Illyana courait derrière chaque personne de la classe pour afficher sa note de math, supérieure à la moyenne pour une fois, grâce au garçon clairement en crush sur elle. C'était étrange de la voir aussi fière d'elle alors qu'avant, elle s'en fichait complètement.
Certains la pointaient même du doigts, comme s'il s'agissait d'un miracle, ou pour l'observer se donner en spectacle. Illyana feinta de se jeter sur eux pour les égorger, retenue par deux personnes.
Cela dit, bien qu'elle faisait souvent ce type de choses, là, elle paraissait animée par une haine sans nom. Je jetai mon sac sur mon dos et m'apprêtais à la rejoindre pour savoir ce qu'il se passait, mais me stoppai après un coup d'œil vers Séverilla qui demeurait à son bureau, comme figée. Sa main qui tenait sa copie tremblait. Avait-elle eu une mauvaise note ? Ce serait étonnant venant d'elle, elle qui n'avait jamais en dessous de douze. Et lorsque cela arrivait, c'était réellement qu'il y avait un problème avec le contrôle.
Je m'approchai doucement d'elle et posai une main sur son épaule. Elle tressaillit et cacha sa feuille contre sa poitrine par réflexe.
— Tout va bien ?
Elle pinça les lèvres et détourna le regard, rangeant ses affaires avec soin, avant de se lever, puis de se diriger vers la sortie, tête baissée. Je lui emboitai le pas pour attraper son bras. Les filles ne remarqueraient sûrement pas notre absence, vu comme Allissia galérait à arrêter Illyana de courir dans tous les sens, soit pour sa note qu'elle portait comme un trophée, soit pour essayer de tuer des gens.
— Où tu m'emmènes ?
Je ne répondis pas, réfléchissant moi-même à la question. Je cherchai un endroit calme où nous serions seules, et ainsi, tranquille. Un coin entre deux murs de deux salles de classe généralement vide semblait être l'endroit parfait.
— Tu es encore moins subtile que moi.
— Peut-être, mais tu as déjà deviné ce que je veux te demander, ça ne servirait à rien de passer par quatre chemins. Enfin... tu aurais préféré ? me rendis-je compte, peu sûre de mon raisonnement.
Séverilla, le regard fixé sur le sol, posa son sac et s'assit en tailleur ; je l'imitai.
— Je ne t'ai pas fait mal, au moins ? insistai-je.
Un sourire triste se peignit sur ses lèvres et elle secoua doucement la tête. Elle se mordit l'intérieur, de la joue, puis la lèvre, et, après un bref regard vers moi qu'elle quitta aussitôt, comme si je risquais de la rendre aveugle, elle fourra sa main dans son sac afin d'en sortir son contrôle un peu froissé.
Je l'effleurai, sans oser le prendre. 9/20. Les yeux grands ouverts, je clignai plusieurs fois des yeux tout en relisant en boucle, comme si le chiffre allait finir par augmenter. Elle n'avait même pas eu la moyenne... Ce n'était sûrement jamais arrivé depuis que je la connaissais.
— Je... j'ai de plus en plus de mal à m'organiser et... mes notes sont en chute libre depuis quelques semaines. Mes facilités en anglais m'aident et, comme je veux être professeur de français, c'est la matière que je favorise. Donc, quand j'ai peu de temps, je finis par négliger le reste.
— Mais... comment ? Je veux dire, qu'est-ce qui a changé avec le temps ? Tu as toujours eu de bonnes notes.
Elle déglutit et détourna le regard ce qui me fit regretter mes mots. Plus de subtilité aurait été mieux, idiote...
— Thomas a de plus en plus de mal à suivre les cours, même s'il n'est qu'en primaire. Et sa maîtresse le laisse beaucoup de côté parce qu'elle ne veut pas retarder la classe pour un élève. On a déjà essayé de prendre rendez-vous parce qu'on trouve ça inadmissible, mais rien à faire. Du coup, c'est à moi de tout lui réexpliquer quand il rentre et, même s'il comprend déjà mieux avec moi parce que je connais sa manière de faire, il lui faut du temps. Sans compter Line et Lina qui commencent à avoir des devoirs, même si ce n'est presque rien. Mais aussi...
Le regard tremblant, elle amena ses jambes à sa poitrine, comme si cela lui apportait du réconfort. Je posai une main sur son bras et y dessinai des cercles, l'encourageant à continuer.
— Mes parents doivent travailler plus. Tu savais que leur restaurant est au bord de la faillite depuis qu'un autre à ouvert juste en face pendant les grandes vacances ? Ils ont dû renvoyer tous leurs employés, et s'en charger à eux seuls. Donc, quand je termine tôt, je passe les aider, même si c'est juste quinze ou trente minutes.
Elle soupira dans un sanglots. Etonnée par ses propres pleurs, elle chassa ses larmes du revers de la main, avant de cacher sa tête dans ses bras.
Séverilla se crispa une seconde d'abord surprise, puis nicha sa tête dans le creux de mon cou et entoura ses bras autour de moi. A chaque seconde, elle se collait un peu plus contre moi, comme si cela chasserait ses larmes plus vite.
Nous restâmes ainsi pendant toute la durée de la pause, puis à la sonnerie, comme elle l'avait fait avec moi, je sortis un mouchoir de ma sacoche et essuyai ses joues humides.
Nous nous levâmes pour aller en cours, mais j'eus à peine le temps de faire un pas que Séverilla m'attrapa le bras pour m'arrêter. Un sourire ému ornait son visage. Elle était tellement plus belle quand elle souriait...
— Merci...
Elle posa une main sur ma joue et posa ses lèvres sur l'autre. Je frissonnai à ce contact alors qu'une douce chaleur m'envahissait.
***
Séverilla... Je n'arrêtais pas de penser à ce qu'elle m'avait dit. Etant fille unique, je ne savais pas ce que c'était de m'occuper quotidiennement de petit frère ou de petite sœur. Sachant que les parents payeraient sûrement une nounou, car, même s'ils travaillaient beaucoup à la maison, cela restait du travail et ils considéraient cela de la même façon que s'ils étaient salariés dans un bureau.
De ce fait, en dehors des soirées chez Séverilla, je ne le faisais jamais. Et encore, on n'avait pas à s'occuper des devoirs.
Je devais trouver un moyen de l'aider. Même si ce n'était pas beaucoup, si je parvenais à lui alléger ne serait-ce qu'un peu l'esprit, ce serait bien. Mais que pouvais-je faire ? Ce n'était pas comme si je pouvais m'occuper des enfants à sa place.
En fait, si... Et c'était une plutôt bonne idée.
Voilà donc mon idée ! Le lendemain, on terminait à dix sept heures en plus, donc elle allait directement récupérer les enfants. Je lui proposerais de faire nos devoirs ensemble, mais comme j'aurais déjà de l'avance, je terminerai rapidement et pourrais gérer les enfants et leurs devoirs. Je n'étais peut-être pas très douée avec les enfants, mais ceux-là semblaient bien m'aimer et, en ce qui concernait les devoirs, c'était d'un niveau qui ne devrait pas me poser de problèmes.
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A la lettre
Fiksi RemajaGwen s'écrit des lettres. Des lettres de haine. Des lettres pour la faire culpabiliser. Des lettres que personne ne doit découvrir. Sauf que c'est arrivé.