40. Etoiles dans les yeux

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Je venais à peine de poser mes affaires chez moi qu'Allissia me tira dehors. Je perdis l'équilibre et eu du mal à le retrouver, emportée dans la course de mon amie.

— Allissia ! Ralentis ! On n'a pas de rendez-vous, on est pas pressé !

Elle s'arrêta net et me lâcha, ce qui eut pour effet de m'envoyer m'étaler sur le sol.

— Oh pardon !

Elle accourut vers moi afin de m'aider à me relever. Heureusement que j'étais tombée dans le couloir de l'immeuble et pas dehors, car avec la pluie, je serais pleine de boue. Et même si maman n'était pas particulièrement maniaque, elle n'appréciait pas pour autour que je rentre aussi sale, surtout pour une idiotie de ce genre.

— Tu es difficile à suivre quand tu es énergique comme ça.

— Désolé ! C'est juste que j'ai envie de bien faire pour mon... 

Elle jeta plusieurs regards alentour et cacha sa bouche de sa main, baissant le ton.

— Rendez-vous !

— Tu sais qu'il n'y a aucune chance que Damien soit dans le coin ?

— Il habite pas si loin ! Mieux vaut ne pas prendre de risque !

Oui, pas si loin... Si on considérait que quarante minutes à pied c'était "pas si loin". 

Nous marchâmes jusqu'en ville et entrâmes dans le premier magasin de vêtements. Allissia courait partout, manquant de bousculer les autres clients et les vendeurs. Parfois, quand je sortais avec elle, j'avais l'impression qu'il s'agissait de ma fille, surtout quand je devais lui tenir l'épaule pour l'empêcher de se faire écraser ou de bousculer des gens.

— Tu penses quoi de ça ? Et de ça ? Non, plutôt ça !

Sans me laisser le temps de me montrer la tenue, elle en arracha d'autres avant de foncer en cabine.

A chaque tenue, elle ouvrait la cabine pour demander mon avis, mais il n'était jamais positif. Pas que les vêtements étaient moches ou ne lui allaient pas, cependant, le résultat était soit trop formel, soit trop robe de soirée, soit trop robe de princesse. Toujours trop quelque chose.

Nous dûmes alors faire plusieurs magasins, sans qu'Alissia ne perde son énergie. Plusieurs fois, les vendeurs nous demandaient notre âge, et surtout, si on avait de l'argent, ce qui énervait Allissia qui boudait toujours, accentuant contre sa volonté l'air enfantin qu'elle donnait.

Finalement, nous entrâmes dans une boutique dont le style correspondait à ce qu'Allissia pensait être les vêtements parfaits pour un rendez-vous amoureux. De mon côté, je demeurais dubitative, car elle disait cela à chaque fois depuis une ou deux heures — j'avais arrêté de compter. Néanmoins, les premiers essayages chassèrent mes doutes et m'apporta du soulagement — le shopping n'était vraiment pas mon truc et je me contentais de ce dont j'avais besoin. Comparé à toutes les autres tenues, celles-ci semblaient effectivement parfaites. 

Sauf que le problème qui remplaça le précédent, fut que tout lui allait si bien qu'elle était incapable de choisir et se référa complètement à moi.

— Je sais que tu feras le meilleur choix, je ne t'ai pas demandé pour rien !

— Tu n'avais pas le choix, les filles ont refusé...

— Peut-être ! Mais je te fais confiance pour choisir la meilleure tenue pour mon rendez-vous !

Ces simples mots suffirent à me faire paniquer. J'avais l'impression que c'était moi qui allait avoir un rendez-vous et stressais à l'idée de devoir choisir une tenue.

— Euh... tu peux... tu peux toutes les remettre ? Je vais te prendre en photo dans chacune des tenues.

J'avais dit cela un peu au hasard, en grande partie pressée par la file de personnes qui attendaient que les cabines se libèrent. Allissia s'en contre fichait et aurait accepté de passer une heure à se changer plusieurs fois si je le lui avais demandé. La connaissant, elle devait sûrement penser que son rendez-vous était plus important et que les autres pouvaient toujours aller autre part s'ils étaient pressés.

Allissia s'exécuta donc, plutôt contente de pouvoir prendre des photos dans des tenues super belles. J'espérais qu'elle n'imaginait pas que les photos seraient du niveau de ce que produisait papa, parce qu'elle oubliait ainsi toutes les photos flous que j'avais faites au cours de notre amitié, qui prouvait que je n'avais pas cela dans le sang.

Il me fallut une grande concentration pour ne pas trembler pendant qu'elle posait. Une fois fini, nous prîmes les vêtements et nous éloignâmes des cabines afin de laisser les autres y aller. 

Cela aurait été plus simple de demander conseil à un vendeur, mais cela signifiait devoir lui parler. Alors à défaut d'en avoir le courage, je tournai les pages en boucles, essayant d'en choisir une. Laquelle plairait le plus à Damien ? Je n'avais échangé que quelques phrases avec lui et ne le connaissais que grâce à toutes les fois où Allissia nous en parlait. Ce n'était donc pas évident de choisir la tenue qui lui taperait le plus dans l'œil.

D'un côté, Allissia était très jolie quoi qu'elle portait, et dans un futur tout de même assez lointain, j'imaginais sans mal Damien la demander en mariage alors que cette dernière était en pyjama, tout en la trouvant absolument parfaite. Il était du genre très niais, mais c'était adorable de le voir avec tout cet amour dans les yeux quand il la regardait ou parlait d'elle.

Alors je devais choisir la meilleure tenue !

Est-ce que la robe fleurie était la mieux, étant donné que c'était le style qu'elle portait souvent ? Ou bien cela ressemblerait trop à un jour comme un autre ?

Mais la toute blanche avec des nœuds était plutôt simple à côté de ce qu'elle portait et apportait trop de différence.

Finalement, celle qui me paraissait la plus adaptée était une robe dont le haut était recouvert de dentelle à motif florale, avec une ceinture en forme de rose qui avec des trous, seules les branches des contours de la rose les reliaient, ainsi qu'une jupe rose dont le devant était un peu plus court que le derrière.

— Tu penses quoi de celle-là ?

Je montrais la photo à Allissia qui sautilla sur place en tapant des mains.

— Je l'adore ! J'ai toujours voulu avoir une robe dans ce style mais je voulais attendre une occasion spéciale, donc j'en avais jamais acheté.

Venais-je donc réellement de passer dix minutes à débattre intérieurement pour un choix déjà fait ?

Allissia me le confirma quand elle se débarrassa des deux autres robes sans regrets et trottina jusqu'à la caisse.

— C'est une tenue adorable pour votre petite sœur, fit la caissière avec un grand sourire.

Je riais dans ma tête alors que le visage d'Allissia devint rouge.

— On a le même âge ! Et on est au lycée en plus !

La caissière ouvrit de grands yeux avant de se confondre en excuse et ne reparla que pour nous donner le prix qu'Allissia paya en lui jetant le billet à la figure.

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant