Chapitre 24

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Sans demander son reste, Haru se redresse et s'éloigne.

Directement, je me lève et tente de le rattraper, mais son pas est rapide. Mes enjambées se font plus grandes, jusqu'à me caler à sa cadence dans la cour qu'il traverse en la coupant au milieu. Et je ne dis rien, les épaules voûtées à ses côtés, comme pris en faute.

Je devine qu'il cherche à rejoindre le gymnase à l'arrière du bahut. Je n'arrive pas à savoir s'il est énervé, même si la lourdeur de ses pas ne met aucun doute sur le fait que les dernières minutes sont loin de l'avoir rendu euphorique.

J'ai envie de parler.

J'ai besoin de parler.

Nous arrivons aux double-portes de bois qu'il ouvre à la volée, me faisant reculer de surprise. Parfois, je suis sidéré par la force dont il peut faire preuve. A l'intérieur, c'est désert. Le terrain de basket est silencieux et les lumières faibles. Il faudra certainement venir changer les néons. Il me sème encore une fois pour se diriger vers le bac à roulettes contenant le matériel. Il extirpe un ballon de basket et sans se faire prier, je le vois commencer à dribbler en trottinant. C'est vrai qu'à peine arrivé ici, il s'est inscrit dans l'équipe, il devait en faire aussi, à L.A.

Je reste planté sur le côté comme un idiot. Aujourd'hui, il ne me laisse pas totalement entrer dans sa bulle. Pas comme au skate-park, là, j'ai l'impression que les pensées qui l'assaillent, il n'a pas envie que je les voie.

— Tu vas bien ?

Entre deux tam tam de la balle avec le sol, je l'entends me poser cette question. Un sentiment d'impuissance m'envahit tout entier, et je me sens comme le dernier des abrutis.

— Pas vraiment, murmuré-je.

Il hoche doucement la tête, les yeux sur ses mains en mouvement. Il tente un panier, et il rentre.

— Je voulais pas dire ça, à propos des actions dues à l'alcool, continué-je.

— Tu m'avais l'air d'être très sérieux pourtant.

— Mais c'est différent, les conséquences que ça a eu avec lui sont pas les mêmes qu'avec toi. Et les intentions aussi, je sais pas trop pourquoi il a fait ça, si c'était par esprit de vengeance ou par ennu-

Il m'interrompt en récupérant sa balle.

— Ou parce qu'il t'aime encore.

Je n'ai pas besoin de ça. Vraiment pas.

— Comment tu vas Reino ?

— Je te l'ai dit, je me défends.

— Tu ne m'as pas dit comment tu te sens.

— T'es pas obligé de faire ça.

Finalement, il me fait face, certes à distance, mais il ne tourne plus en rond pour éviter de me confronter. J'ai l'impression que c'est moi qui ne suis pas en droit de lui parler, car même avec le poids qu'il semble avoir lui-même sur les épaules, il prend le temps de me demander comment je vais.

— Je me sens obligé de rien.

— C'était naze de t'avoir mis dans le même panier tout à l'heure, je tente alors, la voix qui flanche. Mais c'était trop d'un coup, encore plus aujourd'hui.

— Je t'en veux pas Reino, t'étais complètement à fleur de peau. Et c'est pas faux, j'aurais aimé juste la fermer, cette nuit-là.

Il me l'a déjà dit, mais je ne sais pas pourquoi, mon cerveau l'interprète d'une autre façon maintenant. Peut-être à cause de la distance qu'il instaure entre ses aveux, peut-être parce que dans ma tête tout est sens-dessus-dessous. Mais là, j'ai vraiment l'impression qu'il regrette.

J'ai l'impression d'une certaine façon, je l'ai déçu.

La balle lui échappe et part sous les gradins. Je la suis d'abord des yeux avant d'automatiquement m'orienter vers les siens. Il ne m'observe pas juste, il me fixe, ahuri.

— Déçu de quoi ?

Sa voix est plus haut-perchée, comme si j'avais annoncé que je jouais du piano avec mes pieds.

Et je me rends aussi compte que j'ai pensé tout haut.

— Quoi ? je fais, idiot, parce qu'aucune excuse pour détourner le sujet n'éclot dans mon cerveau, je suis trop à côté de mes pompes.

— Je suis carrément pas déçu de toi Reino ! C'est moi, que je trouve minable.

— Hein ?

Niveau éloquence, je me suis connu des jours plus glorieux.

Il passe ses mains dans ses cheveux et je le sens tenter de garder son sang-froid. Et là, je comprends. Il se contient depuis tout à l'heure, il ne m'ignore pas, il tente de faire taire son propre chaos.

— Je me sens minable parce que ce matin ça m'a complètement soulé qu'on me dise que t'étais en couple. Une partie de moi voulait t'en parler comme un grand, mais au final j'ai juste commencé à faire la gueule comme un gamin parce que je comprenais rien !

Il secoue la tête.

— Et je me suis senti minable parce que franchement, cette histoire elle est tellement débile à côté de ce que toi t'as encaissé. J'allais te bouder pour un mec qui a raconté de la merde, pendant que toi t'es en train revivre la mo... la perte d'un de tes amis..., termine-t-il en un balbutiement. Mais... ce qui me tue, c'est de savoir que j'ai clairement contribué à te mettre dans cet état.

Je le vois se rapprocher de moi, qui n'ai toujours pas bougé depuis que j'ai mis un pied ici. Un peu plus, et je prends racine. Quand il est juste devant moi, je me rappelle que j'ai un cœur, car ce dernier tambourine à m'en faire mal.

Je l'ai dit, que j'ai peur de le briser.

Ses sentiments me font parfois peur, car si je lui montre ce qui me ronge, ce qui n'est pas encore totalement guéri, il pourrait sacrifier une partie de ce qui le représente pour tenter de m'apaiser. Et je ne veux pas, son univers est à lui. Je ne peux pas y plonger et me donner le droit de tout réorganiser.

Et de toute façon, ça serait une voie sans issue, car c'est comme ça qu'il me plaît : quand il est entier.

— Hé Reino !

J'ai la tête qui tourne et sans que je ne m'en sois rendu compte, je suis assis au sol et Haru est à genoux devant moi, une main dans ma nuque. Génial, en plus, j'ai fait un malaise. Je m'adosse au mur avec une certaine difficulté.

Puis je rigole comme un demeuré, et à l'expression d'Haru, ce n'est pas ce qu'il y a de plus rassurant.

— Cette journée me rend dingue.

Il se place à côté de moi sans un mot. Sa main glisse de ma nuque vers ma joue, et d'une pression, il cale ma tête contre son épaule quand je me sens sombrer d'épuisement.

Oops, my badOù les histoires vivent. Découvrez maintenant