58. Pourquoi

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Je pris place près d'elle, mais elle me fit signe de ne pas me mettre trop près, afin d'éviter de tomber malade à mon tour. Honnêtement, je pourrais tomber malade cent fois juste pour pouvoir la serrer dans mes bras, mais je respectais sa volonté.

Je sortis mes cahiers et récupérai les feuilles qui lui appartenaient. Ensuite, je récupérai son téléphone, la laissai le déverrouiller, puis pris les cours en photos tout en lui expliquant les choses importantes.

— Gwen ? Tu sais, même malade, j'arrive à lire en toi. Il s'est passé quelque chose ?

Je baissai la tête. Je savais bien que même si je le voulais, je ne pouvais rien lui cacher. Enfin, je ne pouvais plus. Je me demandais si je choisirai de retrouver cette capacité à réussir à faire comme si tout allait bien tout le temps si je le pouvais. Et surtout, si c'était une bonne chose.

— Effectivement... il y a quelque chose d'assez important que tu dois savoir.

Elle se redressa, l'oreille tendue. Le peu que je venais de lui dire suffisait pour qu'elle comprenne la gravité de la situation.

Tout en triturant mes mains, je lui expliquai comment Allissia avait, disons, pété les plombs, puis le fait qu'Illyana me détestait et finis en lui parlant de la probabilité qu'on ne traîne plus jamais ensemble et que peut-être, qu'à cause de moi, c'était la fin de leur amitié.

A la fin de mon récit, Séverilla avait les yeux grand ouverts. Etait-ce la maladie qui la rendait aussi expressive ?

— Illyana pense vraiment ça de toi ? Mais... tu ne lui as rien fait ? Et Allissia a reconnu que c'était de sa faute ?

Je hochai la tête. Peut-être comprendrait-elle facilement les choses rien qu'en voyant Illyana quand elle reviendrait demain. La connaissant, si Illyana se montrait vulnérable, elle y arriverait facilement.

— Qu'est-ce qu'elle t'a dit précisément ?

— Euh...

J'hésitai à lui dire. En se faisant, j'avais vraiment l'impression de parler dans le dos d'Illyana et de lui cracher dessus. Et si je déformais ses propos, j'aurais l'air de vouloir les mettre tous à dos.

— Est-ce qu'elle a menacé pour que tu ne dises rien ?

— Non ! C'est juste que... ça me met mal à l'aise. J'ai l'impression de cracher sur elle alors que ce matin encore, on était amies... Peut être que... peut-être qu'après une nuit de sommeil, elle va se dire que si Allissia a reconnu ses tords, elle n'a pas de raison de m'en vouloir et... reviendra...

Je finis ma phrase sans trop de conviction. L'espace d'un instant, j'avais oublié qu'il y avait des chances que sans cette histoire de lettres, Illyana ne me détesterait pas. Sauf que ça, je ne pouvais l'expliquer à personne...

— Peut-être... mais si jamais ça n'arrive pas, j'aimerais comprendre. Je regrette tellement de ne pas être venue aujourd'hui...

Elle lâcha un profond soupir. Le simple fait d'être là l'aurait certainement aidé à comprendre. Le problème était qu'elle en comprenne un peu trop.

J'essayai de retrouver mots pour mots quelques phrases qu'elles m'avaient dites et les lui retranscrire. Je n'avais pas arrêté de triturer mes doigts, à tel point que je commençai à me griffer.

Séverilla s'en rendit compte et sortit ses mains de la couverture pour attraper les miennes. Je cessai aussitôt tout mouvement, comme anesthésié.

— Rappelle-toi qu'Allissia et moi on est là... Ces horreurs qu'elle t'a dit, c'est du n'importe quoi. Tu es vraiment une personne en or. Ce n'est pas de ta faute si Allissia a réagit ainsi, et ce n'est pas non plus de ta faute si Illyana te déteste pour des raisons incompréhensibles.

Tu ne sais pas tout.... Si seulement je pouvais te le dire pour que tu ne lui en veuille pas trop...

Je me contentai de hocher la tête. A cet instant, j'aurais voulu que Séverilla me serre dans ses bras, mais même là, elle préférait éviter à cause de sa fièvre. Foutu maladie...

***

Cette journée, avant même d'avoir commencé, était l'une des plus étranges de ma vie. Je n'arrivais pas à réaliser qu'en allant en cours, Illyana ne nous retrouverait pas. Savoir qu'elle m'éviterait, me lancerait peut-être ce même regard que la veille lors de sa découverte... 

Au fond de moi, j'espérais n'être que dans un cauchemar et que ce n'était qu'une question de temps avant que je ne me réveille. Cependant, l'illusion se fissurait à la douleur dans mon cœur qui ne me quittait pas. D'autant plus que je m'étais cogné plusieurs fois dans mon inattention, sans aucune trace d'une réalité qui cherchait à me rattraper.

Non. La seule réalité était celle-ci. La vie et les rêves semblaient se mélanger. Cette nuit, j'avais rêvé qu'Illyana venait me parler et me disais qu'elle avait merdé et qu'elle voulait qu'on reste amies. 

Ce fut le réveil le plus douloureux de ma vie. Même une heure plus tard, alors que j'attendais Séverilla devant le lycée, le simple fait d'y repenser me donnait envie de pleurer. 

Tout ça à cause de ces lettres de merde... Parce que j'avais été faible face à la situation. Alors que j'avais promis. J'avais promis que plus jamais je n'en écrirais pour m'assurer que les filles ne comprennent pas que c'était moi. Et je l'avais tenu jusque là. Je l'avais tenu grâce à l'écriture qui était devenue un pilier dans ma vie. Je pouvais écrire des histoires, et cela m'aidait à aller mieux.

Pourquoi cela n'avait pas marché cette fois-ci ? Etait-je retourné dans l'engrenage infernal des lettres ? Était-je obligé de me faire mal pour aller mieux ?

— Salut...

Je relevai la tête vers Séverilla qui me regardait la mine inquiète. Je me rendis alors compte que je n'avais pas retenu mes larmes. Je les séchai rapidement, mais de nouvelles coulèrent à leur tour.

Non ! Arrête de pleurer ! 

Séverilla prit place à mes côtés et sortit un mouchoir de sa poche avec lequel elle essuya mes joues. Je concentrer entièrement mes pensées sur la sensation de ses doigts dans mon cou qui me faisaient frissonner, de la douceur avec laquelle elle passait le tissu sur ma peau. Et peu à peu, je parvins à me calmer.

Une fois les joues sèches, Séverilla déposa un baiser sur mon front, et je n'attendis pas plus pour fondre dans ses bras qui m'accueillirent avec force et douceur. Elle me caressait les cheveux, passait ses doigts sur ma nuque. 

Ce fut presque comme si la douleur n'avait jamais existé. Peut-être parce que je me focalisais sur elle et me forçais à penser à rien d'autre. Mais même si c'était superficiel et éphémère, c'était agréable.

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant