L'ombre du corbeau

Chapitre 16

J'ai l'impression que tout s'est passé en une fraction de seconde. Les hommes, la bagarre, la droite dont ma pommette et mon œil se souviennent encore, Théo... Qu'est-ce qui est arrivé à mon petit ami ? Des larmes roulent sur mes joues, j'ignore où ces types m'emmènent, mais je sais que je n'en sortirai pas indemne. Je sais que je suis dans le coffre de la voiture des Colombiens qui étaient venus au bar. Je ne vois rien du tout et l'espace est plus que restreint, mais si je baisse les bras, je suis morte...

Je sèche mes larmes du revers de mes mains et aux perles salées se mêlent un liquide poisseux et chaud. Ma pommette doit saigner, ça expliquerait pourquoi j'ai aussi mal. Pourquoi, je ne me suis pas inscrite à ces cours d'auto-défense dont je parle depuis que l'autre tache m'avait agressé. Bon, je doute que ça aurait changé grand-chose, mais quand même. À tâtons, je cherche tout ce qui pourrait me servir comme arme. Mes doigts butent contre un truc long et dur, ce doit être le démonte pneu. Je l'attrape et le serre contre moi.

Je tremble de tout mon être, mais l'adrénaline pulse aussi dans mes veines, alors que ça fait déjà un moment que nous roulons. Depuis que ces types nous sont tombés dessus, mon instinct de survie a pris le dessus. La voiture décélère et je tente de forcer le coffre pour sauter, mais il ne bouge pas, j'ai plus qu'à attendre qu'on l'ouvre de l'extérieur...

La voiture s'arrête et j'entends le bruit de déverrouillage, mes mains se resserrent autour du démonte pneu. On doit être dans un garage parce que la lumière m'aveugle une seconde. Alors que mes rétines me brulent, je frappe le premier que je vois. La tige en métal s'écrase si fort sur sa tête qu'une sensation de vibration remonte de mon poignet jusqu'à mon épaule. Je ne réfléchis pas et bondis du coffre alors que l'homme gémit.

Colombien : Sale pute, tu vas le payer !

Je m'élance, mais je ne vais pas loin, puisqu'on me saisit par le poignet et m'envoie une nouvelle droite en pleine tête. J'atterris contre le torse puissant de celui qui avait joué les grands hommes au bar. C'est le boss, pas de doute là-dessus.

Boss : Tsss, Tsss, ne nous force pas à t'abimer plus que nécessaire.

Moi : Laissez-moi partir !

Je tente de le frapper, mais on me ceinture tandis qu'un autre homme m'attache les mains avec un collier de serrage. Je hurle et me débats, mais tout ce que je récolte, c'est un coup dans l'estomac qui me coupe la respiration.

Boss : Enfermez-la, on s'occupera d'elle plus tard, il faut soigner Rico. Elle l'a pas loupé. Et envoyez des hommes pour récupérer les restes de son petit ami.

Un des molosses me jette sur son épaule. Je crie de plus belle et tente de lui mettre des coups de pied. Tout ce que je récolte, c'est un gros coup sur la tête et c'est le noir complet.

Point de vue de Théo :

Il me faut quelques minutes pour trouver la force de remonter sur la route. La bagarre m'a bien amoché et mon roulé-boulé entre les arbres n'a rien arrangé. Mais c'est pas pour moi que je m'inquiète, c'est pour Mary. Ces connards l'ont emmené et qui sait ce qu'ils vont lui faire ! Tout ça, c'est de ma faute ! Au sol, je vois le sac à main de ma petite amie et une de ses chaussures... Je la ramasse avec la peur que ce soit la dernière chose qui me reste d'elle. Non, s'ils avaient voulu la tuer, c'est son corps que j'aurais vu étendu sur le bitume.

J'attrape aussi le sac à ma main de Mary et fouille dedans. Je prends son portable et ses clefs de voiture. J'active l'écran du téléphone et il y a un code, bordel de merde. J'ai pas une seconde à perdre et saute dans la voiture. Je démarre et là, je vois que son portable s'est connecté en Bluetooth, merci la technologie. Grâce au menu tactile de sa voiture, je sélectionne le contact de Davis et lance l'appel. Je regarde l'heure, 1H12, putain, en fait, je suis resté presque une heure dans le ravin. Les sonneries résonnent et je perds patience.