4. Lettre risquée

13 1 0
                                    

Je ne cessai de me tourner et me retourner dans mon lit, incapable de dormir. Les ronflements d'Allissia et les respirations calmes des deux autres m'indiquaient qu'elles avaient déjà rejoint Morphée.


Je soupirai en cognant ma tête contre l'oreiller pour la centième fois. Mon cœur sur le point d'exploser, je savais qu'il n'y avait qu'une seule chose qui pouvait me soulager. Cependant... c'était beaucoup trop risqué. Non seulement, je n'écrivais jamais de lettres avec les filles dans les parages, mais maintenant, qu'elles étaient au courant, je pouvais encore moins me le permettre. Sauf que je n'en pouvais plus. J'avais besoin d'écrire.

Et puis, elles dormaient profondément...

Après de longues minutes d'hésitation, je me décidai finalement à me lever. Sur la pointe des pieds, je tentai de ne marcher sur rien, ce qui était d'autant plus difficile dans la pénombre. Heureusement que les volets laissaient passer des filets de lumière des lampadaires près de ma fenêtre, ainsi que la faible lueur de la lune. 

Je m'assurai une dernière fois que je ne risquai pas de me faire surprendre, et ouvris mon placard. Un léger grincement accompagna le mouvement et je me figeai, sans oser jeter un regard derrière moi afin de vérifier qu'elles n'avaient pas entendu. Cependant, leur respiration demeurait semblable alors je me détendis. Je décalai une pile de vêtements pour dévoiler un tiroir caché. Heureusement qu'il y avait un code. Le seul problème était que la cachette n'était pas très grande. La raison pour laquelle j'avais bougé les lettres. 

En ce jour, je n'y mettais que mon journal intime que j'utilisai après une remontée d'inspiration, disant toujours que, cette fois-ci, je tiendrais. Mais à chaque fois, son utilisation s'espaçait de plus en plus, jusqu'à ne plus écrire dedans du tout pendant plusieurs mois. Et avec, mon papier à lettre. Mon préféré. Jaune pâle, il était orné d'un cadre doré, comme des branches qui se torsadaient à chaque coin.

J'entrai mon code ; 0703, la date de mon anniversaire. Il était vrai que ce n'était pas le meilleur code quand on veut cacher quelque chose, mais je n'avais toujours pas trouvé comment le réinitialiser.

Après un nouveau coup d'œil furtif vers les filles, le cœur battant la chamade, je récupérai une feuille, refermai le tiroir, pris un stylo sur mon bureau, puis me cachai dans les toilettes. Je fermai la cuvette pour m'en servir d'appui et m'assis par terre. Après une grande inspiration, je laissai mon cœur exploser.

Quand est-ce que tu vas arrêter de tout gâcher ? C'est pas comme ça que tes parents t'ont éduqués.

La meilleure cachette que t'as trouvé pour les lettres, c'est quoi ? Un endroit bien en vue, pour que n'importe qui puisse les lire. Bravo, très intelligent. Maintenant, tes amies s'inquiètent et vont enquêter sur cette mystérieuse personne. Tu sais pourtant que c'est inutile.

Le pire, c'est que tu rejettes la faute sur elle. "Pourquoi elles insistent ? Pourquoi elles n'abandonnent pas ?" Mais pourquoi à la place, tu ne te demandes pas "Pourquoi je suis une aussi mauvaise amie ? Pourquoi je les pousse à s'inquiéter pour moi ? Pourquoi suis-je aussi égoïste ?"

C'est mieux, tu ne trouves pas ?

Alors va mieux cacher les lettres, fais en sorte qu'elles ne découvrent pas les autres, et fais les abandonner leur enquête.

Ah, et tant qu'à faire, ne t'avise pas de demander quoi que ce soit juste parce que tu t'es blessée, oin, oin...

La respiration tremblante, je me redressai avec précaution, les muscles encore un peu tendus. Une unique larme naquit au coin de mes yeux, sans couler, mais je me sentais mieux. Beaucoup mieux. Parce que maintenant, je savais quoi faire.

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant