Une fois les premiers cours finis, nous nous dirigeâmes dans la cour pour notre heure de libre. Au loin, sur un banc, je pouvais apercevoir de là où j'étais Illyana qui riait à gorge déployée avec une dizaine de personnes de la classe.
Une main sur ma mâchoire me força à tourner la tête et je me fis toute petite face au regard amère de Séverilla. C'était étrange de la voir ainsi alors qu'elle aussi avait été amie avec Illyana. Leur amitié avait à présent aussi peu d'importance, simplement parce qu'elle n'avait pas été très agréable avec moi ?
Ce n'était pas le cas d'Allissia qui la dévorait d'un regard triste et plein de regrets. Je me demandais si elle n'allait pas finir par elle aussi quitter le groupe pour rejoindre Illyana.
— Les filles... ça ne sert à rien de la regarder comme ça. Elle est déjà passée à autre chose, c'est à notre tour.
— Mais, débuta Allissia. Je n'arrive pas à comprendre ses paroles. Elle aimait beaucoup Gwen et elle avait choisi de faire partie du groupe au lieu de ne faire que rester quelques minutes avant de repartir. Peut-être... qu'il y a un malentendu ? Je vais essayer de lui parler ! Je suis sûre que je peux régler le problème !
Déterminée, Allissia partit droit vers Illyana malgré Séverilla qui tenta de la retenir. Mais je la bloquai en posant une main sur son épaule.
— J'ai besoin d'en avoir le cœur net. De savoir si elle regrette ce qu'elle a dit ou s'il n'y a aucune chance de redevenir amie avec elle. S'il te plait...
Son regard s'adoucit et elle suivit des yeux Allissia, bien qu'elle ne semblait pas convaincue. Pour elle, tout était clair et il n'y avait pas à douter.
— Elle est déjà partie, répondit-elle.
Cependant, je ne savais pas si c'était pour signifier que l'arrêter ou non ne changeait rien parce qu'elle n'aurait pas eu le temps de rattraper Allissia, ou si elle parlait d'Illyana.
Séverilla m'incita à détourner le regard, mais je persistai à observer la discussion entre Allissia et Illyana. Cette dernière, à l'arrivée de la rousse, changea de regard, et s'éloigna de la classe. Comparé à moi, elle ne ressentait aucune animosité envers Allissia. Elle semblait vraiment s'en être éloignée uniquement parce qu'elle n'était pas d'accord avec ses propos.
Je déglutis. J'espérais que face à l'insistance d'Allissia, elle n'allait pas finir par lui révéler au sujet des lettres. Je ne voulais pas perdre mes deux amies restantes.
Quelques minutes plus tard, Allissia revint vers nous, tête basse. Alors il n'y avait pas de malentendu ? Elle s'était tant sentie trahie par le fait que j'étais l'auteur des lettres ?
— A-alors ? tentai-je tout de même.
— Elle m'a dit qu'elle considérait que son amitié avec toi était du passé et qu'elle ne voulait pas ne serait-ce que parler de ça. Elle a aussi précisé qu'elle avait compris que Séverilla et moi avions fait notre choix, et que ce n'était plus la peine qu'on vienne lui parler...
Des larmes se mirent à couler le long des joues d'Allissia. J'esquissai un mouvement pour la serrer dans mes bras, mais me stoppai. Tout ça, c'était de ma faute. A cause de moi, des lettres, de mon imprudence, de ma putain de connerie. J'avais détruit leur amitié. Illyana avait raison de dire que j'étais la pire amie qu'on pouvait avoir....
— Je suis désolée... c'est peut-être pas trop tard pour changer de choix...
Allissia releva de grands yeux vers moi, puis sécha ses larmes.
— Non... je changerais pas mon choix. J'ai laissé une chance à Illyana de donner une vraie explication, tenté de comprendre... C'est juste... une idiote...
— Une idiote qui ne mérite pas que vous pleuriez pour elle alors qu'elle n'a aucun regret de son côté.
— Ne dis pas ça ! s'enquit Allissia.
Elle qui s'était subitement redressai, s'affaissa de nouveau après m'avoir jeté plusieurs regards. Je fis un pas en arrière qui me colla contre une structure de pierre.
— Désolée Gwen... je regrette vraiment pas d'être restée avec toi. C'est juste que c'est difficile pour moi de la voir partir comme ça... J'aurais préféré ne pas avoir à faire de choix...
Mon cœur se serra, et ma gorge aussi. Cependant, je trouvai la force, malgré les larmes qui menaçaient de couler, et mon menton qui tremblait, de lui répondre.
— Ne sois pas désolée... C'est déjà assez difficile pour moi, alors j'ose même pas imaginer à quel point ça doit l'être pour toi.
— Vous devriez pleurer un bon coup pour faire votre deuil.
— Moi je n'ai pas le droit de pleurer... C'est de ma faute tout ça...
Séverilla agrippa ma main et je détournai le regard.
— Ne dis pas ça, ce n'est pas de ta faute si..
— Illyana a ses raisons... la coupai-je.
— Ne lui invente pas d'excuses.
— Elle en a. C'est la vérité.
Je me mordis la lèvre. J'en disais trop. Elle allait m'interroger et comprendre que je cachais encore quelque chose. A quel point Séverilla m'en voudrait si elle se rendait compte de tout ce que je dissimulais ? Je ne voulais pas la voir partir elle aussi. Je l'aimais tellement... je ne le supporterai pas.
— Comment ça ? Quelles sont ses raisons ?
Allissia aussi parut intéressé et je regrettais aussitôt d'avoir ouvert la bouche.
— Tout ce que je veux, c'est que vous ne la détestez pas pour ça.
— Mais je ne comprends pas... Il y a autre chose que l'histoire d'hier ? De quoi vous avez parlé quand elle est venue te chercher ? Elle est restée très évasive sur le sujet...
Je fermai les yeux aussi fort que possible, tout en me mordant la lèvre. Je venais de donner un espoir à Allissia. Un espoir de peut-être régler ce qu'elle pensait être un malentendu. Mais je ne pouvais rien dire. Non seulement cela ne changerait rien vis-à-vis d'Illyana, mais en plus les filles me détesteraient à leur tour et m'abandonneraient.
Une partie de moi s'en voulait de leur mentir de la sorte, mais je ne pouvais juste pas. Je les aimais trop pour prendre le risque de les faire fuir.
Un goût métallique emplit ma bouche et je relâchai instinctivement la pression que mes dents exerçaient sur ma lèvre.
— Tu t'es coupé... constata Séverilla.
Elle fouilla dans son sac pour prendre un mouchoir et l'appliqua délicatement sur ma lèvre meurtrie. Je n'osai pas croiser son regard, j'avais trop peur de tout ce qu'elle pouvait y lire.

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A la lettre
Ficção AdolescenteGwen s'écrit des lettres. Des lettres de haine. Des lettres pour la faire culpabiliser. Des lettres que personne ne doit découvrir. Sauf que c'est arrivé.