— Tu as donné mon adresse à quelqu'un que je connais à peine sans même m'en parler ?
— Oui ? Je vois pas trop où est le problème. Il va pas te cambrioler, hein !
Je n'ajoutai rien. Evidemment qu'elle ne comprenait pas. Elle n'avait aucun mal à inviter quelqu'un chez elle alors qu'elle venait de lui parler deux minutes avant. Pourtant, même si c'était sa façon de vivre, elle aurait pu penser au moins à me demander si cela m'allait. Certes, ce n'était que mon adresse, il n'allait pas se rajouter dans le groupe, mais rien que cela me donnait l'impression qu'il rentrait dans mon intimité, et cela ne me plaisait vraiment pas.
— Gwen ? Tu vas pas faire tout un plat pour ça ?
— Je reviens, je vais aux toilettes.
Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais envie de pleurer. Je ne voulais pas qu'on me voit dans un tel état pour un truc aussi stupide.
L'une des filles m'appela, mais j'étais si peu concentrée que je ne saurais pas dire qui. Je m'engouffrai dans les toilettes et fermai à clé. J'avais juste besoin d'une minute ou deux pour me calmer.
Je me laissai tomber contre la porte et laissai les larmes couler le long de mes joues, faisant de mon mieux pour contrôler ma respiration afin de ne pas être entendue par maman.
Pourquoi réagissai-je ainsi pour cela ? Parce qu'un gars avec qui je n'avais échangé que quelques mots connaissais mon adresse sans que je le veuille, parce que mon amie lui avait donné sans même venir m'en parler et que je n'arrivais même pas à lui expliquer pourquoi cela me dérangeais ?
Arrête de pleurer. Arrête de pleurer. Arrête de pleurer !
Maman... Je me figeai aussitôt et séchai mes larmes. Si je continuais ainsi, elle finirait réellement par m'entendre, et si elle m'entendait, elle ne lèverait pas ma punition.
Je me mouchai le plus silencieusement possible avec du papier toilette et me ventilai les yeux pour les dérougir. Je préparai mon sourire et, quand il fut bien ancré sur mon visage, je sortis des toilettes pour rejoindre les filles.
Illyana allait parler, mais je la coupai.
— Désolée d'avoir réagi comme ça. Il n'y a aucun problème !
Mais au lieu de la rassurer et de pouvoir passer à autre chose, elle parut mal à l'aise de me voir réagir ainsi. Avais-je encore fait quelque chose de mal ?
— Ecoute, les filles m'ont bien fait comprendre le truc. J'ai tendance à oublier que vous vivez pas comme moi. Bref, j'ai réglé le problème. J'ai effacé le message et je lui ai dit que je lui avais envoyé la mauvaise adresse et que c'était mieux qu'on se rejoigne au parc à cinq-dix minutes d'ici.
— Oh... euh... merci.
Je fus assez perturbée par ses mots. Je ne m'attendais pas à ce qu'Allissia et Séverilla défendent mon point de vue de la sorte. Au final, elles faisaient vraiment les choses à ma place.
Et Illyana n'avait pas menti. Lorsqu'elle reçut un message de Bastien lui disant qu'il était presque arrivé, elle partit de la maison et de la fenêtre, je la vis marcher en direction du parc.
Séverilla posa sa main sur la mienne.
— Tu n'as pas à tout accepter parce qu'on est amies. N'ai jamais peur de nous dire si on fait quelque chose qui te dérange. Même si ce n'est pas facile.
Je baissai les yeux. Je pouvais toujours essayé de suivre son conseil, mais même en sachant qu'elles ne le prendraient jamais mal, qu'elles m'écouteraient et diraient qu'effectivement si cela me dérange, elle ne le referait plus, je ne savais pas si j'aurais le courage de dire les choses. Même si j'en avais envie, les mots resteraient sûrement coincés dans ma gorge.
Mais le pire était que je venais de révéler que je comptais encore leur cacher mes sentiments. Et si après cela elles commençaient à penser que j'avais menti au sujet des lettres ? Que je ne faisais que prétendre que c'était du passé ?
— Ouais ! T'as bien vu qu'on mord pas ! approuva Allissia.
Séverilla réfléchit un moment, puis reprit.
— Si c'est plus facile pour toi de l'écrire, tu peux aussi.
Je relevai les yeux vers elle. Elle avait raison. Je n'y avais pas pensé. Mais lorsque les mots ne voulaient pas sortir de ma bouche, ils pouvaient sortir de mes doigts, sur mon téléphone ou sur une feuille. Je hochai alors la tête, avec plus de conviction.
Elles avaient raison. Si je commençais à me sentir mal dans mon groupe d'amies parce qu'elles faisaient quelque chose qui me déplaisait, je perdrais tout le plaisir que me procurait le fait d'avoir des amies.
Après une vingtaine de minutes, alors que c'était presque l'heure de manger le gâteau, Illyana revient. C'était quand même sympa de sa part de non seulement accepter qu'elle avait fait quelque chose de peu convenable, mais de se rattraper de la sorte en donnant un lieu qui lui faisait prendre vingt minutes au total. Elle aurait très bien pu donner une rue à deux minutes d'ici, mais non. Elle avait beau faire des erreurs, elle savait se rattraper.
C'était ce que j'aimais chez elle. Moi, si je me rendais compte que je pouvais faire du mal aux filles, même sans m'en rendre compte, je n'oserais rien dire ou faire et voudrais juste m'enterrer quelque part et ne plus jamais revenir.
— Les filles ! Je vous apporte le gâteau !
Maman entra et, alors que je débarrassai le bureau des quelques trucs qui trainaient, elle déposa une grande assiette dessus. Allissia se lécha les lèvres. Il était vrai que le gâteau avait l'air appétissant !
Maman ne s'attarda pas plus et quitta ma chambre, non sans nous lancer un dernier sourire.
— Allez souffle ! me pressa Allissia.
— Fais un vœux gamine, me lança Illyana.
Je jetai un petit regard à Séverilla qui hocha la tête et fermai les yeux.
J'aimerais... qu'il y ait vraiment quelque chose entre Séverilla et moi...
Cette pensée me fit rougir. C'était vraiment étrange, même si je me contentai de le formuler dans ma tête. Finalement, après ma discussion avec Allissia, je me rendais compte que cela m'avait un peu trop influencée. J'avais envie de presser un peu plus le rythme. J'avais envie de l'embrasser, de lui dire je t'aime, et qu'elle me le dise aussi.
Je crois que... j'aimerais être en couple avec elle...
Je soufflai alors les bougies, le visage chaud, et pas à cause des flammes que je venais d'éteindre.
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A la lettre
Teen FictionGwen s'écrit des lettres. Des lettres de haine. Des lettres pour la faire culpabiliser. Des lettres que personne ne doit découvrir. Sauf que c'est arrivé.