44. Marjorie

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Je me tournai vers son père qui n'avait toujours rien dit. Comme il était du genre silencieux, comparé à sa mère qui aimait parler avec moi, malgré les années, j'étais incapable de savoir s'il m'appréciait ou non.

En tout cas, il se contenta de hocher la tête, signe qu'il approuvait ma présence, ce qui me suffisait amplement. 

Nous nous reconcentrâmes sur Lina, mais cette dernière s'était déjà rendormie dans mes bras.

— Laissons là faire la grasse matinée. Pour une fois qu'elle ne court pas déjà dans tous les sens, fit son père.

Sa mère approuva dans un rire, bien que peint d'amertume. Même s'ils devaient être contents de pouvoir profiter d'un peu de calme, ils devaient tout de même trouver dommage que le seul jour où ils peuvent passer du temps avec leurs enfants, soit un jour où ces derniers dorment plus longtemps.

— Laisse moi tout de même t'offrir un thé, Gwen, lança sa mère en resserrant son peignoir. 

— Avec plaisir.

Elle s'éclipsa dans la cuisine alors que le père et Séverilla m'aidèrent à allonger Lina et la border. Son père rejoint ensuite sa mère dans la cuisine pour se préparer un café, et de notre côté, nous retournâmes sur le canapé. Je m'enroulai de nouveau dans la couverture.

Séverilla n'attendit pas plus et me serra dans ses bras dans lesquels je me lovai. J'essayai sans grand succès de ne pas penser aux raisons de ma venue pour profiter du moment, cependant, ces pensées me hantaient.

Que se passerait-il lorsque je rentrerais ? Papa m'avait assuré qu'il parlerait à maman, mais avait-il déjà réussi à la dissuader d'aller au bout de son idée ? Après tout, les dernières et uniques fois ne furent pas très laborieuse. Mais peut-être que cette fois-ci, il y parviendrait ?

Maman pouvait me punir de toutes les manières qu'elle voulait, je souhaitais juste que ce ne soit pas public.

— Tiens, ton thé.

Je me redressai et récupérai la tasse brûlante que je recouvris de la couverture pour ne pas être en contact direct.

— Merci beaucoup madame.

— Oh, je t'en prie, appelle-moi Marjorie. Combien de fois je vais devoir te répéter que je ne veux pas de ces formalités ?

— C'est vrai, désolée.

Elle me dévisagea avec insistance, ce qui me fit comprendre qu'elle attendait une suite.

— Marjorie...

Cette dernière m'offrit un grand sourire, satisfaite, puis s'éloigna. Elle nous regarda une dernière fois, l'air émue. C'était la première fois que je voyais cette lueur dans ses yeux, tout comme c'était la première fois qu'elle nous voyait aussi proches. C'était comme si elle réalisait que nous avions grandi. 

Quand elle disparut, je soufflai sur le liquide encore trop chaud, et y trempai mes lèvres. Thé au citron. Un basique mais une valeur sûre.

Lorsque mon thé fut bien entamé, la sonnette retentit, ce qui me fis sursauter et manqua de me faire renverser le contenu de la tasse.

— Ça doit être ton père, lança Marjorie dans le couloir. Je vais lui ouvrir, restez là.

Elle finit d'attacher ses cheveux en chignon devant le miroir, puis sortit de l'appart. Le fait qu'elle descende confirmait qu'elle comptait lui parler. Une boule se forma dans mon estomac et mon thé ne me fit soudain plus envie.

Séverilla remarqua ma grimace, car elle m'embrassa le front, avant de me serrer un peu plus fort contre elle.

— Tu pourras te changer, tu seras mieux.

Je hochai la tête contre son épaule, bien que toujours pas rassurée.

Comment réagirait Marjorie si papa en disait trop ? Le ferait-il ? Que lui dirait-il tout court ? Que j'avais fugué parce que la crise d'ado ? 

— Ta mère est vraiment gentille de ne pas avoir insisté pour savoir pourquoi j'étais là...

— Elle devait sentir que tu ne voulais pas en parler. On ne fuit pas chez soi en pyjama pour le plaisir de geler.

Je me collai un peu plus contre elle. Pourquoi mettaient-ils autant de temps ? Je devais savoir. Je voulais voir dans ses yeux si elle savait. Ou bien si elle serait blasée de me voir faire une soi-disant crise d'adolescence. Mais c'était toujours mieux qu'elle pense cela.

Après un temps qui me semblait interminable, la porte d'entrée s'ouvrit et je relevai la tête. Marjorie tenait deux sacs, dont un qu'elle posa dans la cuisine, sûrement là où se trouvait les sandwichs, puis me tendit l'autre. Un grand sourire ornait ses lèvres, et elle me caressa légèrement les cheveux avant de repartir pour finir de se préparer.

Elle savait définitivement quelque chose. Mais quoi ? Ce n'était pas comme si je pouvais aller la voir et lui demander ce que mon père lui avait dit. Car s'il n'avait rien dit, elle comprendrait que nous cachions quelque chose.

Je lâchai un petit soupire et me levai pour aller me changer dans la salle de bain.

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant