13 - Amaël.

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Vendredi 201 Juillet 2023.

Zaven et moi nous rejoignons devant chez lui, quelques minutes après être partis de la plage. Nous sommes chacun rentrés chez nous - enfin, il est allé chez lui et je suis allé au gîte - pour nous changer avant d'aller récupérer ma chienne chez le vétérinaire. Je n'arrive pas à croire que j'ai accepté de me baigner, mais je dois admettre que c'était plutôt agréable.

C'était agréable parce que Zaven était là, évidemment. Il rend mes vacances tellement agréables, je n'imaginais même pas qu'une telle chose était possible, mais c'est pourtant ce qu'il fait. Il me permet d'accepter plus facilement le fait qu'Abby ne tiendra plus très longtemps.

Moi qui pensais que mon attirance pour lui finirait par disparaître, c'est tout le contraire. Cela s'amplifie de jour en jour, à chaque fois que nous nous voyons, que nous parlons, que je dessine les traits de son visage ou de son corps dans mon carnet...

En résumé, Zaven me plaît de plus en plus. Surtout quand sa main frôle délicatement la mienne comme maintenant, lorsque nous marchons côte à côte pour aller récupérer Abby chez le vétérinaire.

Je sais que je vais avoir de mauvaises nouvelles, c'est de pire en pire à chaque fois que j'y vais, mais ce n'est pas grave. Je sais qu'elle est quand même heureuse la plupart du temps, je sais qu'elle profite du temps qu'elle passe avec moi, et j'en profite tout autant, alors ça me convient. Elle n'est pas immortelle et je commence seulement à le comprendre, mais au moins, j'aurais pu lui offrir la vie qu'elle méritait. Qu'elle mérite encore le temps qu'elle se bat pour vivre.

Tu veux que j'attende dehors ?

Non, reste avec moi. S'il te plaît, ajouté-je timidement quelques secondes plus tard.

Il hoche la tête, et à cet instant, sa main se rapproche si près de la mienne que je crois qu'il va la prendre. Malheureusement je me trompais, il se contente d'effleurer délicatement mon poignet en geste de soutien. Je dis "malheureusement", alors que le moindre de ses contacts me plaît autant qu'il me terrifie, je ne suis toujours pas très tactile.

Nous entrons dans la salle d'attente du cabinet vétérinaire. Je prends une grande inspiration pour réussir à aller parler à la dame de l'accueil, qui heureusement se rappelle de moi. Je n'ai donc pas besoin de trop parler pour le moment.

Je vais la chercher, annonce-t-elle. Mais d'abord, je vais vous faire un constat des examens du jour...

Je me crispe inconsciemment, Zaven se rapproche de moi. Son épaule s'appuie contre la mienne, je relève la tête vers la dame, attendant qu'elle me donne les résultats.

Elle me tend une feuille.

Vous vous en doutez sûrement, monsieur, mais l'état d'Abby ne peut pas s'améliorer. Son moral et son humeur vont bien, mais elle commence à perdre du poids. Vous la nourrissez comme d'habitude ?

Oui, je n'ai rien changé.

Je suis désolée, mais je pense qu'elle n'a plus que deux ou trois semaines à vivre. Votre vétérinaire habituel vous a déjà parlé des démarches à suivre ?

Je secoue silencieusement la tête en signe de négation. Il m'en a parlé, mais je ne m'en rappelle pas bien.

Si elle est prise de spasmes, qu'elle refuse de se nourrir ou de boire, il faudra l'amener ici pour l'euthanasier. Elle sera endormie avant, elle ne sentira rien, et vous pourrez rester avec elle pendant la première piqûre, jusqu'à ce qu'elle dorme.

D'accord, réponds-je d'une voix blanche.

Cette fois, ce n'est pas mon imagination. La main de Zaven se glisse doucement dans la mienne, il serre mes doigts contre les siens. Je ferme brièvement les yeux.

Cette fois, j'ai envie d'être tactile, j'aimerais beaucoup que Zaven me prenne dans ses bras. Mais je n'oserai jamais lui demander une chose pareille, alors je me contente de le laisser tenir doucement ma main pour me rassurer.

Je vais la chercher, conclut la dame de l'accueil, accompagnée d'un sourire compatissant.

L'étreinte de la main de Zaven sur la mienne se renforce, l'envie de pleurer se renforce aussi, mais je me retiens du mieux que je peux. Je ne veux pas pleurer en public. Je tremble, c'est bien suffisant. Je suis tellement reconnaissant envers Zaven d'être là pour moi. De me tenir la main comme il le fait.

La dame revient avec Abby. Elle pose sa caisse sur le comptoir pendant que je paye les nouveaux médicaments et les examens, et la main de Zaven ne quitte pas la mienne.

Ce n'est qu'une fois dans la rue qu'une larme parvient à s'échapper pour rouler lentement sur ma joue. Je l'essuie précipitamment en reniflant, mais c'est trop tard, Zaven l'a remarquée. Il se place en face de moi.

Si t'as besoin de pleurer, on peut aller chez moi. Je suis là pour t'écouter, pour te soutenir, pour rester à côté de toi en silence si tu veux, mais je ne veux pas te laisser pleurer seul, je me sentirais super mal si je faisais ça. Dis moi ce que tu veux qu'on fasse, où est ce que tu veux aller, et on y va.

C-chez toi, il y a des gens ? bégayé-je d'une voix étranglée.

Personne. Tu veux y aller ?

Oui, s'il te plaît...

C'est la deuxième fois en moins d'une heure que les mots "s'il te plaît" sortent de ma bouche. Et c'est à chaque fois pour lui demander à ce qu'il reste avec moi.

Il hoche la tête, nous nous dirigeons vers chez lui. Je retiens mes larmes tant bien que mal, mais c'est assez compliqué. Mon cerveau a dénoué un blocage, m'autorisant à pleurer devant Zaven, et je ne suis pas trop sûr d'apprécier ceci.

A peine entrés dans sa chambre, je laisse enfin Abby sortir de sa caisse. Elle marche faiblement vers moi, la dame de l'accueil m'a dit qu'elle avait eu une dose de médicament et qu'il fallait qu'elle se repose.

Je la serre délicatement dans mes bras alors que mes larmes commencent à dévaler mes joues.

Je sais qu'elle va mourir cet été, j'en suis conscient depuis quelques mois maintenant, mais l'entendre dire si gravement, me parler d'euthanasie, ça m'a vraiment retourné le cœur. Ça me fait mal de l'entendre dire. Ça me fait mal de comprendre qu'elle n'a vraiment plus que deux ou trois semaines à vivre, à passer avec moi. Ça me fait mal de penser que je vais devoir rentrer chez moi sans elle.

Elle s'endort finalement dans mes bras, je me relève pour la poser délicatement sur le lit de Zaven qui m'a déclaré que je pouvais l'y installer, quelques secondes plus tôt.

Il s'approche de moi, essuie doucement mes larmes. Je relève la tête vers lui pour le regarder, un peu honteux de l'apparence que je dois avoir là maintenant.

Je suis là pour toi, répète-t-il avant de me prendre brusquement dans ses bras.

Je ferme les yeux, essayant lamentablement de retenir un sanglot. Pleurer, c'est une chose, sangloter dans les bras du garçon qui me plaît en est une autre.

Merci...balbutié-je d'une petite voix. 

Last NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant