25 - Amaël.

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Mercredi 2 Août 2023.

Paralysé d'angoisse, je peine à respirer. Ma respiration est rapide, beaucoup trop rapide, au point que mes poumons me font souffrir. Mes larmes sont brûlantes sur ma peau glacée, mais je n'arrive pas à faire le moindre mouvement pour stopper ça. Mon poing est fermement serré sur la couverture, j'ai envie de hurler, mais ma voix aussi est paralysée.

Ce n'est que quand Abby se lève pour se coucher près de mon visage, posant sa truffe froide sur ma joue, que je réussis à respirer normalement. Je décrispe mon poing de la couverture, j'éclate en sanglots douloureux.

Une crise d'angoisse nocturne, ça ne m'était pas arrivé depuis le collège. Je me redresse, les joues brûlantes, n'essayant même plus de retenir mes larmes. Je caresse délicatement Abby, je n'en peux plus de pleurer mais je n'arrive pas à arrêter.

Je t'aime tellement Abby, j'en ai marre...je veux pas que tu partes, sangloté-je misérablement.

Ma chienne me lèche la main, je renifle en essayant de ne pas m'étouffer dans mes sanglots. Mon cœur bat à toute vitesse, je me sens vraiment super mal.

Lorsque je trouve enfin la force d'attraper mon téléphone, je vois qu'il fait presque jour. Il est quatre heures trente du matin, et je sais que je ne vais jamais réussir à me rendormir, pas dans l'état dans lequel je suis maintenant.

Je me lève après avoir embrassé la tête d'Abby et je rejoins la salle de bains. Je prends une douche brûlante, afin de me détendre un peu et de calmer les tremblements de mon corps. Je me dépêche quand même, ne voulant pas rester éloigné d'Abby trop longtemps. Je suis terrifié à l'idée de la perdre, et je commence peu à peu à comprendre que c'est inévitable.

Une part de moi espérait encore un miracle.

Je reviens dans la chambre, enroulé dans une serviette moelleuse, je choisis des habits totalement au hasard et les enfile. Puis, je prends mon sac posé à côté du lit et je descends à la cuisine en silence. Je dépose un mot sur la table pour dire que j'ai besoin d'air et je sors, tout aussi silencieusement.

Le vent frais m'accueille à l'extérieur, je prends une grande inspiration pour remplir mes poumons d'air. Abby gigote pour que je la lâche, je la pose délicatement sur le sol.

Je ne sais pas où je vais passer ma journée, mais ce qui est sûr, c'est que je ne vais pas rentrer au gîte avant un moment. Mon téléphone est chargé entièrement, j'ai mes écouteurs, les médicaments d'Abby, ma batterie externe et mon carnet, je peux passer toute ma journée dehors sans problèmes.

Mes pas me portent jusqu'au parc. Je me laisse tomber sur le banc en baillant, Abby couine pour monter sur le banc. A cinq heures dix du matin, le village est totalement silencieux, hormis les quelques oiseaux qui commencent à piailler dans les arbres.

Je fouille dans mon sac pour sortir la gamelle et la nourriture de ma chienne que je range toujours là et je lui donne à manger. Avant, elle se précipitait toujours sur sa nourriture. Là, il lui faut de longues secondes avant de se décider à manger, et elle ne finit pas sa gamelle.

Mange, s'il te plaît, soufflé-je. Pour moi, mange un peu plus.

Je sais qu'elle ne comprend pas le quart de ce que je lui dis, mais j'ai besoin de lui parler. De lui parler un maximum avant qu'elle ne soit plus là.

Comme si elle me comprenait, Abby mange quelques bouchées de plus avant de se blottir contre moi. La douleur explose dans ma poitrine pour la deuxième fois aujourd'hui, je déglutis lentement.

Dans la faible lumière du soleil levant, je mets mes écouteurs et je commence à dessiner à partir de la photo que Zaven m'a envoyé de lui.

Lorsque je relève la tête de mon carnet, deux heures plus tard, je retire mes écouteurs. Il y a maintenant bien plus de bruit dehors, et il fait jour. J'ai deux appels manqués de mes parents, et un appel manqué de Zaven. Je ne réponds pas aux premiers et je rappelle Zaven.

Il décroche au bout de seulement deux sonneries.

Tu vas bien ? Ta mère a dit à ma mère que t'étais parti tôt ce matin, et tu réponds à personne...s'inquiète-t-il immédiatement.

Oui, tout va bien, réponds-je d'une voix encore rauque par mes précédents sanglots.

Je me doute bien que tu ne veux voir personne, mais moi, tu voudrais bien me voir ?

Mes parents, je n'ai pas envie de les voir. Ils vont encore me dire que ce n'est qu'un chien et que je pourrai en adopter un autre, sans penser une seconde à ce que je ressens.

Mais Zaven...Oui, je veux bien le voir. Il me soutient toujours, lui.

Amaëlou ? insiste-t-il, comme je ne réponds pas.

Oui. Je...je suis au parc.

J'arrive tout de suite, je ramène le petit-déjeuner. Pas le droit de contester !

Et il raccroche. Un petit rire m'échappe. C'est fascinant de voir à quel point il parvient à ramener un peu de bonne humeur en moi, à faire fuir mes inquiétudes.

Je ne prends pas la peine de remettre mes écouteurs, je referme mon carnet que je range dans mon sac et j'envoie quand même un message à maman pour lui dire que je rentrerai sûrement dans l'après-midi. Elle n'a pas besoin d'en savoir plus pour le moment.

Lorsque Zaven arrive, il tient dans sa main un sachet de la boulangerie contenant des pains au chocolat encore tièdes. Il m'en donne un, je ne le refuse pas. Je sors de mon sac une bouteille d'ice tea.

T'as dormi un peu, cette nuit ? s'enquiert-il doucement.

Pas beaucoup.

Il pose sa main contre ma joue pour me faire tourner la tête vers lui. Je m'exécute, lui montrant mon visage pâle et fatigué, lui montrant les cernes presque violettes qui décorent le dessous de mes yeux.

J'ai un peu la tête qui tourne, avoué-je faiblement.

Mange et bois de l'ice tea, ça ira mieux. Ça te gêne si je bois dans ta bouteille ?

Non, tu peux.

Je mange mon pain au chocolat en silence avant de me laisser aller contre Zaven. Ma joue s'appuie contre son épaule, il passe son bras autour de mes épaules pour me garder contre lui. Je ferme les yeux.

Ils ne comprennent pas que pour moi, Abby n'est pas qu'un simple chien, dis-je lentement. Ils passent leur temps à dire que je pourrai avoir un autre chien, que ce n'est pas grave et que je me mets dans cet état pour rien du tout.

Moi je te comprends, Amaëlou. Promis. Je ne te lâche pas.

Il me serre doucement contre lui et je ne retiens pas un léger sourire.

Merci beaucoup Zaven.

Il se penche pour embrasser mon front. Mon cœur s'emballe, et cette fois, ce n'est pas à cause de l'angoisse. 

Last NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant