28. Ne doute pas

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La pause midi arriva rapidement. J'avais bien essayé durant la pause de tirer les vers du nez d'Allissia, mais j'avais dû m'arrêter avant de devenir suspecte. Je ne voulais pas qu'elle comprenne que j'avais lu les messages. 

Nous rejoignîmes la queue pour manger, mais en chemin, Séverilla nous arrêta.

— Faut que j'aille aux toilettes, quelqu'un m'accompagne ?

Allissia esquissa un geste, mais se ravisa.

— Désolée, mais j'ai faim. Je préfère attendre dans la file, ça me donne l'impression que c'est plus proche.

— Je t'accompagne, fis-je

Je ne relevai pas le fait que ce n'était pas dans ses habitudes de demander à être accompagnée. Elle devait avoir ses raisons, bien que je n'en avais aucune idée.

Une fois dans les toilettes encore vide, vu qu'on était sorti cinq minutes en avance, Séverilla se stoppa, et se tourna vers moi.

— Tu ne vas pas aux toilettes ?

— Tu as lu les messages, pas vrai ?

Je me figeai. Comment ? Séverilla était un vrai mystère, ça je le savais, mais j'avais tout fait pour cacher cela. Alors comment ? C'était impossible qu'elle ait réellement deviné. A moins que... quand je parlais avec Allissia, je faisais en sorte d'être assez subtile pour qu'elle ne comprenne pas. Ce qui était assez facile à faire car elle n'était pas la plus perspicace. 

Cependant, je n'avais pas fait attention à Séverilla, comme j'étais partie sur le principe qu'elle n'essaierait pas de me faire parler. Mais maintenant que j'y pensais, elle pouvait en profiter pour m'analyser et trouver des réponses à sa façon.

Je me pinçai légèrement les lèvres et réfléchis en vitesse à une réponse.

— J'aurais aimé savoir ce que vous mijotiez, mais non, je n'ai rien lu. 

J'affichai un air gêné. Je n'aimais vraiment pas ce que j'allais faire, mais c'était la seule idée que j'avais. Et, en un sens, n'était-ce pas légitime ?

— Je sais que vous avez parlé d'une surprise mais... C'est vrai ? Je veux dire, si vous pensez que vous devez arrêter d'être amie avec moi, que je suis une mauvaise personne ou quoi que ce soit, vous pouvez me le dire, je ne me vexerai pas.

Séverilla ouvrit de grands yeux. Avais-je été convaincante ?

— Gwen... c'est même le contraire. Si tu savais ce qu'on te prépare...

Elle baissa la tête un instant, sourcils froncés.

— Qu'est-ce qui te fais penser qu'on ne veut plus de toi comme amie ? Je veux chasser tes doutes. On t'aime vraiment tu sais.

Je ne pus m'empêcher de rougir, ne m'attendant pas à ce qu'elle soit aussi directe. Et Séverilla n'était pas du genre à exagérer ou dire des choses qu'elle ne pensait pas. Et si elle parlait à la place des filles, c'était qu'elle ne doutait pas de leur amitié envers moi non plus.

La culpabilité me frappa en plein ventre. Même si j'avais la réponse quant à mes doutes personnels, à présent, je me sentais mal d'avoir pensé cela. Mes amies étaient adorables, si elles ne voulaient pas traîner avec moi, elles ne le feraient pas.

— Je suis désolée... c'est juste que... c'est une idée qui m'a traversé l'esprit, mais c'est stupide, excuse moi, vraiment. Je devrais pas douter de vous comme ça.

Séverilla saisit ma main.

— Gwen, je ne cesserai jamais de me répéter mais, tu peux tout me dire, à moi ou aux autres. Réponds-moi honnêtement, est-ce que tu caches quelque chose ?

Je ne pus contenir ma surprise. Avec ses messages, je ne m'attendais pas à ce qu'elle lance le sujet. Et il y avait une différence entre convaincre Allissia et convaincre Séverilla. Alors je jouai ma dernière carte.

— Oui. Mais je ne pense pas me tromper si j'affirme que c'est aussi ton cas et celui des filles. 

Elle prit un temps pour réfléchir, l'air hésitante.

— Je n'insisterai pas pour savoir ce que c'est, mais simplement... est-ce que c'est grave ? Parce que si on peut faire quoi que ce soit...

— Je sais... Mais je t'assure que ce n'est rien. Ce n'est plus rien, avouais-je.

Je n'avais pas le choix de dire une part de vérité, même minime. Alors oui, cela me faisait admettre qu'il y avait bien quelque chose dont je n'avais pas parlé, mais je concentrais l'important sur le fait que c'était du passé. Les lettres ne me ressemblaient plus. J'avais compris maintenant que c'était un cercle vicieux qui ne me donnait un bien que superficiel et éphémère. Et qu'au contraire, cela me poussait à rejeter tout le négatif sur moi, même quand je n'étais pas fautive, parce que ça me rassurait et m'évitais d'en vouloir aux autres.

J'avais compris. Et j'avais appris. Alors maintenant, quand je ne souriais pas pour aller mieux, je voyageais à travers l'écriture.

Séverilla me lâcha la main qui perdit sa chaleur.

— Dans ce cas je te fais confiance. Désolée d'être aussi insistante.

— Non... En fait, je crois qu'une partie de moi aime bien. Ça me donne l'impression d'être importante.

Même si l'autre partie se sentait mal, surtout parce que cela me forçait à mentir.

— Tu l'es, dans au moins trois cœurs, n'en doute pas.

Séverilla m'offrit un sourire sincère qui emplit mon cœur d'une boule de chaleur. Mon nez me piqua et je dus prendre sur moi pour ne pas que ça aille plus loin. Que ce soit pour me faire parler ou m'émouvoir, elle était forte. Trop forte.

— Merci... c'est plus que réciproque. Je vous aime toutes.

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant