Chapitre 56

46 6 0
                                    

Pour éviter que Théo me suive ou m'assurer une longueur d'avance du moins, j'attrape ses clefs d'appart et de voiture sur la console de l'entrée. Je claque la porte et la verrouille en laissant les clefs dessus à l'extérieur. Puis je dévale l'escalier et saute dans sa voiture pour rentrer chez moi.

Je traverse les rues de la ville à vive allures. J'ai toujours aimé Minneapolis. Je m'y sentais chez moi, mais étrangement là, je me demande si c'est encore le cas. Ne devrais-je pas prendre mes distances avec tout ce qui fait ma vie ? Je crois que j'ai besoin de me retrouver moi-même pour savoir ce que je veux faire et si mon existence doit se poursuivre ici et avec... Théo.

Une fois chez moi, ma décision est prise, je vais prendre le large quelque temps. De toute façon, je ne peux pas reprendre le boulot tout de suite. J'attrape ma valise dans le placard et entasse presque tous mes vêtements dedans. J'attrape ensuite un calepin ou je note le numéro de Jamie, de mon oncle, de Suzy et je note même celui avec lequel mon père m'a écrit. Puis je pose mon portable qui ne cesse de sonner sur mon lit. J'ignore si Théo serait capable de tracer mon portable pour me retrouver, mais je préfère le laisser là.

Mon petit ami a bien trop de pouvoir sur moi. Mes sentiments pour lui prennent toujours le pas sur ma colère et ma rancune, mais cette fois, je refuse que ça se passe comme ça. Ce simple mensonge a fait remonter tout à la surface. Notre relation n'est pas saine et je doute qu'elle le soit un jour. Il est temps pour moi de décider une bonne fois pour toutes si je suis capable de supporter tout ce qu'implique mon couple avec lui. Chose impossible dans la même ville que lui.

Mon énorme valise et mon sac en main, je laisse les clefs de la voiture de Théo sur le comptoir de ma cuisine. J'attrape les miennes et sors de mon appartement sans un regard en arrière. Je sais que j'ai besoin de faire ça. Pour moi et pour ma santé mentale. En quittant la ville, je retire le maximum autorisé par ma carte de crédit. Tout comme mon portable, je ne veux pas pouvoir être pisté. Je n'oublie pas que les Crow ont le bras long. Allez, dans un peu plus de cinq heures, j'aurais passé la frontière canadienne. J'ai toujours eu envie d'y aller.


Point de vue de Théo :

Bordel de merde ! J'ai foiré sur toute la ligne ! Je pensais la préserver avec mes mensonges. J'aurais dû me douter que sa mémoire ne tarderait pas à revenir. Mary est l'esprit le plus combatif que je connais, même si elle-même doute parfois de sa force. Elle est aussi très intelligente, m'enfermer chez moi depuis l'extérieur et prendre ma voiture... La plupart des gens seraient juste partis en claquant la porte, non, elle, elle a pensé à la façon de m'empêcher de la suivre.

Manque de bol pour elle, je suis tenace. Je ferais tout pour qu'elle me pardonne encore cette fois. Une petite voix dans ma tête me dit que je devrais la laisser partir, qu'elle en a assez bavé à cause de moi. C'est vrai, mais je ne peux pas. On dit que le véritable amour, c'est faire passer le bonheur de l'autre avant le sien, mais égoïstement, je n'y arrive pas. Nous sommes faits l'un pour l'autre, c'est une évidence. Je sais que sans elle, il manquera toujours quelque chose à ma vie et je suis certain qu'elle ressent la même chose, sinon, pourquoi elle aurait autant supportée. Mais elle a trop pris, me hurle ma conscience.

Mais revenons à l'instant présent, puisque je ne peux pas passer par ma porte d'entrée, j'emprunte l'escalier d'incendie sur le côté du bâtiment. Une fois en bas, je cours dans la rue et interpelant le premier taxi qui passe. Arrivé devant chez Mary, j'ai pas la patience d'attendre l'ascenseur et monte les marches deux à deux. J'attrape le double qu'elle m'avait donné et entre. Son appart est plongé dans le silence. Une chose est sûre, elle est venue, ma voiture est devant et les clefs sont sur le comptoir de sa cuisine américaine.

L'ombre du corbeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant