous permettaient de ne pas constamment être prisonniers de murs de ciment. Ce matin, le paysage est bien plus lunaire. Des arbres ont été terrassés et gisent encore tristement sur les chemins dallés. Le potager, projet tenu religieusement par les dernière années de collège, n'en mène pas large. Les bâtiments, heureusement, sont encore tous debout et plus ou moins intacts.
Je fais attention à ne pas glisser sur le chemin encore boueux. Quand j'ouvre la porte de la salle de cours, M. Halle n'est pas présent.
— Donc t'as même pas été puni après tout ça ?
La voix de Ioane est ce qui m'est le plus familier dans tout ce brouhaha. Je m'attendais bien à ce qu'une fois la tempête passée, les estomacs noués de crainte laisseraient place à de longs dialogues sans plus aucun filtre. Ils ne parlent tous que de ça.
Je salue qui m'offre un regard, sachant qu'ils sont tous dans une sorte d'épisode de manie où une véritable diarrhée verbale a pris possession de la promo. Je m'assois près de Matthew et fais un signe de tête à Haru et Ioane sur la table avant. Ils sont tous les deux tournés vers nous et Ioane a une expression mi-admirative, mi-soulée.
— Vous parlez de quoi ?
Je regarde Haru en posant cette question. Je sais qu'après notre conversation de la dernière fois, nous avons fait comme si de rien n'était. Nous avons même parlé de temps en temps par messages. Mais je ne peux nier ne pas avoir appréhendé le fait que j'allais le revoir en face à face.
Je ne parviens pas à lire son expression, mais au léger silence qui plane après ma question, je devine qu'il a un blanc et je n'arrive pas à soutenir son regard plus longtemps. Ioane claque ses doigts devant son nez et il sursaute :
— Ah ! Pardon j'étais en train de rêvasser.
Il se reprend après un raclement de gorge.
— On parlait de comment Hyerin et moi on est privés de sortie jusqu'à la fin du mois. Notre mère a aussi vidé toutes ses bouteilles de kombucha et elle a pété un câble.
Il joue avec sa gomme, ne me regardant pas dans les yeux. Je ne peux pas lui en vouloir, je crois bien avoir examiné tous les angles différents de la pièce depuis que je suis assis ici. Il y a une limace sur l'un des carreaux au plafond, elle risque à tout moment de tomber sur les nattes de Jade. L'humidité ne fait pas de cadeau. C'est intéressant les limaces, surtout quand on évite de confronter quelqu'un.
— Et à côté t'as Matt qui est rentré chez lui comme si de rien n'était, râle Ioane, ses parents lui ont pas fait la moindre remarque désobligeante.
Mon premier instinct, comme tout ado qui se plaint d'avoir ses parents tout le temps sur son dos, serait de renchérir : « Pouah la chance ! ». Mais quelque chose me dérange, et ce n'est pas le rire de Matthew face à ce constat.
C'est l'air grave d'Haru, comme si ce commentaire l'agaçait. C'est la première fois que je le vois avec ce visage, même s'il n'a duré qu'une fraction de seconde.
— Perso, j'suis privé de sortie jusqu'à nouvel ordre, déclaré-je à mon tour. Et on m'a confisqué mon smartphone, donc je vous présente mon nouveau copain pour les deux prochaines semaines !
Je sors de ma poche un téléphone à clapet avec un fond d'écran pixélisé à souhait sur lequel il est presque possible de reconnaître le costume de Spiderman. Ils ouvrent de grands yeux avant de tous les trois éclater de rire. J'en suis quelque peu fier.
— Oh non, c'est pour ça que tu prenais une plombe pour répondre à mes textos ?
Je préfère voir Haru rire.
— C'est quoi cette histoire, comme quoi vous êtes allés jouer les hors la loi dans la tempête ?
Je lève la tête et Blanca s'assoit sur mon côté de la table, me lançant un coup d'œil désabusé. Elle croise ses bras et je n'ai plus envie de prendre cette situation à la légère. Je ne savais pas que l'histoire s'était ébruitée.
Directement, je concerte Matthew car je sais qu'il n'a pas osé donner la vraie version des faits. Et je ne crois pas que l'on puisse accorder notre diapason par la pensée.
— Relax, on a juste skaté dans le quartier de Rei parce que c'est stylé sous la pluie, enchaîne-t-il. Y'avait pas plus safe, en deux secondes on était de nouveau à l'intérieur.
Je sais que cette excuse, Blanca ne l'avale qu'à moitié. Notamment parce que je suis dans l'équation. Surtout parce que je suis dans l'équation. Matthew espère sûrement que je renchérisse, mais je reste silencieux et même elle, je ne la regarde pas directement dans les yeux.
Elle se tourne ensuite vers Ioane.
— Et ça te fait rire ?
Il rentre la tête dans ses épaules en encaissant l'attaque sans rétorquer. Je vois que d'un coup, la discussion a divergé, l'ambiance est bien plus lourde.
— T'as fait comment pour pas que tes parents te chopent sur le champ ? demande-t-elle en portant de nouveau son attention vers moi.
Elle me gronde, elle s'est inquiétée. Je me rends et lui avoue que j'ai allumé ses bâtons d'encens dans la chambre de mes parents pour que la fumée provoque l'alarme incendie.
Petit coup de génie de mon point de vue, et sûrement la plus grande connerie connue de l'humanité pour elle.
D'abord, elle n'a aucune réaction notable. Ce n'est qu'après un instant, qu'elle se relève et s'éloigne. Dans sa voix, je sens qu'elle est peinée.
— Eh bah félicitations, vous deux, termine-t-elle en nous visant Ioane et moi. On voit que vous avez retenu la leçon.
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Oops, my bad
Teen FictionÀ la Allison Academy, un établissement scolaire de North Miami Beach où se mêlent les cultures des quatre coins du monde, Reino se prépare à vivre sa dernière année comme toutes les précédentes. Mais ça, c'était sans compter l'arrivée d'un nouveau d...