57. Culpabilité

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Avec tout cela, j'avais hésité à sécher les cours de l'après-midi, mais je me rappelai que j'avais promis à Séverilla de passer la voir pour lui ramener les cours. Je n'avais pas le droit de l'abandonner alors qu'elle était sûrement la dernière qu'il me restait. Si Illyana ne me pardonnait pas, il n'y avait aucune chance que ce soit le cas pour Allissia.

C'était tellement dur d'être concentrée en classe, de tout noter, de ne pas oublier de demander les feuilles pour Séverilla. Mais je savais que plus tard, je la remercierais pour cela. Cependant, à l'instant, je ne pensais pas trop au futur, sûrement que cela me faisait un peu peur. Dans ce futur où je la remercierais, serait-on encore ensemble ? Me détesterait-elle ?

Je n'osais même pas envisager l'éventualité. Ce serait trop douloureux. 

La sonnerie du dernier cours me libéra de mes pensées. Je rangeai mes affaires sans grande conviction, puis quittai la classe. Je marchai tête baissée jusqu'à la sortie. L'air frais me gifla le visage, mais c'était plutôt agréable.

— Gwen !

Je me stoppai net à la voix d'Allissia. Je n'eus pas le temps de me demandai ce qu'elle voulait, ni même de me tourner qu'elle me sauta dessus et m'entoura de ses bras, sanglotant. Je n'effectuai toujours pas le moindre mouvement, incapable de ne serait-ce que réfléchir.

— Je suis désolée ! Je pensais pas tout ce que je disais je t'assure ! Je... je voulais vraiment comprendre pourquoi tu avais fugué, sans arrière pensée, mais... je pouvais pas m'empêcher de penser à mes parents qui vont divorcer... Je t'ai parlé comme si tu étais à ma place, avec ma vie... Je sais que j'ai été égoïste et je suis désolée... Je sais pas si je pourrais me faire pardonner...

Mes propres larmes refirent surface et je me tournai pour la serrer dans mes bras, comme si ma vie en dépendait. Nous restâmes ainsi quelques minutes, à pleurer contre l'épaule de l'autre. A nouveau, je ne pensais même plus aux passants qui nous dévisageaient, ni même du fait que nous prenions une partie du trottoir. Tout cela n'avait pas d'importance. Parce qu'Allissia voulait toujours de moi.

— Alors... tu ne me détestes pas ? 

— Non ! C'est toi qui devrais me détester ! J'ai été tellement méchante avec toi ! J'ai complètement ignoré ce que tu disais à propos de ta mère alors que... ça a dû être tellement horrible à vivre pour toi ! Je comprends mieux pourquoi tu souris tout le temps et nous cache toujours tout... Et pourtant, tu as eu le courage de te confier à nous.

Mon cœur s'emplit d'un sentiment inconnu. J'avais été courageuse de me confier alors que j'avais été éduqué pour ne pas le faire ? Je n'aurais jamais imaginé de tels mots pour décrire cela. Et encore moins de la bouche d'Allissia après ce qui s'était passé. J'étais complètement perdue, je n'arrivais pas à savoir quelle émotion je devais ressentir. Elle avait dit que c'était à elle de se sentir désolée et pas moi, mais... ce n'était pas ce que pensait Illyana...

— Alors... On est toujours amies ? me demanda-t-elle, avec une tête de chien battu.

— Si tu veux encore de moi, c'est avec plaisir...

Elle fit la moue, avant de me serrer à nouveau dans ses bras.

— Je te l'ai dit... tu n'as pas à t'en vouloir... Ne te sens pas coupable pour ça, s'il te plait... Ce serait trop injuste que tu te sentes mal alors que c'est de ma faute... Je sais qu'Illyana t'a parlé, et je sais ce qu'elle pense de toi. Je ne comprends pas comment elle peut dire des choses aussi affreuses sur toi, mais c'est juste une idiote, alors n'y pense pas trop.

Elle se crispa vers la fin. Moi, je ne savais d'autant moins quoi penser. Une partie de moi étais touché qu'Allissia soit de mon côté, l'autre... se sentait tellement coupable d'avoir détruit une amitié aussi belle que celle d'Allissia et d'Illyana. Ça s'entendait à sa voix à quel point parler d'Illyana de la sorte lui faisait mal.

— Je vais devoir rentrer chez moi, on se revoit demain ?

Je hochai la tête et nous nous séparâmes. Je pris plusieurs grandes inspirations, puis me mis en route pour aller chez Séverilla. En chemin, un dilemme se présenta. Devais-je lui parler de ce qui s'était passé ? Elle serait au courant le lendemain, car à mon avis, si Illyana continuait à rester dans le groupe, son animosité envers moi ne passerait pas inaperçu, et je ne voulais pas que ce soit Illyana qui lui explique tout.

Tout comme Allissia, surtout après le cadeau, je ne comprenais pas comment elle pouvait penser cela de moi. Était-ce la découverte des lettres qui l'avait tant influencé ? Allissia aurait-elle réagi pareil si j'avais eu le temps d'en parler ? Je ne savais plus rien, mais ce qui était sûr, c'est que je n'avais plus du tout envie de leur révéler que j'en étais l'autrice.

Néanmoins, pour ce qui était de cacher l'histoire du jour à Séverilla... avais-je déjà réussi à cacher quelque chose à Séverilla d'ailleurs ? Elle risquerait de le prendre plus mal qu'autre chose que je tente de lui dissimuler. Alors, si jamais elle n'était pas trop faible, je lui dirais tout. Enfin, je ne parlerais certainement pas du fait que je sois l'auteur des lettres, et que cela avait certainement joué dans l'opinion qu'avait désormais Illyana de moi.

Je finis par arriver devant l'appartement de Séverilla et sonnai. Marjorie, sa mère, fut celle qui me répondit, d'une voix un peu fatiguée, qui s'éclaira dès lors que je me présentai.

Je montai alors les escaliers et pénétrai dans la demeure de ma copine.

— Elle est réveillée ? demandai-je à Marjorie.

— Oui, elle est sur le canapé, elle t'attend. Je vais vous laisser seules pour chercher les enfants.

Je hochai la tête et, alors qu'elle mettait ses chaussures, je l'abandonnai à l'entrée pour rejoindre Séverilla. Cette dernière était emmitouflée dans une couverture et somnolait à moitié. Cependant, elle reprit contenance en me voyant arriver et me souris.

— Coucou...

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