61. Une idée géniale

2 1 0
                                    

D'habitude, c'était Allissia et non Séverilla qui essayait de faire des blagues pour nous faire rire quand quelque chose n'allait pas. La première était pour douée pour cela, mais je saluais l'effort de la deuxième, et tentai de sourire.

Je me sentais tellement mal pour les filles. Et Allissia... entre le divorce de ses parents et l'histoire avec Illyana, elle était dans un état semi léthargique et je devinai que si la veille elle s'était permise de ne pas venir, c'était uniquement parce qu'on avait que sport.

Alors que l'on sortait des cours pour rentrer, je proposai au filles de tarder un peu, ce qu'elles acceptèrent, avec une part d'étonnement. Nous nous installâmes alors sur les marches d'un bâtiment fermé pour être sûr que personne ne nous dérange.

— Allissia... pourquoi tu m'avais demandé des explications sur ma fugue la dernière fois ?

Cette dernière ouvrit de grands yeux, sans comprendre où je voulais en venir. C'était une façon peut-être étrange de vouloir la faire parler d'elle en commençant par parler de moi, et cela m'offrait un sentiment plutôt désagréable. Je ne voulais pas donner l'impression de tout ramener à moi alors que les préoccupations étaient tout autres.

— Et bien... je me suis rendu que personne n'avait pris le temps de te le demander. Et comme j'avais moi même des problèmes avec mes parents, je me suis demandé ce qui t'avait poussé à aller jusque là parce que j'étais inquiète. Ce qui ce passe chez nous à souvent tendance à le rester, alors... voilà...

Ce qui restait chez nous avait tendance à le rester... Cette phrase résonnait étrangement en moi, de part la vérité éclatante qui en dégageait. Je n'avais jamais pris le temps d'y penser, mais les filles aussi cachaient des secrets et les gardaient chez elles. Il était peut-être temps que certaines choses sortent.

— Tu avais tes propres problèmes, et tu as pris le temps de te soucier de ce qui pouvait se passer. Est-ce que ça te tente... d'inverser les rôles ? Je... ne suis pas très douée pour donner des conseils pour aller mieux ou quoi, mais... j'ai l'impression que ça te tracasse vraiment et que, peut-être, ça pourrait te faire du bien d'en parler...

Un sentiment d'hypocrisie se révéla à moi. Je n'étais vraiment pas bien placé pour dire cela, avec tout ce que les filles avaient dû faire pour que j'en dévoile ne serait-ce qu'un peu. 

Allissia me lança un regard avec de grands yeux, comme si elle venait d'avoir une grande révélation.

— Inverser les rôles... Et les girls ! Ce serait pas une super idée ? 

Séverilla et moi nous échangeâmes un regard circonspect. Je n'étais pas sûre de saisir là où elle voulait en venir.

— Mais si ! On pourrait se créer des moments où on parlerait de ce qui va pas chacune notre tour ! Si on parle toutes, ce sera plus facile non ? Et on sera pas obligé de raconter que les pires trucs, pour commencer. Mais ce serait génial, non ? 

Elle venait de poser des mots justement sur l'un de mes problèmes. Car oui, c'était difficile de parler quand tu étais la seule et que tout le monde se focalisait sur toi. Mais là, même si les filles venaient à m'écouter pendant dix minutes, je ferais la même chose pour elle après, ou avant.

Allissia venait vraiment d'avoir une super idée !

— Je suis pour... lançais-je.

Allissia sautilla sur place en claquant des mains, satisfaite de ne pas être la seule dans son délire. Nous nous tournâmes alors vers Séverilla qui semblait peser le pour et le contre.

— Tu n'es pas obligé si tu n'as pas envie de parler, la rassura Allissia. On peut aussi le faire à deux, ça ne te pose pas de problème, Gwen ?

Je secouai la tête. Tant qu'on était au moins deux à parler, cela m'allait.

— Ça m'embête, je voudrais être là pour vous...

Ses yeux balayèrent le sol, à la recherche d'une évidence qui y apparaîtrait.

— Comment est-ce qu'on s'organiserait ? demanda-t-elle.

— Et bien... on pourrait prendre un jour dans la semaine qui serait notre réunion de thérap'amies. On pourra se mettre chez moi, vu que mes parents terminent tard, ou chez toi toi Séverilla, si tu participes. Et aussi, si jamais il se passe un truc qui fait qu'on a vraiment besoin de parler, on peut demander une réunion supplémentaire. Qu'est-ce que vous en pensez ?

Je hochai la tête. Personnellement, cette façon de faire m'allait.

— Et pour le jour, autant prendre le mardi, vu que c'est celui où on termine le plus tôt, donc ça nous laissera bien le temps, ajoutai-je.

Allissia hocha vivement la tête, contente que je participe à l'organisation de l'idée. Je tentai de voir si Séverilla semblait plus convaincue. Choisir le mardi était aussi pour qu'elle ne se soucie pas des enfants.

— Et concrètement, comment ça se passerait ? insista-t-elle.

Allissia pris un peu plus le temps de réfléchir.

— Je pensais bien à quelque chose... L'idée ce serait qu'au début, on écrit quelques sujets dont on veut parler chacune de notre côté, ensuite on se rassemble et chacun notre tour, on prend le temps de parler et d'écouter chacune. D'ailleurs, on n'est pas obligé de parler si on y arrive pas. On peut écrire, faire des gribouillis, tant que ça reste compréhensible, on peut même chanter si ça nous aide, ou quitter la pièce et envoyer un message s'il le faut. Peu importe comment on s'exprime, tant qu'on l'exprime et qu'on prend le temps, c'est ça qui est important.

Séverilla s'humecta les lèvres. Était-elle plus sur du oui ou sur du non ? J'avais vraiment envie de la voir participer. Elle avait des trucs à dire et l'idée d'Allissia était vraiment bien pour nous aider à trouver une légitimité pour apprendre à parler. Peut-être que plus tard, on n'aurait plus besoin de cela pour s'exprimer sans ressentir de culpabilité à s'accaparer l'attention pour nos problèmes. 

Mais il fallait bien commencer quelque part, et l'idée d'Allissia était l'occasion idéale.

— Ah et, bien sûr, on est pas obligé de participer à chaque séance ! Si jamais Séverilla tu veux pas venir, mais que plus tard tu changes d'avis, ou inversement, c'est possible, hein les filles ! Parce qu'on aura pas forcément des choses à dire chaque semaine, et puis, ça pourrait être lourd.

— Alors ? Qu'est-ce que tu en penses ?

Séverilla nous regarda tour à tour longuement, mais elle semblait moins hésiter. Restait à savoir dans quel sens.

— J'admets que c'est une bonne idée... je veux bien essayer une première réunion.

— Oui ! On fait ça maintenant pour cette semaine ?

Nous acquiesçâmes. C'était assez étrange de la voir si contente de dire qu'on va parler de nos problèmes. Peut-être était-ce le soulagement d'avoir trouver une façon de le faire.

— Allez ! Go faire notre première thérap'amies !

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant