7. Pressé par le temps

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Plus rapidement que nous ne le pensions, nous arrivâmes à la fin de cet album. Allissia râla dans un long soupir.

— On peut en faire un autre ?

Je tendis le cou pour voir l'heure sur ma montre posée sur le bureau ; 9 h 55.

— On aura pas le temps, vous partez dans cinq minutes.

Allissia fit la moue et se redressa pour m'écraser. Son front apparut dans mon champ de vision et ma chambre disparut derrière sa chevelure rousse qui me chatouillait le nez. Elle s'en rendit compte et m'emprisonna les bras pour continuer.

— Bouge ! Je suis en train de manger tes cheveux !

Allissia éclata de rire en reculant alors que je m'assurai que je n'en avais pas réellement dans la bouche.

La sonnerie du téléphone de Séverilla nous interrompit. Elle se jeta sur son portable pour décrocher, l'air grave.

— Allô ? Maman ? Oui... Oui, je sais... D'accord...

Alors qu'elle parlait, elle arracha son sac du sol pour récupérer ses vêtements.

— Oui, je fais ça... À toute, bisou.

Elle raccrocha et commença à se déshabiller. Je me précipitai à la fenêtre pour fermer les rideaux. Mais quand je me retournai, elle était déjà habillée et fourrait son pyjama dans son sac avec tant de rapidité qu'elle en fit tomber la moitié.

— Je vous laisse, mes parents partent bientôt au travail et je dois passer à Leclerc acheter des sandwichs pour ce midi et j'ai... cinq minutes !

Elle quitta ma chambre d'un pas rapide pour mettre ses chaussures. Nous nous jetâmes un regard perplexe avec les filles. Séverilla habitait à quinze minutes à pied d'ici et le Leclerc était à trente minutes en partant de chez moi. Et ses petites sœurs étaient trop agitées pour aller dans un magasin sans demander à leur acheter plein de bonbons et des jouets.

Je rejoignis Séverilla en courant, alors qu'elle mettait ses chaussures.

— T'auras jamais le temps ! Je vais demander à mon père de te ramener chez toi pour que t'y sois dans les temps, et pour les sandwichs, tu me les envoies par message, j'irai te les chercher et te les ramener.

— Mais c'est ma responsabilité de...

— Chut, tes parents partent bientôt, donc c'est soit ça, soit les gosses resteront seuls pendant au moins une heure.

Séverilla se mordit la lèvre, mais opina, n'ayant pas d'autres choix.

— Merci, sincèrement. Je te revaudrai ça. Je vais te donner l'argent.

— Tu le feras quand je t'amènerai les sandwichs ! la hâtai-je.

J'entrai dans le salon en trombe. Papa, sur le canapé, affichait un air concentré, penché sur son ordinateur. Tellement concentré qu'il n'avait rien entendu alors qu'on était juste à côté.

— Papa ?

Il ne répondit pas, alors je m'approchai de lui pour lui secouer l'épaule. Il sursauta et m'interrogea du regard.

— Tu peux ramener Séverilla chez elle ? Il y a eu un imprévu.

L'hésitation passa dans ses yeux une fraction de seconde, mais il hocha la tête, prit les clés, et rejoignit Séverilla.

— On y va ? Tu as tout ce qu'il te faut ?

— Oui. Merci énormément de m'accompagner, Fergus. Je ne sais pas comment j'aurais fait sans vous ou Gwen.

Elle ramassa son sac, me jeta un dernier regard empli de gratitude, puis ils sortirent.

— Nous aussi on va se préparer, on part bientôt, fit Illyana.

— Oh, oui, c'est vrai... C'est passé trop vite !

J'eus un petit sourire. Chaque semaine, Allissia faisait la même remarque.

Les filles retournèrent dans ma chambre et je les suivis. Moi aussi, je devais sortir, du coup. Je m'assurai que les rideaux étaient toujours en place, et m'habillai dans un silence rompu par les grognements d'Allissia, dans mon placard qui semblait avoir du mal.

— Tu peux prendre mes vêtements si jamais.

Certes, mes jeans bleus, gris et noirs, ainsi que mes t-shirts, pour la plupart uni ainsi qu'en noir dont seule la forme les différenciaient étaient loin du style coloré et féminin d'Allissia, mais elle me faisait tant de peine à s'acharner de la sorte que je me devais d'en faire la proposition. Et puis, je devais bien avoir deux ou trois robes dans mes affaires.

— Non mais ça me va ! C'est juste dur à mettre.

— Le placard doit pas t'aider en plus ! s'esclaffa Illyana.

Je mis mon téléphone dans ma sacoche et, constatant qu'il ne restait à Illyana qu'à attacher ses longs cheveux blonds vénitiens en queue-de-cheval, je sortis de la chambre, bientôt suivis par elle.

— On a fini, tu peux sortir du placard pour te changer tranquillement, on est dans le couloir.

— Merci !

Il y eut un peu de chahut, et je me demandai l'état dans lequel j'allais retrouver mes vêtements, mais après quelques minutes, Allissia ouvrit la porte. J'analysai sa robe à fleurs pour comprendre comment elle avait pu autant galérer. Peut-être les manches trop serrées, ou la ceinture à la taille. Les froufrous avaient dû être compliqués également à cause de l'étroitesse.

— Tu sais qu'elle est déjà en couple ? murmura Illyana près de mon oreille, un sourire malicieux.

— Quoi ?

Je sursautai, le visage en feu, et m'écartai aussitôt. Quelle idée avait bien pu traverser la tête d'Illyana ?

— Je n'étais pas...

— C'est ce qu'on dit !

Je levai les yeux au ciel. Allissia nous jeta un regard intrigué.

— Il se passe quoi ?

— Rien, juste Gwen qui te matais.

Je me crispai aussitôt, les yeux grands ouverts et sourcils froncés, surprise d'entendre Illyana le dire à Allissia, comme si c'était vrai.

— C'est pas vrai ! Je voulais juste comprendre pourquoi ça t'as pris autant de temps !

Allissia éclata d'un rire gêné et je m'en voulus aussitôt. Je jetai un regard plein de reproches vers Illyana qui ouvrit de grands yeux innocents.

— Bon, on y va ? m'empressai-je, toujours sur la défensive.

Calme-toi, Gwen. Ne t'énerve pas contre elle comme ça.

Je n'avais juste pas envie qu'Allissia pense réellement que je la matais et qu'elle devienne embarrassée en ma présence.

— Ça va, je suis désolée, c'était déplacé comme blague... avoua Illyana.

Je lui passai devant pour récupérer mes chaussures, bientôt imitée par les filles. On avait toutes les trois hâtes que cette situation prenne fin.

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant