15. Sentiments étranges

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J'écarquillai les yeux suite à la pensée que je venais d'avoir. Me montrer triste pour recevoir de l'attention ? J'étais tombée bien bas... Comment pouvais-je être si égoïste ? Comme d'habitude, je ne pensais qu'à moi... Mais eux devaient être tellement embarrassés de voir quelqu'un pleurer sous leurs yeux sans pouvoir rien faire.

Je sautai sur mes pieds, récupérai mon papier à lettre, m'assurai que je n'avais pas imaginé avoir verrouillé ma porte et m'installai à mon bureau.

Tu n'apprends jamais de leçon, hein ? Ça ne t'a pas suffi de voir tes amies s'inquiéter pour toi parce que bouhou, j'ai des lettres trop méchantes, aidez-moi, mais en fait, je vous dis pas que c'est moi l'auteur ! 

Et comme je suis une gamine qui fait un caprice, je chiale en public parce que la vie est trop méchante avec moi, du coup je veux de l'attention ! Bouhou, remarquez moi et mes insécurités !

Sérieusement, c'est pitoyable... J'espère que tu ne penses pas sincèrement que ton voisin en avait réellement quelque chose à faire de toi. Il était juste poli ou alors tu lui as fait pitié parce que les filles timides qui pleurent ça attisent toujours la pitié des gens.

Et après ça, parce qu'en plus, tu vises haut, te faire remarquer par ton prof, chapeau ! T'es une belle grosse merde ! Donc, après ça, tu te dis quoi ? Oh, mais c'était sympa de voir des gens gaspiller leur temps et leur énergie pour moi ! Je recommencerai bien !

Arrête. Juste, arrête. N'oublie pas que tu n'es qu'une figurante dans la vie des autres. Sors pas de ton rôle. Reste invisible. N'essaie pas d'attiser la pitié de tes pauvres camarades de classe. Franchement, je les plains...

Je levai mon stylo de ma feuille. Contrairement à ce à quoi je m'attendais, mes yeux demeuraient secs. Mais je me sentais mieux, non ? L'effet restait garanti ?

Je ne savais pas... À l'instant, seul le vide m'embrassait. Un bourdonnement, une fenêtre qui claque pour me couper de tout. Puis plus aucun son intérieur. Que m'arrivait-il ? Je ne sentais rien, vraiment rien. Pourtant, les lettres me faisaient toujours ressentir quelque chose ; de la tristesse, de la colère, de la culpabilité, puis du soulagement. 

Pourquoi n'y avait-il rien ? Était-ce normal de ne rien ressentir ? Était-ce possible ? De n'être qu'un réceptacle vidé de son âme ?

Machinalement, je rangeai ma lettre avec les autres et m'enroulai dans ma couverture. Mon ventre gargouilla, pourtant, je n'avais pas faim. Je l'ignorai et fermai les yeux. Cependant, mon estomac insista.

Le problème était que je n'avais pas la force de sourire, donc je ne pouvais pas quitter ma chambre.

J'attrapai mon téléphone et mis un réveil à minuit. Je sortirais grignoter à cette heure-là, lorsque tout le monde dormirait. En attendant, je demandai à mon ventre de patienter et me jetai dans les bras de Morphée.

***

Je ne cessai de tourner dans tous les sens pour tenter de me rendormir, mais incapable d'y parvenir, je récupérai mon téléphone pour regarder l'heure. De toute façon, mon réveil n'allait pas tarder à sonner... Je traînai sur Instagram en attendant. J'avais beaucoup de notifications de publication des comptes que je suivais, vu que je n'y allais pas très souvent. 

Mon réveil finit par sonner et je l'éteignit dans la seconde, comme s'il s'agissait d'une bombe. 

Une étrange sensation m'habitait, mais je ne saurais la décrire. Cependant, je n'y fis pas plus attention et pris une grande inspiration avant de m'armer de mon plus beau sourire pour sortir de ma chambre. Je croisai maman qui me dévisagea de longues secondes, mais encouragée par mon sourire, elle me dépassa pour se préparer un café. 

Je pris mon petit-déjeuner en silence et aussi vite que possible. Ensuite, je me préparai et sortis de chez moi. Ce n'était pas mon heure habituelle. À vrai dire, j'étais même parti avec trente minutes d'avances, mais je voulais éviter de passer trop de temps à faire des allers-retours et croiser plusieurs fois maman.

Je ne savais pas si c'était par rapport à leur dispute, ou de ce qu'il s'était passé la veille, mais à l'instant, cela n'avait pas d'importance. J'espérais simplement que la tension ne cohabiterait plus avec nous. Car plus c'était tendu, et plus c'était dur de sourire.

Dans un soupir, je réfléchis à ce que j'allais bien pouvoir faire en attendant l'ouverture du lycée. Si les derniers jours, j'arrivais en retard, là, j'allais même arriver avant Séverilla.

Je contournai le lycée et fis le tour quelques fois pour passer le temps, jusqu'à me poser sur un banc devant le portail et traîner sur mon téléphone. Sans trop réfléchir, j'ouvris le bloc-notes et commençai à écrire ce qui me venait en tête.

Cela ne m'était jamais arrivé d'écrire autre chose qu'une lettre ou pour un devoir. C'était étrange, mais le sentiment que cela me procurait était agréable. Même si ce que j'écrivais n'avait aucun sens et se remplissait d'incohérences. 

Je sursautai quand une main se posa sur mon épaule. Je levai la tête vers Séverilla qui affichait un air étonné. Que faisait-elle là aussi tôt ? Certes, elle était la première du groupe à arriver, mais pas à ce point.

Je jetai un coup d'œil à l'heure et me rendis compte que le portail avait ouvert depuis dix minutes. Ce qui voulait dire que j'étais ici depuis vingt-cinq minutes. 

— Gwen ? Tout va bien ?

Je papillonnai des yeux, encore un peu perturbée, autant par le fait d'écrire que par la vitesse à laquelle le temps venait de passer.

— Oui... ça va, c'est juste qu'il vient de se passer quelque chose de bizarre.

Je me levai pour pénétrer dans le lycée avec elle. Elle me dévisagea, à la fois inquiète et intéressée.

— Quoi donc ?

— Je suis arrivée devant le portail à 7 h 20 environ et pour m'occuper, je sais pas trop pourquoi, mais je me suis mise à écrire. Et là, alors que je pensais que ça ne faisait que quelques minutes, tu vois, bah en fait non, ça en faisait vingt. C'est super bizarre, pas vrai ?

Son expression changea et un sourire orna ses lèvres. Elle passa une main sur mon épaule et se rapprocha de mon oreille, comme pour me dire un secret.

— C'est la magie de l'écriture.

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant