5 - Amaël.

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Jeudi 6 Juillet 2023.

Je devrais me sentir honoré, super heureux, je vais passer la journée avec Zaven. J'ai déjà préparé mon sac contenant des médicaments pour Abby au cas où l'épisode de dimanche se reproduise, ainsi que l'un de mes carnets au cas où l'envie de dessiner me prenne. Je ne dessine pratiquement que ma chienne, en ce moment. Je cherche à me créer de jolis souvenirs d'elle. Le plus triste, c'est que ça me permet vraiment de m'améliorer, de la dessiner autant.

Cela fait presque six jours que nous sommes ici, et je dois admettre que ce n'est pas si terrible que ça. Je passe mon temps seul au gîte alors que mes parents ont déjà commencé à tout visiter. Moi, je sors le matin et le soir pour sortir Abby quelques minutes, puis je retourne dans ma chambre. Et je passe une bonne partie de la nuit à dessiner au clair de la lune, sous le velux dans un des coins de la pièce.

J'ai été tenté de dessiner Zaven, je l'avoue. Mais je ne l'ai pas encore assez vu - observé fixement - pour avoir assez de matière à le dessiner. Je ne voudrais pas mal le reproduire, son apparence mérite un dessin absolument parfait, pas un croquis ni un vulgaire brouillon. J'aimerais reproduire à l'exactitude les traits si fins et magnifiques de son visage, ses cheveux qui semblent si soyeux, son regard qui paraissait me sonder, quelques jours plus tôt. Bon, je l'admets, j'ai commencé à dessiner sa bouche. Oui, sa bouche, ses lèvres, son sourire. Purée.

Je gratouille machinalement la tête d'Abby en me maudissant. Après les vacances, je vais sans doute ne jamais revoir ce garçon, et il faut que ce soit vers lui que toutes mes pensées se dirigent depuis dimanche. Pendant les trois années de lycée où je parlais seulement à des gens de mon cours d'art, j'ai eu tout le loisir de contempler les garçons intéressants de l'établissement, mais jamais aucun...jamais aucun ne m'a marqué de la sorte. Et ça me fait peur. Dans mon lycée, il y avait des garçons absolument magnifiques, avec un sourire parfait et le corps qui était à la hauteur du sourire, je n'ai pas honte de me l'avouer. Mais je n'ai jamais eu l'envie presque viscérale de les dessiner, de rajouter ma signature sur la même page.

Ça me terrifie, tout compte fait. C'est beaucoup trop rapide. Je ne peux pas m'enticher de celui que je ne vais sûrement jamais revoir une fois l'été passé ? En plus, il a l'air parfaitement hétéro.

Je soupire en roulant sur le côté pour coller mon dos au mur, profitant de la fraîcheur de ce dernier. Il faut que je dorme, maintenant. J'ai déjà passé une trop grande partie de la nuit à reproduire le portrait de ma chienne sur une grande toile que j'ai acheté exprès pour ça, je vais être épuisé, demain. Je pourrais même dire aujourd'hui, étant donné qu'il est quatre heures du matin et qu'il fait déjà un peu moins nuit.

J'offre une dernière caresse à Abby avant de fermer les yeux, pris d'une soudaine fatigue qui me donne brusquement mal à la tête.

***

Lorsque j'ouvre les yeux, il est onze heures passées. Abby dort paisiblement, je me redresse pour embrasser tendrement le haut de sa tête. Je m'habille en vitesse, regarde si la respiration de ma chienne est normale puis je descends tranquillement à la cuisine pour prendre mon petit-déjeuner. Maman et papa ont acheté de la brioche, hier, ce serait dommage de s'en priver.

Ils ne sont même pas là. Sur la table, il y a un petit mot :

"On part faire une randonnée et on devrait rentrer ce soir, tu n'as pas oublié ? Il y a 20€ sous le papier, puisque tu sors aujourd'hui. Sois sage, ne te perds pas !

Papa et Maman :)"

Je récupère l'argent effectivement présent sous le mot et extirpe mon téléphone de ma poche afin de leur envoyer un message pour les remercier d'avoir pensé à moi. Zaven est censé venir me chercher à treize heures, accompagné de son petit frère, qui d'après ses dires, le suit déjà partout.

Last NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant