3. Ne pas en parler

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Séverilla survolait les lettres, plaçant celle du dessus en dessous de la pile qu'elle tenait. Le froissement mélodieux des feuilles accompagnait ses gestes précis et méthodiques, comme si elle craignait de laisser ces preuves lui échapper.

Allissia me frottait le dos ; mélange d'une douceur nouvelle et de son énergie débordante qu'elle tentait de me transmettre. Et Illyana, accroupie à côté de Séverilla, me caressait le genou du pouce, d'un contact léger, l'air de ne pas savoir quoi faire.

— C'est horrible ce qui est écrit dans ces lettres... Comment quelqu'un peut autant te détester alors que t'es adorable !

Allissia me serra contre elle, la joue sur mon épaule. Mon nez me piqua et je reniflai aussi silencieusement que possible, en vain. Les larmes menaçaient de se frayer un chemin pour trancher ma peau de ses lames.

Ne pleure pas. Ne pleure pas. Ne pleure pas.

— Tiens.

Un mouchoir apparut dans mon champ de vision. Je reconnus la main de Séverilla grâce à ces nombreuses bagues et bracelets en toc qui lui faisait déjà des tâches bleutées.

— Merci...

Ma voix n'était qu'un souffle. Je m'interdisais de parler plus, car je savais que j'éclaterais en sanglots. 

Je plaquai le tissu froissé contre mon nez et me mouchai, silencieusement, par peur de faire trop de bruit, d'être trop présente, avec l'espoir que ma discrétion effacerait mon existence. Quand je finis, le calme trop bruyant frappa contre mes tympans, et je le remplissais de mes souffles et reniflement qui s'échappaient de moi malgré tous mes efforts pour les contenir.

Je me levai pour jeter le papier usé, toujours collée par les filles, même pour ces quelques mètres, qui tenaient à ne pas me lâcher une fraction de seconde, créant sans cesse un bouclier invisible et une chaleur réconfortante.

— Pourquoi tu ne nous en as pas parlées ? On t'as menacé ? me demanda Séverilla.

Elle posa sa main sur la mienne, ses bracelets chatouillant ma peau, y déposant déjà leurs traces à cause de la moiteur.

Je secouai la tête.

S'il vous plaît, laissez tomber. Ne perdez pas votre temps avec ça...

— Je connais beaucoup de personnes au lycée. En étant maligne, je trouverai facilement qui t'écris, annonça Illyana.

Son expression crispé reflétait sa haine qui grandissait chaque seconde, et sa détermination palpable, qui eut l'effet de deux doigts fins venant pincer mon cœur.

Mais à nouveau, je secouai la tête. Ce n'était pas ce que je voulais, surtout pas. Le désespoir envahit mes yeux, trahissant ma détresse muette. Mes lèvres tremblaient, mais je ne parvenais à faire sortir aucun mot.

— Ne t'en fais pas. Je serais assez discrète pour que cette personne ne se doute de rien. Je te promets de faire mon possible.

Non... Arrêtez, je vous en supplie... Je voulais pas que ça prenne cette tournure...

Je secouai la tête à m'en faire mal au cou, désormais incapable de retenir mes larmes.

Juste oubliez ce que vous avez lu.

Séverilla m'attrapa les joues pour me stopper dans mon mouvement et je fermai les yeux pour ne pas croiser son regard.

— Je te promets que ça va bien se passer... chuchota Séverilla.

Les filles me serrèrent dans leurs bras. Mon cœur ne pouvait plus le supporter, il éclata. Blottis contre elles, mes larmes coulaient contre ma volonté et je fus secouée de spasmes incontrôlables qui m'arrachaient des sanglots. J'essayais au mieux de figer mes larmes, mais mon corps ne m'obéissait plus.

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant