49 - Amaël.

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Jeudi 7 Septembre 2023.

Il est une heure du matin. Mon réveil sonne à quatre heures trente, et je pars à six heures. Mon alarme sonne dans trois heures et demi, je pars dans cinq heures. Et je ne veux pas. Je suis mort de trouille, la peur me comprime la poitrine au point de me couper l'air et de me laisser en apnée.

L'angoisse crée tant de scénarios au creux de mon cerveau. Le problème de ces scénarios, c'est qu'ils finissent tous mal. Rien ne va, et mon cerveau est si puissant qu'il arrive à me persuader que ce que je m'imagine est la réalité.

Quand j'étais petit, j'ai eu un accident de voiture avec mon père. Rien de très grave, heureusement, mais cet incident me revient en mémoire, mêlant ce souvenir à mes angoisses déjà présentes. Je ne tremble pas souvent, quand je stresse, mais aujourd'hui, c'est le cas. Je tremble de tout mon corps, allongé sur le dos, les yeux grands ouverts pour admirer l'obscurité.

Une sensation de froid m'envahit. Pas de la fraîcheur, loin de là : le froid est si intense qu'il me glace le sang, je claque des dents, mes poils se dressent sur mes avant-bras. Je suis littéralement congelé.

La petite lumière de la table de chevet s'allume après que Zaven se soit redressé. Je tourne la tête vers lui, il ne me regarde pas encore. Je tremble toujours, mais je n'ose pas bouger plus.

Tu vas encore le déranger avec tes problèmes ridicules.

Sauf que quand son regard se pose enfin sur moi, je fonds tout simplement en larmes. Il écarte les bras, m'invitant à me réfugier contre lui, et c'est ce que je fais. Comme d'habitude, il glisse sa main dans mes cheveux qui sont probablement emmêlés, ses lèvres se posent sur mon front.

Mais ce qui n'est pas comme d'habitude, ce sont ses mots.

Parle-moi, mon ange. Livre moi tes angoisses, et laisse moi te rassurer pour chacune d'entre elles.

C'est ridicule, soufflé-je. C'est seulement de la panique, et je me fais des films.

Mon amour, je t'en prie. Laisse-moi essayer de te rassurer.

Mon amour...

Il s'en fiche que ma voix tremble, chevrote, que je fasse des pauses dans mes phrases parce que je pleure trop.

J'ai peur d'avoir un accident de voiture en rentrant chez moi. Ou que tu fasses un accident en venant à l'appartement et que tu meures avant que je puisse te dire au-revoir.

Je me tais. Premier scénario causé par mon anxiété, révélé. J'ai tellement peur que nous ne puissions pas nous revoir une fois que je serai parti, et cette angoisse-là me bouffe de l'intérieur. Je ne veux pas être séparé de Zaven.

Il y a très peu de chances que ça arrive. Je sais que tu le sais et que c'est ton anxiété qui te souffle ça, mais je ne sais pas vraiment quoi dire d'autre. Continue, allège ton coeur, murmure-t-il contre mes cheveux.

Je prends une grande inspiration tremblante avant d'être à nouveau en capacité de parler.

Et si c'était plus pareil sans l'ambiance des vacances ? Que tu réalisais que tu ne m'aimes pas vraiment ?

Ma voix vacille, part presque dans les aigus. Je me tais à nouveau, alors que j'ai encore plein d'angoisses à dévoiler au clair de lune.

Je suis amoureux de toi, Amaël. Et crois moi, ça ne risque pas de changer.

Quelques longues secondes s'écoulent, un hibou hulule au fin fond de la nuit.

Il est encore plus ridicule que les autres, celui-là, chuchoté-je.

Dis-moi quand même, mon ange. Je ne te jugerai jamais, c'est promis. Je veux t'aider.

J'en ai la tête qui tourne. Je ne comprends toujours pas comment tant de perfection peut venir d'une seule personne, et que cette personne soit amoureuse de moi. La présence de Zaven est le plus beau cadeau que j'aurais pu avoir.

Cela m'a traversé l'esprit que t'aurais pu me mentir et ne pas être admis...Et que dès que je serais parti, tu m'aurais bloqué, pour ne pas me blesser pendant que j'étais face à toi. Pardon, c'est vraiment débile, je sais que c'est n'importe quoi.

Je n'aurais pas dû lui confier ça. Il va le prendre personnellement et m'en vouloir, c'est sûr et certain.

Regarde-moi, réclame-t-il d'une voix douce.

Je m'exécute, de nouvelles larmes dévalent mes joues sous la panique. Je serre tellement son tee-shirt que les jointures de mes doigts deviennent blanches comme de la neige.

Je te promets que je t'aime. Je te promets que je suis accepté. Je te promets que l'on va vivre ensemble. Je te promets que vacances ou non, je t'aimerai toujours. Tu rends ma vie meilleure, Amaël. Ça me fait mal de ne pas réussir à t'aider autant que tu le mérites, vraiment.

Ses yeux sont maintenant brillants de larmes. Je panique, je me redresse et ses lèvres s'écrasent contre les miennes. Nos larmes se rejoignent dans notre baiser, mes peurs se mêlent à ses douleurs, et elles s'amenuisent doucement au fur et à mesure que nos lèvres se meuvent ensemble. C'est un baiser chaotique, douloureux, mais qui fait tellement de bien. Si bien que quand nous finissons par y mettre fin, nous pleurons encore, mais dans mon cas, c'est de soulagement.

Je pose mes deux mains sur ses joues pour essuyer les larmes que je ne supporte pas de voir sur lui.

Pleure pas, ça me fait mal...balbutié-je, complètement retourné.

Embrasse-moi encore, me supplie-t-il. J'ai besoin de toi, Amaël...

Mes lèvres retrouvent les siennes presque dans l'instant. Moi aussi, j'ai besoin de lui.

Ses lèvres sont douces, notre baiser aussi l'est. Mes larmes se tarissent, et puisque mes mains sont toujours sur les joues de mon amoureux, je sais qu'il ne pleure plus non plus. Heureusement.

Lorsque nos lèvres se quittent à nouveau, il m'offre un pâle sourire que je m'applique à lui rendre.

Tu veux essayer de dormir ? me demande-t-il. Sinon, on pourrait aller se promener. On peut aller au champ de lavande, j'ai encore envie de t'embrasser là-bas.

J'ai aussi envie de t'embrasser là-bas.

C'est décidé. Nous sortons du lit, enfilons des vêtements qui appartiennent à l'autre, et sortons silencieusement de la maison. Une fois dehors, envahis par l'adrénaline, par la nuit, c'est en courant que nous allons au champ de lavande.

Zaven s'assoit entre deux rangées de fleurs et m'attire dans ses bras, sur ses cuisses. Encore essoufflés, nous nous embrassons au milieu de la lavande, mon amoureux me serre contre lui, et je ne peux pas m'empêcher de sourire.

Je t'aime, souffle-je contre sa bouche.

Je t'aime, répond-t-il avant de m'offrir une dizaine de petits baisers sur les lèvres, que je lui rends tous. 

Last NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant