Dimanche 23 Juillet 2023.
— Amaël, nous allons au restaurant avec Suzanne et Christophe ce soir, et ils te proposent d'aller manger chez eux avec Zaven et Zéphyr, ça te va ? me demande maman.
Je sais qu'ils ne me proposent pas de manger avec eux à cause d'Abby. Cela ne fait pas longtemps depuis que j'ai appris qu'il ne lui reste plus que quelques semaines à vivre, et mon sommeil est affreux depuis. Je me réveille toutes les trente minutes pour vérifier sa respiration et les battements de son cœur, et j'ai beaucoup de mal à me rendormir après.
Alors je préfère rester complètement éveillé, je dessine, encore et encore. Mes dessins ne sont pas bons du tout, ils sont brouillons et ratés, mais je recommence en boucle. Je ne vais pas très bien, mais j'en suis totalement conscient.
— Oui, ça me va, acquiescé-je.
— Parfait ! s'exclame papa.
Ils n'ont pas l'air d'avoir compris ce qui arrive à ma chienne. Ils se comportent exactement comme d'habitude, ne montrent aucun signe de compassion, continuent de faire des randonnées et des sorties sur la plage en me laissant seul au gîte. Je suis content d'être seul, mais l'angoisse me serre le ventre en permanence. Je ne sais pas si je veux être seul ou qu'il y ai quelqu'un avec moi, c'est compliqué.
J'aimerais juste ne pas être seul à la maison le jour où il faudra l'emmener en urgence chez le vétérinaire.
Je mâchonne ma feuille de salade avec peu d'enthousiasme. J'ai du mal à manger depuis vendredi. Bien sûr, ça, mes parents ne l'ont pas remarqué. Tout ce qu'ils ont trouvé à dire est que "je suis morose".
Évidemment que je suis morose, ma chienne va mourir, ai-je eu envie de leur répliquer.
Mais je ne dis jamais complètement ce que je pense, alors je n'ai pas répondu ça. J'ai simplement haussé les épaules et j'ai fermé la porte de ma chambre sans un mot.
— Tu ne veux pas manger un peu plus ?
— Non maman, je n'ai pas faim.
Elle n'insiste pas, je retiens tant bien que mal un soupir fatigué. Je caresse Abby endormie à mes pieds, termine mon assiette en vitesse.
— Je vais dehors, soufflé-je.
Je me lève, prends Abby dans mes bras et me dirige vers l'entrée. Je mets rapidement mes chaussures, attrape mon sac que j'ai posé là avant le repas et sors du gîte en silence. Je ne sais même pas encore où est-ce que je vais aller, certainement pas sur la plage en tout cas.
Je m'immobilise, prenant une grande inspiration. Je vais aller au parc où Zaven m'a emmené deux fois, il n'y avait personne à son endroit préféré les deux fois où nous y sommes allés. Et il y a des glaces partout, Abby aime bien le lieu...Parfait.
Je me dirige vers le parc. Abby gigote pour que je la pose sur le sol, je m'exécute après quelques longues secondes d'hésitation. J'ai peur pour elle, je suis mort de trouille. J'ai beaucoup de mal à imaginer comment je vais faire pour vivre sans elle. J'ai beaucoup de mal à imaginer comment je vais réussir à tenir le choc. Elle est tout pour moi depuis des années, et elle va bientôt partir sans que je puisse y changer quelque chose.
C'est injuste, profondément injuste.
— Viens là ma belle, installe toi ici, tu seras bien, chuchoté-je en m'asseyant sur le banc.
Abby vient s'installer dans l'herbe devant moi, je m'installe en tailleurs et met l'un de mes écouteurs. Je cherche dans ma playlist une musique que j'ai envie d'écouter, mon choix se porte sur Shoot Me de Day6. J'ai mal au cœur, je regrette d'avoir mangé ce midi.
Je n'ai même plus envie de pleurer. Toutes mes larmes ont coulé lorsque j'étais dans les bras de Zaven, vendredi soir, et mes yeux demeurent désespérément secs depuis. Même si j'avais envie ou besoin de pleurer, je n'y arriverais pas. Une part de moi est bloqué dans un déni affreusement fatiguant, alors que l'autre partie de moi ne fait que de penser au décès d'Abby qui se rapproche de plus en plus.
— Tiens, t'es là toi.
La voix de Zaven me sort brusquement de mes pensées. Je ne l'ai pas revu depuis vendredi.
Il vient s'asseoir à côté de moi. Et il me vole immédiatement l'écouteur qui est libre, je tourne mon téléphone pour lui montrer le titre, comme la dernière fois. Le voir assis à côté de moi me remonte un petit peu le moral.
— T'es tout seul ? osé-je demander.
— Non, Loukas va bientôt arriver. Mais reste avec nous, s'il te plaît, on avait l'intention de rester ici.
— Je vais vous gêner...
— Absolument pas ! s'offusque-t-il, réveillant Abby.
Cette dernière se lève et s'étire pour aller renifler la main de Zaven. Il se penche pour embrasser le haut de sa tête, exactement là où je l'embrasse tout le temps. Une infime part de moi ne peut s'empêcher de rougir à cette constatation idiote.
Même quand je vais mal j'arrive à m'imaginer des trucs à propos de Zaven et moi, c'est bon signe.
Des trucs évidemment inexistants, je me suis vu dans le miroir ce matin, et je me suis dit qu'il y avait de moins en moins de chances qu'il puisse s'intéresser à moi.
— Tu viens chez moi mercredi ? C'est mon anniversaire, il n'y aura que ma mère, mon beau-père, mais ils ne resteront pas avec nous, Loukas et Eléonore, et Zéphyr.
C'est son anniversaire, je ne peux pas refuser. Oh putain, je crush sur un mineur. A l'aide.
— Je serai là, confirmé-je.
Un grand sourire s'affiche sur son visage, il se tourne vers Loukas qui arrive vers nous.
Je me décale vers Zaven pour laisser de la place à Loukas, nos genoux se touchent maintenant. Son ami s'assoit à côté de moi, et je comprends mon erreur : je me retrouve coincé entre eux. Au secours. Ma fin est proche, je le sens.
Sans le vouloir, je me colle un peu plus à Zaven. Et je manque de m'étouffer quand il pose son bras sur mon épaule pour se pencher vers Loukas et lui parler.
Je crois que finalement, j'aime beaucoup quand il est tactile. Personne d'autre, seulement Zaven. Il me plaît vraiment beaucoup, et je me sens bien quand il est proche de moi.
— ...Et toi ?
Je relève la tête vers Loukas qui vient de me parler.
— Je vais nous chercher des glaces, répète-t-il gentiment. Tu veux quel parfum ?
— Oh, euh...Pistache.
Il hoche la tête et se lève, je respire un peu plus librement. C'est un peu stressant d'être coincé entre deux personnes, je me sentais étouffé.
Abby profite de l'absence de Loukas pour essayer de monter sur le banc, je ris en la prenant délicatement dans mes bras. J'embrasse sa tête, me rappelle que Zaven a fait exactement la même chose il y a un quart d'heure et je retiens soigneusement mon rougissement. Ce mec est ma faiblesse depuis le début des vacances.
— Tu tiens le coup ? demande-t-il d'une voix douce. Pardon, c'est une question vraiment maladroite...
— Ça va. Je commence seulement à réaliser que c'est vrai.
Il m'offre un sourire compatissant mais n'ajoute rien car Loukas revient vers nous à grands pas, trois pots de glace dans les mains.
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Last Night
RomanceAmaël a toujours détesté partir en vacances, loin de ses accroches et de ses repères. Plus important encore, il déteste le sable, et sur une plage, il n'y a que ça. C'est pour ces deux raisons qu'il n'est pas vraiment heureux d'aller à la plage avec...