Je me réveillai en sursaut. Mon cœur saignait à nouveau et humidifiait mes joues. Encore ce cauchemar... Cela faisait des années que je ne l'avais pas fait. Avant, il survenait parfois pour me rappeler à l'ordre, mais avec le temps, maman avait disparu de mes rêves.
Je me tournai pour me rouler en boule. J'essayai d'abord d'essuyer mon visage, mais plus je le faisais, plus les larmes coulaient. Je n'arrivai pas à les arrêter. C'était mon âme qui sortait de mon corps, inarrêtable.
J'étais parcourue de soubresauts et je plaquai mes mains sur ma bouche pour camoufler mes sanglots. Pourquoi mon cœur saignait autant ?
Arrête, je t'en prie... Si tu continues, je vais alerter maman. Arrête-toi... Arrête-toi...
Je le suppliai une centaine de fois, mais chaque pensée ne faisait qu'accentuer mes sanglots. Pourquoi ?
Je recouvrai ma tête de la couverture et enfonçai mon visage dans mon oreiller.
Ne pas faire de bruit. Ne pas faire de bruit. Ne pas faire de bruit.
Je devais me calmer...
Il me fallut une dizaine de minutes pour cela. Des larmes inertes continuaient de trancher ma peau, mais au moins, je ne risquais plus d'être entendu.
La vision embrumée, j'allumai mon téléphone pour regarder l'heure. Mon réveil allait sonner dans peu de temps, c'était trop tard pour me rendormir. De toute façon, je n'y serais pas parvenue.
Alors je me levai et préparai mon sac, puis mes vêtements. Je m'étais endormi encore habillée et je n'avais pas mangé. Maman et papa avaient dû se poser des questions, surtout que j'avais verrouillé ma porte.
Les yeux asséchés et brûlant, j'allumai de nouveau mon téléphone. j'avais eu des notifications. Dix appels manqués de maman, deux de papa quinze messages de maman, et dix-neuf de papa.
Et s'ils s'étaient inquiétés et avaient pensé que c'était grave ? Je me tendis quelques secondes, avant de relâcher mes muscles. Non, si c'était le cas, ils auraient appelé quelqu'un pour forcer la porte, voire l'auraient fait eux-mêmes. Ils devaient penser que j'étais épuisé, ou que je les fuyais. Je leur confirmerais la théorie de la fatigue. De toute façon, cela ne les avait jamais dérangés que je mange en décalé ou pas du tout quand j'étais malade ou parce que j'avais pris trop de goûter.
Mince, avec tout cela, je n'avais pas fait mes devoirs... Même si ce n'était que pour une matière grâce à l'avance que j'avais prise, mon professeur de science allait être déçu de moi. Il disait toujours que même si mes notes étaient moyennes, ma motivation et ma volonté de faire de mon mieux étaient le plus important et c'était pour cela que sans participer aux cours, ma note d'implication était à vingt.
J'écoutai le silence un instant, puis m'attablai à mon bureau, sortit mes affaires de mon sac, puis commençai les exercices. Il y en avait pas beaucoup, mais ils me prendrait une vingtaine de minutes chacun. Sauf que je n'avais pas assez de temps... Mais je voulais faire de mon mieux, montrer que même le cœur sous détonation, je travaillais et ne m'en servais pas comme excuse.
***
J'avais réussi à faire deux exercices sur quatre avant de partir au lycée. J'enviai les meilleurs de ma classe qui ne prenait que cinq minutes là où il m'en fallait vingt. Pourtant, ce n'était pas compliqué en soit, je comprenais les cours sans problème. Mais dès que l'exercice était légèrement différent de l'exemple que je maîtrisais, j'avais du mal.
En quittant ma chambre, je n'adressai ni regard, ni mot à maman et papa. Je ne leur laissai pas non plus le temps de le faire, car au lieu d'un petit-déjeuner, je recouvrai deux cookies dans du papier aluminium puis les fourrai dans ma sacoche et sortis.
Le pas pressé, je ne mis que deux minutes à faire le chemin. Pourtant, je n'étais pas en retard, bien que pile dans les temps. Un coup d'œil sur mon téléphone me permit de voir trois messages d'Allissia. Je lui répondis d'une simple lettre. C'était ce qu'elle faisait pour indiquer qu'elle venait tout de même quand elle était en retard.
J'espérais que c'était la dernière fois que je n'arrivais pas avec au moins dix minutes d'avance. C'était trop éprouvant de devoir tant se dépêcher et de ne pas avoir un temps pour se poser avant la première heure.
Chaque pas qui me rapprocha de ma salle de classe accélérait les battements de mon cœur. Et une fois dans la classe, mes mains tremblantes déballaient mes affaires. C'était la première fois depuis le début de l'année que je ne faisais pas mes devoirs, et je détestais cela. Je n'étais pas aussi assidu avant, parce que j'avais assez de facilité pour avoir la moyenne. Mais les professeurs nous avaient tellement mis la pression par rapport au lycée qui serait différent, que nos notes chuteraient. Et avec parcoursup qui pouvait définir mon avenir...
Ainsi, depuis la troisième, j'y passais le double, voire le triple de temps pour mes devoirs et révision afin de m'y habituer. L'année précédente, le niveau était encore facile pour moi et j'avais même pu prendre de l'avance. Et me retrouvais en difficulté à la rentrée en seconde m'avait réellement fait paniquer au point que le temps que tous le mois de septembre et d'octobre était catastrophique ; je sautai des repas à en faire des malaises, j'annulai les soirées du vendredi, je m'avançai pendant les heures d'études, le midi et pendant les pauses.
Si je n'avais pas fait de malaise devant les filles, je ne serais peut-être jamais sorti de cette phobie de ne pas travailler assez. Mais j'avais beau m'être calmée, à cet instant, je ressentais la même angoisse qui se servait de mes entrailles comme terrain de jeu les derniers mois.
Et quand le professeur commença à passer dans les rangs pour vérifier qui avait fait ses devoirs et qui ne les avait pas fait, une boule naquit dans ma gorge, me donnant la nausée.
J'ouvris mon cahier à mes exercices incomplets et baissai la tête, incapable d'affronter le regard déçu de mon professeur. Je triturai mes mains, presque à les griffer et tentai de contrôler ma respiration, alors que toute la chaleur de la pièce s'imprégnait dans ma peau, m'étouffant.
Je sentais la question silencieuse de mon voisin et du professeur. Je fermai mes yeux humides aussi fort que je le pus. Mes mains ne bougeaient plus et mes ongles s'enfonçaient de plus en plus dans ma peau.
— Gwen, viens avec moi dehors, deux minutes, me chuchota mon professeur.
Malgré sa discrétion, je ne passai pas inaperçu lorsque nous quittâmes la salle de classe. Je n'osai toujours pas relever le visage, imaginant des dizaines de scénarios, parfois même irréalistes et exagérés. Appellerait-il mes parents pour un devoir incomplet ?
— Gwen, tu n'as vraiment pas besoin de te mettre dans cet état-là... Lève la tête, tu veux ?
Je demeurais dans la même position de longues secondes avant d'exécuter sa demande. Je le voyais à peine derrière mon rideau de larmes. La honte...
Il hésitait à poser sa main sur mon épaule, mais il devait débattre intérieurement pour savoir si c'était une bonne chose ou non. Il abandonna finalement son idée.
— Il s'est passé quelque chose en particulier pour que tu sois comme ça ou c'est juste parce que tu as peur que je te donne une punition ?
Je détournai le regard. Ces derniers jours, je n'étais plus sûre de rien. Je ne savais rien, ne comprenais pas mes sentiments et mes émotions. Je perdais le contrôle de cette partie qui était en totale roue libre. Alors que devais-je lui répondre dans "il se passe quelque chose" ?
Désolée, monsieur, mais le simple fait de ne pas faire mes devoirs me donnent envie de replonger dans mon état d'esprit du début de l'année, tout en culpabilisant d'avoir cette pensée pour l'inquiétude que ressentiraient mes amies. Désolée monsieur, mais il s'avère que je m'écris des lettres salées et que mes amies les ont découvertes, du coup je me sens super mal, car elles enquêtent sur un harceleur inexistant. Désolée, monsieur, mais mes parents se sont disputés alors que la règle numéro deux dans notre famille est de ne jamais se disputer. Désolée monsieur, mais je suis complètement perdu dans ma vie, je ne sais pas quoi faire. Désolée, monsieur, mais les mots de mon père me hantent et je n'arrive pas à savoir s'il a raison. Désolée monsieur, mais depuis quelques jours, j'ai souvent envie de juste pleurer roulé en boule dans mon lit sans raison. Désolée, monsieur, mais ma chambre est ma safe place et il s'y est passé trop de choses.
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A la lettre
Teen FictionGwen s'écrit des lettres. Des lettres de haine. Des lettres pour la faire culpabiliser. Des lettres que personne ne doit découvrir. Sauf que c'est arrivé.