21. Quelques textes

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Les vacances de Noël venaient de se terminer et nous reprenions en janvier. Pourtant, je ne me sentais pas si reposée que cela. Mentalement, bien que je n'arrivais toujours pas à dire comment j'allais, je pouvais au moins dire que je n'avais pas écrit de lettre durant ce temps. Mais cela ne suffisait pas pour dire que c'était la grande forme.

En revanche, j'avais écrit une nouvelle au moins tous les trois jours. Je prenais plaisir à tester tous les genres et points de vue, regarder des vidéos conseils sur YouTube. J'avais également participé à deux ateliers ; un sur les scènes de combats et un sur une scène érotique. Le deuxième était vraiment embarrassant et il m'avait fallu du temps pour trouver un style qui me permettait d'être assez subtile. 

Non pas que l'acte me gênait en lui-même, ce qui n'était pas le cas du fait d'être lu. Non seulement, c'était l'une des premières fois que je montrais un texte à une personne autre que Séverilla, d'autant plus que j'étais débutante, mais en rajoutant de l'érotisme, j'avais l'impression qu'on rentrait dans mon intimité.

Surtout que, afin d'être plus inspiré et d'avoir envie d'écrire ce type de scène, j'y avais retranscrit mes fantasmes, ce qui me donnait envie de disparaître de la surface de la terre lorsque la streameuse lisait mon texte et le commentait en direct avec professionnalisme.

Je n'avais pas partagé ce texte à Séverilla et cela n'arriverait jamais.

Je ne savais toujours pas ce que je prévoyais de faire de cette passion grandissante ; si je n'écrirai que des nouvelles, si un jour, j'écrirais un roman, si je comptais partager mes textes avec d'autres personnes que Séverilla — hors atelier — que j'avais littéralement exploité durant ces deux semaines pour avoir son avis. Mais je ne me posais pas trop de questions ; c'était sûrement le mieux, j'avais peur de me mettre la pression alors que je débutais.

Cette bulle que je créais me permettait de voyager et d'oublier, l'espace d'un temps indéfini, la tension du début et de la fin des vacances. Le reste, la famille "parfaite" renaissait de ses cendres.

Je retrouvai Séverilla, assise sur le coin d'un escalier, écrivant sur son téléphone. J'hésitai presque à me rajouter, appréhendant de la déranger, mais je finis par m'asseoir à ses côtés. Un petit coup d'œil sur son téléphone — qui me donna envie de me frapper pour mon indiscrétion — me fit comprendre qu'elle écrivait un poème.

Elle finit par lever les yeux vers moi et je me redressai dans un geste des plus suspects, dans l'espoir malgré tout qu'elle ne comprenne pas que j'étais en train de regarder son téléphone.

— Salut, tu as passé de bonnes vacances ? Tu as écrit quelque chose de nouveau que tu ne m'as pas envoyé ?

— Non, mais ça ne saurait tarder. Par contre, j'étais en train de penser, sans raison particulière, vraiment, c'est un pur hasard que j'y pense maintenant, mais tu nous fais rarement lire tes poèmes, j'ai l'impression. Ou alors tu n'en écris pas beaucoup ?

Séverilla resta figée un moment durant lequel je tentai de décrypter ses émotions. Venais-je d'entrer sur un terrain sensible ? 

— Je ne suis clairement pas aussi régulière que toi vu que j'écris surtout quand j'ai quelque chose à raconter, donc c'est assez personnel. Et certains sont plutôt niais, donc je n'ai pas envie de les faire lire. Peut-être un jour, mais pour le moment, ce serait comme si je vous donnais mon journal intime.

— Pas de problème, je me posais juste la question. 

Après tout, moi aussi, je cachais beaucoup de mes écrits. Je ne savais pas si ce qu'elle écrivait était négatif, ou juste gênant à montrer, mais dans tous les cas, je pouvais la comprendre. Cela avait quelque chose de plutôt rassurant de se dire qu'au final, je n'étais pas la seule à garder mon jardin secret de fleurs fanées.

Allissia et Illyana arrivèrent en même temps, après être passées aux casiers. Comme à son habitude, Allissia me sauta dessus et je me retrouvais à manquer de manger sa chevelure rousse qui, bien que très belle, ne me donnait pas envie d'en avoir dans la bouche ou dans les yeux. 

— Franchement, vu comment tu l'étouffes, tu dois assassiner ton copain dès que tu le vois ! s'exclama Illyana.

— Peut-être, mais il adore ça !

— On veut pas les détails !

Allissia s'éloigna de moi, l'air interrogatif, puis, le visage entièrement rouge, elle se jeta sur elle pour l'étouffer à son tour. Illyana se débattit comme elle put dans un rire, mais la rousse ne la libéra que lorsqu'elle retira ce qu'elle venait de dire.

Je pouffai de rire devant cette scène. Elles étaient incorrigibles ces deux-là... Mais c'était ce qui faisait leur charme. D'une certaine façon.

***

Nous allâmes au foyer pour nos deux heures d'étude. Allissia avait traîné Illyana le temps que nous nous racontions nos vacances, ne l'autorisant à rejoindre d'autres personnes de la classe qu'après. Elle fit une moue exagérée, mais une certaine fierté l'habitait, à tel point qu'une fois installées, boissons tout justes achetés en mains, elle commença.

— Je suis resté assez vague dessus exprès parce que c'est mieux de parler de ça en vrai ! Vous vous souvenez de mon entraînement dans une autre ville. Bah en fait, nos entraîneurs ont beaucoup parlé ensemble et ils ont contacté d'autres clubs pour un entraînement au régionale, pour donner une condition presque réelle. En rassemblant quelques villes voisines, on s'est retrouvé à quatre, je crois que certaines ont refusé. Mais je ne me suis pas intéressé au nombre de clubs de saut en longueur dans le coin. Je suis très bien dans le mien ! Bref ! Du coup, avec quatre, ça voulait dire qu'on allait avoir deux combats "officiels" et un troisième entre les perdants, parce qu'on s'en fout ! Et devinez combien mon club à fini.

Elle passa un bras derrière le dossier de sa chaise sur laquelle elle se balança légèrement et observa ses ongles, avec un petit sourire en coin.

— Vu ta fierté, on peut difficilement penser que vous n'avez pas été premier.

— Incroyable raisonnement, Gwen ! J'aurais jamais deviné ! Mais c'est ça, ouais. On a tout défoncé ! 

Illyana continua pendant plusieurs minutes à débiter sur son talent et le fait qu'elle était la raison de la réussite de son club. Quand l'euphorie fut passée, elle résuma le reste de ses vacances qui était rempli d'entraînements et de quelques sorties avec ses parents et des personnes de la classe.

Allissia enchaîna ensuite, guillerette.

— J'ai pas fait grand chose de mes vacances à part se balader dans les bibliothèques avec ma mère et des jeux de sociétés avec mon père, avec quelques sorties ciné, mais pour le jour de l'an, les parents de Damien sont partis chez des amis et ils ont acceptés qu'on reste chez eux, du coup on était tous les deux en amoureux et c'était la première fois qu'on passait une fête vraiment rien que tous les deux ! On s'est trop amusé !

— Je ne poserais pas de questions sur votre première nuit ensemble, lança Illyana, un sourire malicieux et plein de sous-entendus.

Allissia s'empourpra et se jeta sur Illyana pour l'étouffer avec ses cheveux, mais cela n'eut pour effet que de la faire rire.

— Et toi, Gwen, comment se sont passées tes vacances ? 

— Euh, je...

Séverilla m'avait prise au dépourvu et avec l'attention qu'elle avait porté sur moi, je me retrouvai comme un enfant qui devait expliquer sa bêtise devant tout le monde. Le discours que j'avais préparé dans ma tête s'envola et les mots m'échappèrent.

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant